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L’assimilation : revue de littérature et définition

SECTION 1 : Question de recherche et cadre théorique

IV. Construction sociale Il existe un phénomène de réseau mais le

2. L’assimilation des technologies web : un enjeu pris en charge par les seuls managers seniors et les praticiens des SI ?

2.1. L’assimilation : revue de littérature et définition

Si l’adoption est une condition nécessaire pour utiliser une technologie, elle n’est pas suffisante pour permettre une amélioration de la performance de la firme qui l’adopte. C’est cet écart qui intéresse nombre de chercheurs et qui a conduit à mettre en évidence deux résultats cruciaux : d’une part, l’importance de distinguer l’adoption par l’organisation et le déploiement dans l’organisation (Fichman et al. 1999) et d’autre part, le besoin de se détacher d’une vision déterministe de la technologie pour prendre en compte les contextes d’usage (Markus et al. 1988; Orlikowski 1992).

Ces deux éléments renvoient à la manière avec laquelle l’organisation va progressivement intégrer et assimiler l’innovation technologique1 :

“Assimilation is defined as the extent to which the use of the technology diffuses across the organizational projects or work processes and becomes routinized in the activities of these projects and processes (Cooper et al. 1990; Fichman et al. 1997; Tornatzky et al. 1990)” (Purvis et al. 2001).

La technologie n’offre pas une définition objective de ses usages. Une innovation technologique ne devient utile que si ses « fonctionnalités implicites » (Purvis et al. 2001) sont assimilées par l’organisation, sachant que ces fonctionnalités sont d’une certaine façon réinventées par l’organisation (Orlikowski 2000; Rice et al. 1980; Rogers 1995) sous contrainte des possibilités techniques. La notion d’assimilation n’est pas neutre, la connotation est explicitement positive, au sens où si la technologie est assimilée alors elle permet d'améliorer la performance de la firme :

“We define IT assimilation as the effective application of IT in supporting, shaping, and enabling firms' business strategies and value-chain activities” (Armstrong et al. 1999).

Le plus souvent, l’assimilation est opérationnalisée par l’analyse de la quantité et le type d’usage (Chatterjee et al. 2002; Ranganathan et al. 2004). Plus il y a d’usage, plus le niveau d’assimilation est élevé. Le degré d’utilisation peut se définir comme le « volume » de technologie utilisé, la confiance que l’on peut avoir dans la technologie pour voir le travail prévu réalisé, et la diversité des usages (Trice et al. 1988).

Certains auteurs distinguent les différentes étapes (Cho et al. 2001; Fichman et al. 1997) du processus qui amènent à une assimilation maximale :

“Assimilation is defined as the process spanning from an organization's first awareness of an innovation to, potentially, acquisition and widespread deployment” (Fichman et al. 1997).

1

Nous avons choisi de prendre en compte des théories qui abordent la question de l’assimilation mais qui retiennent d’autres termes comme ceux d’implémentation, de routinisation et d’infusion.

Cooper, R.B., et Zmud, R.W. "Information Technology Implementation Research: A Technological Diffusion Approach," Management Science (36:2), fév. 1990, pp 123-139,

Pierce, J.L., et Delbecq, A.L. "Organization Structure, Individual Attitudes and Innovation," The Academy of

Six étapes sont distinguées :

1. les décideurs clés sont au courant de l'existence des technologies (awareness) ; 2. les décideurs s’engagent dans l'apprentissage des technologies ;

3. les décideurs décident d’acquérir l'innovation pour l’évaluer ; 4. l’utilisation est prévue, puis engagée (commitment) ;

5. le déploiement est limité ;

6. le déploiement est généralisé (op. cit.).

La littérature propose deux types d’explications pour comprendre le degré plus ou moins élevé de l’assimilation : l’une met en évidence la dimension clé de l’apprentissage et l’autre le rôle des managers seniors (Chatterjee et al. 2002; Fichman et al. 1997; Meyer et al. 1988).

Dans la première approche, l'adoption d'une nouvelle technologie se heurte avant tout à des barrières cognitives qui vont limiter le niveau d’assimilation. Cette question se pose pour les entreprises qui adoptent les technologies mais aussi pour celles qui veulent les vendre :

“Knowledge and technical know-how become important barriers to diffusion, and supply-side institutions have to innovate, not only in their design of products, but especially in the development of novel institutional mechanisms for reducing this knowledge or learning burden upon end users” (Meyer et al. 1988).

Pour lever ces barrières cognitives, plusieurs options sont offertes aux fournisseurs de technologies : commercialiser des services associés à la vente de l'outil ou standardiser les technologies. Ce démarches permettent de diminuer le savoir à mobiliser (op. cit.).

Chez les entreprises qui adoptent, les barrières sont d'autant plus fortes que la technologie est complexe et que l’adoption est précoce dans le cycle de vie de l’innovation technologique. Trois situations permettent de limiter le coût lié à ces barrières (Fichman et al. 1997) :

1. existence d’économies d'échelle (cf. cabinet de conseil qui multiplie les expériences) ; 2. présence de savoirs très divers dans l’organisation, ce qui permet une meilleure « absorptive capacity »1 (Cohen et al. 1990) ;

3. existence d'un savoir pré-existant sur le domaine qui facilite l'apprentissage.

1

"The ability to evaluate and utilize outside knowledge is largely a function of the level of prior related knowledge (...) These abilities collectively constitute what we call a firm's "absorptive capacity"" Cohen, W.M., et Levinthal, D.A. "Absorptive Capacity: A New Perspective on Learning and Innovation,"

Dans la deuxième approche, les auteurs proposent de ne plus seulement se focaliser sur les utilisateurs finaux ou les managers de base mais de prendre en compte l’action des managers seniors qui ont un rôle de médiation pour favoriser l’assimilation de l’innovation (Armstrong et al. 1999; Purvis et al. 2001). Certains adoptent une perspective structurationniste et considèrent que l’assimilation est le résultat d’une myriade d’actions structurantes réalisées par les individus dans l’entreprise (Chatterjee et al. 2002).

Ils indiquent qu’il faut étudier les phénomènes de metastructuration pour comprendre l’assimilation des technologies car si les individus, par leurs actions structurantes, déterminent le niveau de leurs usages, des actions réalisées au niveau organisationnel influencent également ces actions individuelles. Ces actions, menées par une élite institutionnelle (c’est-à- dire les managers seniors) et par des « champions de la technologie » sont à la fois directes, elles rendent la technologie plus pertinente pour les utilisateurs, et indirectes, elles permettent de manipuler les structures institutionnelles existantes et ainsi d’influencer les actions structurantes des individus (Purvis et al. 2001).

Les auteurs arrivent alors aux deux résultats suivants :

“the findings clearly demonstrate the value of identifying the nature of organization-level technology- use mediation (metastructuring) actions for overcoming the inertia attributable, in part, to institutional forces that otherwise would be likely to suppress the adaptation and acceptance processes necessary for the technological innovation to become an integral element of an organizational’s routine work practice. (...) Second these findings add to the existing collective knowledge regarding the influence of senior management championship by suggesting that its effect occurs through specific technology-use mediation actions rather than directly on technology use itself” (op. cit.).

Cette analyse du rôle des managers seniors (Armstrong et al. 1999; Chatterjee et al. 2002; Purvis et al. 2001) est très pertinente pour mieux prendre en compte le niveau organisationnel et dépasser le niveau des utilisateurs finaux mais elle reste focalisée sur un seul groupe professionnel. Elle ne traite pas de la question de la division du travail. Certains auteurs abordent la problématique de la coordination entre les différents acteurs en soulignant, notamment, les enjeux de la répartition des rôles et des échanges entre managers pour améliorer l’assimilation (Chatterjee et al. 2002). Ceci étant, cet aspect n’est ni approfondi, ni fondé sur un cadre théorique solide. Nous proposons donc de conserver cet objectif de questionner « the organization-level technology-use mediations actions » (Purvis et al. 2001)

dans le cas des sites web mais en intégrant l’ensemble des groupes professionnels qui interviennent sur les sites