• Aucun résultat trouvé

Recherche intervention ou interactive, Action Research ou Participative Action

SECTION 1 : Question de recherche et cadre théorique

IV. Construction sociale Il existe un phénomène de réseau mais le

4. Quelles relations avec le terrain ?

4.1. Recherche intervention ou interactive, Action Research ou Participative Action

Research ?

Les termes pour qualifier les recherches qui impliquent de très nombreuses interactions avec le terrain et où le chercheur doit apporter des formes de réponses aux praticiens sont multiples (David et al. 2000). Il n’est pas toujours aisé de situer son propre travail parmi toutes ces approches et ce d’autant plus qu’il existe des spécificités culturelles fortes. Dans le champ du management des SI, les méthodes les plus récurrentes sont l’Action Research (AR), la Participative Action Research (PAR), ou encore la recherche intervention au niveau français.

Depuis les travaux fondateurs (Lewin 1947), l’AR s’est très largement répandue. Cette expansion conduit à certaines disparités et parfois à un manque de rigueur dans les méthodes. Pour ces raisons, des auteurs ont proposé de formaliser des principes canoniques pour redéfinir l’Action Research et guider les chercheurs dans leurs travaux (Davison et al. 2004). Nous présentons ici ces principes :

1. Il existe un accord entre le chercheur et le client : les principaux termes (objet d’étude, rôles et responsabilités des chercheurs, objectifs, modalités de collecte des données) de la recherche sont connus.

2. Le processus de recherche est fondé sur un cycle : diagnostic-planification-intervention- évaluation-réflexion. Le chercheur peut s’éloigner de ce qui était initialement prévu mais il faut qu’il se justifie et dans tous les cas, il faut qu’il explique ce qu’il fait tout au long du processus de recherche. La sortie du terrain est normalement liée à l’atteinte des objectifs assignés.

3. La recherche doit être guidée, orientée par des grilles théoriques et elle doit permettre de produire de la théorie qui est d’intérêt pour la communauté scientifique.

141 4. La recherche doit permettre de produire du changement à la fois au niveau des individus

et de l’organisation.

5. Un apprentissage doit sortir de la réflexion issue de la recherche. Des implications doivent être tirées du processus pour les actions à venir dans l’entreprise mais aussi et plus largement dans d’autres contextes organisationnels.

La notion de PAR (Whyte 1991) est également mobilisée dans les recherches anglo-saxonnes (Street et al. 2004). Selon certains auteurs, elle ne se confond pas tout à fait avec l’AR car elle implique un investissement au sein de l’organisation plus important et elle engage très directement les praticiens dans la recherche (op. cit., 2004) :

"We aim at a partnership in which insiders become more theoretical about their practice and outsiders more practical about their theory" (Whyte 1991, p. 133).

Friedlander propose des définitions qui permettent de préciser plus nettement les différences entre ces deux modèles de recherche :

“AR will denote research directed toward a purposeful goal with a specific set of people, with a consultant who manages the process. It is usually sponsored by an organization and is intented to help fulfill an organization purpose. PAR, on the other hand, is usually sponsored by an independent group or community, is directed toward the discovery of information about an issue or opportunity of community concern, is aided by a facilitator, and often results in empowerment of the community of people involved. AR and PAR represent the polar opposites of these dimensions” (Friedlander 2001).

Si l’on se situe dans le champ de la recherche française, seul le terme de recherche action est conservé mais la notion la plus usitée est sans doute celle de la recherche intervention définie comme :

« un processus d’interactions complexe et cognitif entre les acteurs d’une organisation et des intervenants – chercheurs en management, chargés de l’implantation, de l’acclimation de méthodes et d’outils ainsi que de la stimulation de transformations durables sur le mode de management et de fonctionnement d’une organisation » (Plane 2000, p. 23).

La méthode suivie ne correspond pas, de façon stricte, à cette définition car nos travaux n’avaient pas pour but de modifier les modes de management d’une organisation. Les résultats de cette recherche visaient plutôt à fournir une forme d’expertise (Schein 1969) sur des

transformations présentes dans l’environnement. En ce sens, nous nous rapprochons plus de la notion de recherche interactive proposée par J. Girin (1986). Les caractéristiques de cette forme de recherche sont au nombre de quatre :

1. Il faut que la plus grande partie des données sur lesquelles on réfléchit soit directement tirée d’un travail de terrain.

2. Ce travail de terrain n’est pas mené suivant un protocole entièrement établi par avance, mais s’ajuste à des circonstances, nécessités, opportunités, impossibilités, négociations, qui peuvent parfois l’infléchir.

3. Il est admis que les autochtones, c’est-à-dire « ceux du terrain », ont leur mot à dire. 4. Les chercheurs conduisent eux-mêmes l'investigation.

Cette interaction ne se produit pas nécessairement au sein d’une entreprise ou d'une organisation. Par ailleurs, la recherche projetée semble présenter un intérêt pour les acteurs de terrain. Enfin, la durée est indispensable pour obtenir une maturation des réflexions :

« L'acclimatation, l'acquisition et le maniement des langages propres aux groupes que l'on étudie, l'accès aux significations que les agents accordent aux évènements et à leurs propres actes, aux catégories dans lesquelles ils appréhendent le monde, supposent de pouvoir bénéficier de la durée » (Girin 1986).

Une des façons de comprendre les biais inhérents à ce type de recherche est d’analyser le rôle que les acteurs du terrain assignent au chercheur :

« L'identité du chercheur sur le terrain pourrait alors être définie comme l'ensemble des places qu'il occupe sur le terrain, chaque place étant considérée à la fois dans la synchronie (les systèmes symboliques qui s'entrecroisent dans la situation où intervient le chercheur), et dans la diachronie (l'histoire de l'occupation de cette place, les destins et les desseins supposés aller de pair avec cette occupation) » (op. cit.).

Dans le cas de cette recherche, les places occupées sont extrêmement diverses. Elles seront présentées successivement pour mieux spécifier les modes d’interaction qui ont été établis avons eus avec les acteurs de terrain.

143 « Il me semblait que je pourrais rencontrer beaucoup plus de vérité dans les raisonnements que chacun fait touchant

les affaires qui lui importent, et dont l’événement le doit punir bientôt après s’il a mal jugé, que dans ceux que fait un homme de lettres dans son cabinet touchant des spéculations qui ne produisent aucun effet, et qui ne lui sont d’aucune conséquence sinon peut-être qu’il en tirera d’autant plus de vanité qu’elles seront plus éloignées du sens commun, à cause qu’il aura dû employer d’autant plus d’esprit et d’artifice à tâcher de les rendre vraisemblables. »

Descartes, R. 2000 (1637). Discours sur la méthode. Paris: Mille et une nuits, p. 15-16.