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CHAPITRE 3. Aspects méthodologiques

3.1. Type de recherche

Pour atteindre les objectifs de recherche, une étude de cas (Butler, 2011; Butler et Cartier, 2018; Cartier et Butler, 2016; Yin, 2003; 2014) et, plus spécifiquement, le devis de l’étude de cas multiples intégrés (traduction libre de Embedded Multiple-Case Study Design) a été retenu. Dans cette section, la définition adoptée de l’étude de cas et de son apport sont d’abord présentés, suivis de la définition et de l’apport de l’étude de cas multiples intégrés. Enfin, une description des cas retenus et de leurs unités d’analyse est exposée.

3.1.1. L’étude de cas

Yin (1984) définit l’étude de cas comme « an empirical inquiry that: investigates a contemporary phenomenon within its real-life context; when the boundaries between phenomenon and context are not clearly evident; and multiple sources of evidence are used » (Yin, 1984, p. 23). À partir de cette définition, trois critères sont importants pour réaliser une étude de cas selon cet auteur : 1) le phénomène étudié doit être contemporain (en opposition à un phénomène historique), 2) il doit être étudié dans son contexte naturel (en opposition aux études expérimentales qui ont recours à un laboratoire) et difficilement observé hors de son contexte et 3) des sources variées (et non seulement les questionnaires comme c’est le cas des enquêtes) doivent être utilisées pour collecter les données (Yin, 1984). De plus, pour cet auteur (Yin, 2003), l’étude de cas n’est pas un devis (design) de recherche comme le considèrent d’autres auteurs (p. ex. Anadon, 2006). Elle est une méthode de recherche à part entière qui

implique des devis variés et qui peut être exploratoire, descriptive ou explicative selon le niveau visé par le chercheur (Yin, 1984). En outre, des données qualitatives, quantitatives ou les deux y peuvent être collectées dépendamment des objectifs poursuivis (Yin, 2003). Enfin, la définition de l’étude de cas selon cet auteur la distingue des « recherches qualitatives » (Yin, 1984, p. 25). Selon lui, alors que le chercheur « qualitatif » doit éviter toute influence des théories dans l’étude du phénomène, l’étude de cas est guidée essentiellement par le cadre de référence du chercheur (Yin, 2003). De plus, alors que le chercheur « qualitatif » utilise une observation large (traduction libre de close-up) jusqu’à la saturation des données, l’étude de cas a besoin d’une observation ciblée qui s’appuie sur le cadre théorique du chercheur (Yin, 1984). Cette dernière précision signifie que l’étude de cas, comme la présente Yin (1984; 2003), ne peut pas avoir recours uniquement au raisonnement inductif comme c’est le cas par exemple de l’étude de cas présentée par Merriam (1988).

Par ailleurs, l’étude de cas, telle qu’elle a été définie, a été utilisée comme méthode de recherche par plusieurs chercheurs du domaine de l’éducation, dont ceux qui adhèrent à la perspective du cadre conceptuel de l’étude (p. ex. Butler, Schnellert et MacNeil, 2015; Cartier, 2009; 2012; 2018; Cartier et al., 2014). En effet, l’étude de cas est la méthode privilégiée dans l’étude des phénomènes liés à l’autorégulation de l’apprentissage comme le souligne la recension de Butler et Cartier (2018). Elle permet de donner « un portrait étoffé d’une situation ou d’un phénomène » (Butler, 2011, traduction libre, p. 348). De plus, elle permet de montrer comment « complex processes interweave dynamically in context » (Butler et Cartier, 2018, p. 361). Elle a ainsi contribué à la compréhension de l’autorégulation de l’apprentissage ces dernières années par son étude approfondie en contexte naturel (Butler, 2011).

En s’inscrivant dans la continuité du travail amorcé dans le domaine de la recherche sur l’autorégulation de l’apprentissage et en conformité avec la définition présentée du type de l’étude de cas adopté, la présente recherche vise à étudier un phénomène contemporain qui est l’accompagnement des enseignants par le conseiller pédagogique, elle a eu lieu dans l’école où se déroule cet accompagnement et les sources de données ont été variées. De plus, le cadre conceptuel de l’étude a servi de guide pour planifier la démarche et les outils de recherche, de

même que les méthodes de compilation et d’analyse de données. Enfin, c’est le niveau descriptif qui a été visé. En effet, l’étude de cas a permis de décrire en profondeur le processus d’accompagnement du conseiller pédagogique, les caractéristiques individuelles de celui-ci et les caractéristiques du contexte de l’école. La profondeur s’est obtenue surtout par la documentation de plusieurs rencontres d’accompagnement et de toutes les phases du processus d’accompagnement, de la planification à la mise en œuvre des pratiques d’accompagnement jusqu’au retour sur la mise en œuvre (contrôle et ajustement). De plus, plusieurs aspects, comme la perception d’agentivité des enseignants, ont été documentés selon des perceptions variées issues de leurs rôles respectifs (conseillères pédagogiques, enseignantes et directions d’écoles).

3.1.2. L’étude de cas multiples intégrés (Embedded Multiple-Case Study Design)

Parmi les devis proposés par Yin (2003), C’est le devis de l’étude de cas multiples intégrés (traduction libre de Embedded Multiple-Case Study Design) de deux cas ayant chacun trois unités d’analyse qui a été retenu. En ce qui suit, la définition de ce devis de recherche est d’abord donnée, suivie de la description des cas étudiés.

3.1.2.1. Définition de l’étude de cas multiples intégrés

Pour définir le devis de recherche, Yin (2003) précise que « In the most elementary sense, the design is the logical sequence that connects the empirical data to a study’s initial research questions and, ultimately, to its conclusions » (p.28). En ce qui concerne l’étude de cas multiples intégrés, il s’agit de l’étude de plus d’un cas (cas multiples) chacun dans son propre contexte et contenant deux unités d’analyse (intégrés) ou plus (Yin, 2003). Selon cet auteur, le recours aux cas multiples en opposition au cas unique (que ce soit simple ou intégré) se justifie par le besoin de reproduction (traduction libre de replication) de la même étude dans plus d’un cas pour voir si les résultats amènent à des conclusions théoriques similaires ou différentes (Yin, 1984). Le cas intégré, quant à lui, en opposition au cas simple (que ce soit un cas unique ou des cas multiples) est utilisé lorsque le chercheur souhaite étudier un cas en général et aussi ses sous- unités (Yin, 1984). Selon cet auteur, avoir plus d’une unité d’analyse permet de donner à la recherche plus de précision (traduction libre de focusing) (Yin, 1984). Cependant, ce devis présente le risque de limiter l’attention aux sous-unités sans revenir au cas, ou l’unité, générale,

ce qui est à éviter. Ainsi, le recours au devis de l’étude de cas multiples intégrés a l’avantage de permettre d’étudier plusieurs aspects du même phénomène dans des contextes différents et d’examiner ainsi l’interaction entre ces aspects à l’intérieur du même contexte, mais également d’un contexte à l’autre.

Par ailleurs, pour identifier le cas à étudier, il faut bien délimiter les unités d’analyse ciblées (Yin, 2003). Le choix de ces unités d’analyse se base sur le cadre de référence et les objectifs poursuivis (Yin, 1993). C’est ceux-ci qui délimitent chaque unité d’analyse (Yin, 1984). Pour ce faire, le chercheur peut se demander si l’unité d’analyse choisie permet de répondre à ses questions ou objectifs de recherche (Yin, 1984).

3.1.2.2. Description des cas étudiés

En conformité avec la définition présentée du devis de l’étude de cas multiples intégrés, le choix du cas à étudier et de ses unités d’analyse s’est appuyé sur le cadre conceptuel de l’étude. En effet, comme l’accompagnement d’enseignants par le conseiller pédagogique est conceptualisé en trois concepts (caractéristiques individuelles du conseiller pédagogique, processus d’accompagnement et caractéristiques du contexte de l’école), trois unités d’analyse sont requises pour l’étudier. Ce choix rejoint l’exemple de Yin (1993) : « a school might be the main single case, but an embedded unit of analysis might be the students in the school » (p. 33). Comme le montre la Figure 4, il s’agit de deux cas, contenant chacun trois unités d’analyse : caractéristiques individuelles de la conseillère pédagogique, caractéristiques du contexte de l’école, qui englobe les caractéristiques de la direction et celles des enseignantes, et le processus d’accompagnement. Ce choix a permis de documenter l’accompagnement de deux conseillères pédagogiques différentes chacune dans un contexte différent, et ce, en considérant les perceptions de la conseillère pédagogique, de la direction d’école et des enseignantes de chaque cas. En ce qui suit, chaque cas est décrit.

Figure 4 : Devis de l’étude de cas multiples intégrés

Chacun des deux cas d’accompagnement contient trois unités d’analyse. Les caractéristiques individuelles de la conseillère pédagogique englobent ses formations et ses expériences comme enseignante et comme conseillère pédagogique, ses connaissances, ses conceptions et ses perceptions d’elle-même et du contexte de l’école. Ces informations s’obtiennent par l’entremise des entrevues. L’unité d’analyse des caractéristiques du contexte contient, quant à elle, deux sous-unités : les caractéristiques individuelles de la directrice et les caractéristiques collectives des enseignantes. La distinction entre ces deux unités d’analyse est importante puisque la recension des écrits a montré la présence de perceptions différentes chez ces deux acteurs. Les caractéristiques individuelles de la directrice englobent son mécanisme de contrôle des enseignants et de gestion des activités de développement professionnel, son leadership, sa relation de confiance avec les autres membres de l’école, ses conceptions et ses perceptions. Les caractéristiques collectives des enseignantes, quant à elles, contiennent leur culture de collaboration, de développement professionnel et de changement, leur relation de confiance entre eux et avec les autres membres de l’école, leurs conceptions et leurs perceptions. Le choix des caractéristiques collectives, et non individuelles, des enseignants se justifie par le cadre conceptuel qui ne traite que de l’accompagnement de groupe d’enseignants et non de l’accompagnement individuel. Dans ce dernier cas, il sera important d’étudier les caractéristiques individuelles de l’enseignant accompagné.

Par ailleurs, alors que les deux conseillères pédagogiques sont du même contexte ministériel et régional (contexte global), les cas choisis se déroulent dans deux contextes différents d’école. Comme le cadre conceptuel de l’étude se limite au contexte de l’école, il est important de situer le contexte de chacune. En ce qui suit, des informations générales de chaque école seront fournies. Le cas d’accompagnement de Sophie se déroulait dans une école primaire en milieu rural. 280 élèves, de la maternelle à la 6e année, la fréquentaient à l’année de l’étude

alors qu’elle est en processus d’expansion annuelle. Cette école a connu une stabilité des enseignants, mais un changement fréquent des directions d’école. En effet, la directrice qui était en poste à l’année de l’étude était nouvellement arrivée et elle ne semblait pas avoir renouvelé son contrat à l’année suivante. Le cas d’accompagnement de Joëlle, quant à lui, se déroulait dans une école de milieu urbain aisé. 547 élèves, de la maternelle à la 6e année, la fréquentaient

à l’année de l’étude. L’école a connu une stabilité de la directrice d’école pendant plusieurs années avant qu’elle parte à la retraite et une nouvelle directrice soit recrutée à l’année de l’étude. De nouveaux enseignants intègrent cette école ces dernières années.