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CHAPITRE 2. Cadre conceptuel

2.3. Contribution des écrits théoriques au cadre conceptuel

2.3.1. Modèle d’accompagnement d’Atteberry et Bryk (2011)

Le modèle d’accompagnement d’Atteberry et Bryk (2011), nommé An Activity Theory Framework, apporte une contribution importante au cadre conceptuel de l’étude. En effet, il permet d’identifier plusieurs caractéristiques individuelles du conseiller pédagogique et plusieurs caractéristiques du contexte de l’école qui peuvent être reliées au processus d’accompagnement offert. Dans ce qui suit, le modèle est d’abord présenté, puis sa contribution au cadre conceptuel de l’étude est exposée.

Atteberry et Bryk (2011) présentent leur modèle d’accompagnement comme une modélisation des facteurs individuels liés au conseiller pédagogique et aux enseignants et des facteurs contextuels de l’école. Selon eux, ces facteurs peuvent contribuer à la variabilité de la fréquence de participation à l’accompagnement entre les enseignants d’une même école et entre les enseignants d’écoles différentes (Atteberry et Bryk, 2011). Comme annoncé dans leur article, le contexte d’émergence de ce modèle est l’accompagnement d’enseignants lors de la mise en œuvre du programme de formation aux élèves nommé Literacy Collaborative. Ce programme vise l’amélioration de la littératie des élèves du primaire par l’accompagnement des enseignants à l’adoption du modèle de littératie compréhensive (comprehensive literacy framework) dans leurs pratiques quotidiennes d’enseignement. Dans ce contexte, un enseignant est choisi pour suivre une formation sur l’approche et sur les pratiques d’accompagnement d’enseignants pour jouer le rôle d’accompagnateur dans son école (Atteberry et Bryk, 2011).

Selon les auteurs, le modèle se base sur la théorie de l’activité du psychologue historico- culturel Leontjev et sur les travaux de Cole et Engeström. Ces références théoriques ont permis de considérer l’apport de l’agentivité individuel « aux dynamiques relationnelles de l’accompagnement et la façon dont cela peut être influencé par les aspects du contexte local » (traduction libre, Atteberry et Bryk, 2011, p. 359). Le modèle reconnait ainsi l’influence du contexte de l’école et de l’agentivité des enseignants et du conseiller pédagogique sur la participation des enseignants aux activités de développement professionnel offertes à l’école. Le modèle se base aussi sur la théorie écologique du changement de Zhao et Frank et sur le rôle

du réseau social informel de l’école dans le processus de diffusion de l’innovation de Zhao, Frank et Borman. En se basant sur ces deux théories, Atteberry et Bryk (2011) proposent trois concepts dans leur modèle : 1) l’agentivité individuelle du conseiller pédagogique en littératie qui correspond aux caractéristiques individuelles du conseiller pédagogique, 2) l’agentivité individuelle de l’enseignant et 3) l’influence du contexte organisationnel de l’école qui correspond au contexte de l’école.

Caractéristiques individuelles du conseiller pédagogique

Le modèle d’Atteberry et Bryk (2011) suppose que la nature de la mise en œuvre de l’accompagnement dépend de l’expertise du conseiller pédagogique, des activités de développement professionnel qu’il propose puis de la perception qu’il a de leur valeur et finalement, de la perception qu’il a de son rôle.

L’expertise du conseiller pédagogique est « obtenue à partir de formations et expériences antérieures et mise à contribution durant une activité » (traduction libre, Atteberry et Bryk, 2011, p. 359). Elle englobe aussi bien ses expériences vécues, ses formations antérieures ainsi que ses connaissances acquises. Selon ces auteurs, le travail d’accompagnement en littératie exige deux types d’expertise : la maitrise du contenu d’enseignement visé par l’accompagnement et la facilité de travailler avec les adultes pour améliorer leurs pratiques (Atteberry et Bryk, 2011).

Concernant les activités qu’il propose pour l’accompagnement et la perception de leur valeur, le conseiller pédagogique manifeste son engagement selon son adhésion aux activités de développement professionnel et selon sa connaissance de certains aspects du contenu d’enseignement visé (Atteberry et Bryk, 2011). Comme les auteurs n’ont pas fourni de définition du concept d’activité, il était jugé pertinent de recourir à la définition de Cartier et Bouchard (2009) qui font une distinction entre activité et situation de développement professionnel. Selon ces auteurs, les situations de développement professionnel regroupent « les activités à réaliser, les occasions de le faire, le matériel pédagogique employé et les domaines d’apprentissage ciblés » (Cartier et Bouchard, 2009, p. 11). Les activités de développement professionnel, quant à elles, « se définissent comme l’ensemble des activités et des tâches

proposées aux intervenants pour atteindre le but souhaité » (Cartier et Bouchard, 2009, p. 11). Dans la présente étude, le concept intégrateur de situation de développement professionnel a été retenu.

Relativement à la perception du rôle du conseiller pédagogique, l’accompagnement implique l’adoption d’une nouvelle perception. Ce rôle vise surtout l’amélioration des pratiques des enseignants selon l’approche d’enseignement qui est implantée (Atteberry et Bryk, 2011). L’accompagnateur rencontre souvent des obstacles lorsque la culture de développement professionnel des enseignants n’encourage pas le travail en équipe et l’ouverture à l’entraide. Atteberry et Bryk (2011) postulent ainsi que les conseillers pédagogiques agissent différemment par rapport à ces normes, ce qui a une influence sur la qualité et la fréquence de mise en œuvre de leurs pratiques d’accompagnement.

Caractéristiques individuelles de l’enseignant

Selon le modèle d’Atteberry et Bryk (2011), trois caractéristiques individuelles de l’enseignant influent sur son engagement dans l’accompagnement à l’innovation visée : son expérience en enseignement en général et en littératie en particulier, sa volonté à s’engager dans une innovation et sa perception de son rôle auprès de ses collègues.

L’expérience de l’enseignant en enseignement en général et en littératie en particulier est une caractéristique importante à considérer selon Atteberry et Bryk (2011). Pour que l’enseignant s’engage dans l’accompagnement, les objectifs poursuivis par le conseiller pédagogique doivent être à la fois ambitieux et atteignables pour l’enseignant de façon à respecter sa zone proximale de développement. Pour certains enseignants, les nouvelles pratiques d’enseignement visées par l’accompagnement peuvent paraître très étranges et risquent d’être rejetées alors que d’autres enseignants peuvent avoir déjà une expertise dans le domaine (Atteberry et Bryk, 2011). Dans ces deux cas, au lieu de mettre son énergie à montrer la valeur ajoutée des activités de développement professionnel proposées, le conseiller pédagogique novice qui rencontre des difficultés peut choisir de diriger son attention ailleurs et ainsi on s’attendra à ce qu’il y ait peu de pratiques d’accompagnement mises en œuvre (Atteberry et Bryk, 2011). A contrario, un enseignant novice peut avoir l’ambition

d’essayer de nouvelles pratiques malgré sa méconnaissance de l’innovation en question, ce qui mène à plus d’engagement de sa part (Atteberry et Bryk, 2011).

Pour ce qui est de la volonté des enseignants d’innover, elle façonne l’intensité avec laquelle ils participent aux activités de développement professionnel offertes (Atteberry et Bryk, 2011). Cela dépend de leur préparation à essayer de nouvelles pratiques et à s’orienter vers l’amélioration (traduction libre, Atteberry et Bryk, 2011).

Enfin, la perception des enseignants de leur rôle auprès de leurs collègues influence leur participation aux activités de développement professionnel en littératie (Atteberry et Bryk, 2011). Pour qu’il y ait un accompagnement individuel (one-to-one coaching), l’enseignant doit abandonner le travail solitaire qui ne favorise pas la visite en classe entre les collègues ou des rétroactions de leur part sur son enseignement. Atteberry et Bryk (2011) postulent que la variation dans l’ouverture à demander et à offrir de l’aide parmi les enseignants peut prédire leur engagement dans une situation de développement professionnel proposée.

Caractéristiques du contexte de l’école

Le modèle d’Atteberry et Bryk (2011) suppose que les caractéristiques du contexte de l’école peuvent influer différemment sur l’agentivité individuelle du conseiller pédagogique et de l’enseignant. En plus des contraintes structurales imposées par le temps limité d’accompagnement et les exigences liées au nombre d’enseignants à l’école, le modèle présente quatre autres caractéristiques liées au contexte organisationnel de l’école : l’exercice du leadership formel par la direction, la culture des enseignants, les mécanismes adoptés pour le contrôle de leur travail et la relation de confiance existant entre les partenaires.

L’exercice du leadership formel de la direction est lié surtout aux priorités établies et la façon dont celles-ci sont cohérentes à la situation de développement professionnel proposée (Atteberry et Bryk, 2011). Les enseignants des écoles où la direction fournit un fort soutien sont beaucoup plus engagés (Atteberry et Bryk, 2011). Ce soutien se manifeste par exemple par l’offre de ressources et d'heures supplémentaires pour que les activités de

développement professionnel se produisent et ainsi favoriser l’expérimentation de nouvelles pratiques en classe (Atteberry et Bryk, 2011). De plus, les directions profitent des multiples interactions formelles et informelles avec les enseignants pour les encourager à participer aux activités de développement professionnel (Atteberry et Bryk, 2011).

Les écoles adoptent des cultures qui façonnent la structure sociale de l’enseignement. Le modèle d’Atteberry et Bryk (2011) présente trois types de cultures auxquelles des mécanismes de contrôle peuvent être liés.

Dans les écoles adoptant une faible dépendance (loose coupling), les enseignants travaillent de manière autonome et ils définissent et mettent en œuvre les tâches d’enseignement de manière individuelle. Les enseignants voient l’enseignement comme une pratique variable, difficilement définissable et qui dépend de chaque enseignant. Dans ces écoles, les statuts d’emploi sont donnés selon les années d’expérience et la loyauté au lieu de l’expertise en soi. Dans ces contextes, les activités de développement professionnel que présente le conseiller pédagogique, une personne ayant un statut différent de celui des enseignants, peuvent être mal perçues. De plus, la présence de la norme d’autonomie dans ces écoles constitue un grand défi pour l’implantation du travail collaboratif nécessaire à l’accompagnement.

Dans les écoles bureaucratiques, c’est la direction qui contrôle les enseignants pour assurer qu’ils implantent les programmes comme prescrit. Dans ce cas, l’enseignement est vu comme une routine définie à partir de comportements mesurables.

Enfin, dans les écoles où il y a une culture de collaboration, les enseignants travaillent ensemble pour améliorer leur enseignement en se basant sur des objectifs communs pour l’apprentissage des élèves, sur des expériences partagées à l’intérieur d’un système d’enseignement et sur une interdépendance sociale. Dans les écoles où ces communautés sont fortes, les enseignants sont considérés comme des agents actifs qui jouent un rôle important dans l’élaboration de stratégies de développement de leur école. Ces enseignants voient l’enseignement comme une pratique complexe qui est hautement liée au contexte où elle se déroule. Selon Atteberry et Bryk (2011), c’est ce type de culture qui favorise l’accompagnement.

Enfin, un haut niveau de confiance des enseignants envers leur direction et leur conseiller pédagogique devrait faciliter leur engagement dans les activités de développement professionnel proposées (Atteberry et Bryk, 2011). De plus, cette confiance permet à certains enseignants d’encourager leurs collègues à participer eux aussi aux activités offertes (Atteberry et Bryk, 2011).

En résumé, le modèle d’Atteberry et Bryk (2011) apporte une contribution importante en réponse à la question de recherche. En effet, il permet d’identifier plusieurs caractéristiques individuelles du conseiller pédagogique et plusieurs caractéristiques du contexte de l’école qui peuvent être reliées au processus d’accompagnement. Cependant, il n’apporte pas de description du processus d’accompagnement lui-même. Il aborde seulement les activités de développement professionnel qui sont considérées plutôt comme une caractéristique individuelle du conseiller pédagogique et non comme faisant partie de son processus d’accompagnement comme c’est le cas dans le cadre conceptuel de l’étude.

Les caractéristiques individuelles du conseiller pédagogique retenues de ce modèle sont les suivantes : ses formations comme enseignant, ses expériences comme enseignant, ses formations comme conseiller pédagogique, ses expériences comme conseiller pédagogique, sa perception de la situation de développement professionnel des enseignants et sa perception de son rôle. Les caractéristiques du contexte de l’école retenues de ce modèle se présentent comme suit : le leadership de la direction, les mécanismes de contrôle du travail des enseignants, la culture de collaboration et de développement professionnel des enseignants et la relation de confiance entre les partenaires. Comme ce modèle ne décrit pas le processus d’accompagnement, un modèle qui permet de conceptualiser les différentes phases du processus d’accompagnement est nécessaire.