• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 2. Cadre conceptuel

2.2. Présentation des trois concepts de l’étude

2.2.2. Processus d’accompagnement d’enseignants par le conseiller pédagogique

Dans la présente étude, le processus d’accompagnement est défini comme étant formé de cinq phases de pensées et de pratiques ayant un aspect complexe, dynamique, orienté, précis et agentif. Dans ce qui suit, les concepts de pensée et de pratique sont d’abord définis, suivis de la définition des phases du processus d’accompagnement en tant que tel. Ensuite, les aspects de complexité, de dynamisme, d’orientation, de précision et d’agentivité du processus d’accompagnement ainsi que celui d’interrelation sont présentés.

- Pensée : Selon Larousse (2001), la pensée est « [l’]activité psychique rationnelle permettant d’élaborer des concepts et d’acquérir des connaissances » (p. 803). L’analyse de l’usage de ce concept dans les travaux de Cartier et Butler (p. ex. Cartier et Butler, 2016) montre que la pensée a été distinguée de l’action et des sentiments. Par rapport à l’action, les auteures disent par exemple : « nous avons identifié quatre portraits d’engagement des élèves lors d’apprentissage par la lecture […] qui reflètent l’interaction complexe entre leurs pensées et leurs actions dans une activité d’apprentissage » (p. 6). Par rapport aux sentiments, elles disent plutôt cela: « ces questionnaires sont utilisés parmi d’autres outils dans les études de cas afin d’avoir accès à ce que les élèves pensent et ressentent. Ces pensées et sentiments peuvent être comparés à des données d’autres sources » (p. 11). Cette analyse permet aussi de conclure que la pensée, dans « le modèle d’apprentissage autorégulé dans des activités complexes » (Cartier et Butler, 2016), réfère plus spécifiquement à l’activité cognitive que fait l’élève pour interpréter les exigences de l’activité que l’enseignant lui propose, pour identifier des objectifs d’apprentissage, pour planifier, contrôler et ajuster ses stratégies d’apprentissage, pour autoévaluer sa performance et pour gérer sa motivation et ses émotions (Cartier et Butler, 2016). En adoptant la distinction entre "pensée" et "action", dans la présente étude, la pensée réfère alors à toute activité cognitive qui permet de se fixer des objectifs, de planifier des pratiques, de contrôler les pratiques et les résultats et d’ajuster les objectifs et les pratiques au besoin. Cette définition est cohérente avec la définition de « pratique » qui sera présentée subséquemment.

- Pratique/pratiques : Selon Legendre (2005), le concept de pratique réfère à « [l’]ensemble des activités de l’enseignant orienté par les savoirs et les compétences de celui-ci ainsi que par les fins et les normes de la profession d’enseignant et mis en œuvre dans un milieu pédagogique

particulier » (Legendre, 2005, p. 1066). L’usage de ce concept dans les écrits permet de distinguer entre « la pratique » et « les pratiques ». La pratique au singulier peut avoir deux usages différents. Lorsqu’elle est utilisée en opposition à la théorie ou à la recherche, elle a un sens général touchant les différentes dimensions de la vie des professionnels d’un domaine (p. ex. dans le titre du livre d’Allal et Mottier Lopez, 2007 : Régulation des apprentissages, orientations conceptuelles pour la recherche et la pratique en éducation). Elle réfère à un processus lorsqu’elle est teintée par l’affiliation théorique des auteurs. Pour Altet (2002a) par exemple, la pratique est « la manière d’agir professionnel d’une personne dans un ensemble de normes reconnues dans un corps professionnel » (p. 3). L’auteure définit « le processus enseignement-apprentissage mis en œuvre dans la pratique enseignante comme un processus interactif situé » (Altet, 2002b, p. 86). Pour Butler et Cartier (2018), la pratique réfère plus particulièrement au processus d’enseignement en opposition au processus d’apprentissage tel que présenté dans la section 2.1 : « shifts in learning or practice » (p. 354). Dans cette thèse, le concept de pratique utilisé au singulier réfère soit à une pratique précise du conseiller pédagogique (p. ex. poser une question), soit au processus d’enseignement de l’enseignant par opposition à son processus d’apprentissage (p. ex. poser une question sur la pratique des enseignants). Dans ce dernier cas, la pratique a un sens plus général qu’une pratique mesurable et observable telle qu’il sera présenté dans la définition des composantes du processus d’accompagnement du conseiller pédagogique.

En ce qui concerne « les pratiques » au pluriel, deux usages différents ont été constatés. Dans les deux cas, les pratiques peuvent être accompagnées d’un qualificatif (pratiques pédagogiques, pratiques enseignantes, pratiques évaluatives, classroom practices …). Dans le premier usage, les pratiques englobent toutes « les activités », selon la définition de Legendre (2005), que réalise l’enseignant en classe ou en dehors de celle-ci sans faire aucune distinction entre la pensée et l’action dans cette définition. Par exemple, Altet (2003) et Bru et Talbot (2001) parlent de pratiques d’enseignement, de planification, d’organisation du matériel, de gestion de classe, d’évaluation, de surveillance, etc.

Le deuxième usage, quant à lui, limite les pratiques aux actions réalisées en classe auprès de l’élève (p. ex. Paré, 2011). Cette auteure distingue entre les pratiques d’enseignement et les pratiques d’intervention, ce qui peut rejoindre la définition de Legendre (2005) qui considère « la

pratique » comme synonyme de l’intervention pédagogique « lorsqu’elle est réalisée par l’agent » (p. 1065). « Réaliser » a le sens de mettre en œuvre ici. Certains auteurs qui adoptent cet usage (p. ex. Butler, Schnellert et Cartier, 2013) considèrent que les pratiques font partie du processus plus large de pratique tel que présenté dans l’usage au singulier. Ce processus implique « [to] identify and set goals for practice and student learning, plan practices to achieve goals, situate those practices meaningfully in classroom settings to meet students’ needs, monitor challenges and benefits for learners, and adjust approaches as needed » (Butler, Schnellert et Cartier, 2013, p. 2). Dans cette thèse, c’est ce deuxième usage qui est adopté pour désigner « les pratiques » d’accompagnement et d’enseignement. « La pensée » et « les pratiques » sont ainsi distinctes et forment un processus. Cette distinction est cohérente avec la théorie sociocognitive de Bandura (1986) qui distingue, dans le déterminisme réciproque, la personne (entre autres sa cognition et ses émotions), son comportement (mesurable et observable) et l’environnement (Bandura, 2001b).

Les phases du processus d’accompagnement selon Butler, Schnellert et MacNeil (2015) sont : 1) identification d’objectifs d’accompagnement, 2) planification de pratiques d’accompagnement et de ressources matérielles, 3) mise en œuvre de pratiques d’accompagnement et de ressources matérielles, 4) contrôle du progrès et des résultats de l’accompagnement et 5) ajustement des objectifs et des pratiques d’accompagnement. La définition de chacune des cinq phases du processus d’accompagnement est présentée dans ce qui suit.

- Identification des objectifs d’accompagnement : les cibles que le conseiller pédagogique tente d’atteindre par son accompagnement des enseignants. Cette définition est basée sur les définitions de Bandura (1991), Butler (2005) et Wolters, Yu, et Pintrich (1996). Selon Butler (2005), les objectifs jouent un rôle central dans les modèles d’autorégulation puisque tout le processus est orienté vers l’atteinte de buts précis. Wolters, Yu et Pintrich (1996), quant à eux, que « goals represent the very specific purposes that individuals are striving for in a specific setting » (p. 212). Selon Butler et Schnellert (2012), l’identification d’objectifs peut être précédée de « defining problems or expectations » (p. 1207).

- La planification de pratiques d’accompagnement et de ressources matérielles : « prévoir le choix des actions à poser et leur ordre d'exécution » (Cartier, 2008, p. 21).

- La mise en œuvre des pratiques d’accompagnement : actions réelles d’accompagnement présentées par des énoncés d’action comme faire des entrevues en tête-à-tête, présenter à un petit groupe, présenter à un grand groupe, faire des conversations informelles, avoir recours à l’aide du directeur de l’école lorsqu’il y a une résistance d’un enseignant, clarifier, synthétiser, décomposer, simplifier, modéliser la pratique et observer les pratiques de l’enseignant et lui donner une rétroaction (Knight, 2009b).

- Le contrôle du progrès et des résultats : l’observation analytique que fait le conseiller pédagogique de sa pratique d’accompagnement et des résultats atteints. Cette définition est basée sur celle de Butler (1998) selon qui le contrôle permet de « generate internal feedback about the success of their efforts » (p. 682).

- L’ajustement des objectifs et des pratiques d’accompagnement : l’action de modification des objectifs fixés au départ et des pratiques d’accompagnement qui sont mises en œuvre après avoir constaté le peu de résultats escomptés (Butler et Schnellert, 2012).

Par ailleurs, l’aspect complexe, dynamique, précis, orienté et agentif du processus d’accompagnement peut s’observer à partir de la mise en relation des phases réalisées à travers le processus (Bandura, 1989; 1991; 2000; Butler et Schnellert, 2012; Butler, Schnellert et MacNeil, 2015; Cartier, Butler et Bouchard, 2010).

- L’aspect complexe du processus d’accompagnement s’observe dans la variété des objectifs poursuivis et des pratiques, la hiérarchisation des objectifs en sous-objectifs, le nombre de composantes ciblées liées à l’enseignant (p. ex. nombre de phases du processus d’enseignement), la variété des ressources mobilisées ainsi que dans le nombre d’objectifs dont l’atteinte de résultats est contrôlée. Selon Bandura (1991), pour qu’il y ait accomplissement, les buts doivent être atteignables, hiérarchisés sous forme d’objectifs à court terme de telle sorte qu’ils ne soient pas là seulement pour servir des buts plus généraux, mais qu’ils soient significatifs pour la personne et qu’ils soient exigeants afin de générer de l’effort.

- L’aspect dynamique du processus d’accompagnement s’observe dans la façon dont se manifestent ses composantes à travers divers cycles d’actions et leur changement dans une situation et entre différentes situations lors de « la réalisation d’un événement dans le temps » (Cartier et Butler, 2016, p. 7).

- L’aspect précis du processus d’accompagnement est mis en évidence dans une formulation d’objectifs clairs et atteignables à court ou à moyen terme (Bandura, 1991; Butler et Schnellert, 2012; Cartier, Butler et Bouchard, 2010).

- L’aspect orienté du processus d’accompagnement se décèle d’abord dans la cohérence de l’objectif avec le problème identifié ou la situation idéale souhaitée et ensuite dans l’alignement de la planification, la mise en œuvre, le contrôle et l’ajustement sur cet objectif. Cette définition de l’orientation est la traduction retenue pour ce que Butler et Schnellert (2012) nomment goal- directed.

- L’aspect agentif du processus d’accompagnement s’observe à travers les objectifs et les pratiques d’accompagnement mises en œuvre. Les objectifs peuvent tenir compte des besoins exprimés par les enseignants ou leur être imposés avec ou sans consultation préalable. Les pratiques, par ailleurs, peuvent favoriser l’expression des enseignants et leur engagement dans leur propre processus d’apprentissage et d’enseignement ou avoir un caractère directif, c’est-à- dire reposer sur des normes à être intégrées et appliquées. Cette définition est inspirée de Bandura (1989; 2000) et Butler, Schnellert et MacNeil (2015).

Enfin, pour ce qui est du concept d’interrelation, Larousse (2001) le définit comme la « relation réciproque entre deux choses, pays, etc. » (p. 584). Dans la présente étude, la relation réciproque qui est considérée est celle qui existe entre d’une part le processus d’accompagnement et d’autre part les caractéristiques individuelles du conseiller pédagogique et les caractéristiques du contexte. Cette interrelation peut constituer un autre aspect du processus d’accompagnement en plus de l’aspect de complexité, de dynamisme, d’orientation, de précision et d’agentivité. Ce choix diffère de celui de Cartier et Butler (2016) qui utilisent l’interrelation pour décrire la relation réciproque qui existe entre « divers éléments de l’environnement » (p. 7) et entre les différentes phases du processus d’apprentissage autorégulé. C’est plutôt le terme

« contextualisé » qu’elles utilisent pour caractériser le processus d’accompagnement par rapport au contexte.