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CHAPITRE 2. Cadre conceptuel

2.3. Contribution des écrits théoriques au cadre conceptuel

2.3.2. Modèle d’accompagnement de Lafortune et Martin (2004)

Le modèle d’accompagnement socioconstructiviste de Lafortune et Martin (2004) apporte, lui aussi, une contribution importante au cadre conceptuel de l’étude. En effet, il permet de considérer l’accompagnement comme un processus complexe et dynamique et d’identifier certaines de ses phases. De plus, il identifie plusieurs caractéristiques

individuelles du conseiller pédagogique et il suppose une interrelation entre les deux. Dans ce qui suit, le modèle est d’abord présenté, suivi de sa contribution au cadre conceptuel de l’étude. Selon Lafortune et Martin (2004), le contexte d’émergence du modèle d’accompagnement socioconstructiviste est la réforme des programmes d’enseignement au primaire et au secondaire au Québec. Cela implique un changement comportant des éléments de prescription où les conseillers pédagogiques sont appelés à soutenir d’autres personnes qui s’approprient le changement en même temps qu’ils le font eux-mêmes (Lafortune et Martin, 2004). L’objectif de l’accompagnement, selon ce modèle, est de développer la métacognition et la pratique réflexive de l’enseignant (Lafortune et Martin, 2004). Il comporte deux concepts : le processus d’accompagnement et la culture pédagogique nécessaire à l’accompagnement.

Le processus d’accompagnement est une coconstruction des connaissances qui met des personnes accompagnatrices et accompagnées en interaction (Lafortune et Martin, 2004). L’accompagnateur entame ce processus avec ses croyances sur l’enseignement et l’apprentissage et ses pratiques d’accompagnement (Lafortune et Martin, 2004). Une analyse de l’utilisation du concept de croyances dans d’autres écrits de ces auteurs a montré qu’elles incluent les conceptions et les convictions du conseiller pédagogique (p. ex. Lafortune, 2008a; Lafortune, Deaudelin et Deslandes, 2001). Pour deux raisons, le concept de conviction, qui forme avec les conceptions ce que les auteurs appellent croyances, n’a pas été retenu dans cette thèse. La première est qu’aucune utilisation du terme conviction n’a été relevée dans les écrits des auteurs qui s’inscrivent dans la perspective de l’autorégulation. La deuxième est que les termes croyances (beliefs) et conceptions (conceptions) sont soit utilisés de manière interchangeable (p. ex. Bandura et Wood, 1989), soit de manière à spécifier l’aspect considéré. Cette deuxième utilisation des concepts a été constatée chez Butler et Cartier (2018). Ils utilisent « croyances » pour désigner des aspects liés à soi-même, comme dans « motivationally charged beliefs, such as self-efficacy » (p. 362) et « conceptions » pour désigner des aspects liés au contexte, comme dans « conceptions about academic work » (p. 354). La définition de Loiola et Tardif (2001) a été retenue pour définir le concept de conceptions de l’enseignement et l’apprentissage : « cadres intellectuels ou […] schèmes mentaux de référence à partir desquels

le professeur d'université comprend et organise son enseignement » (p. 79). Ces auteurs parlent aussi de théories de référence.

Concrètement, dans l’action, le conseiller pédagogique met en œuvre un processus de planification, d’observation (et auto-observation), d’évaluation (et autoévaluation) et d’ajustement (Lafortune et Martin, 2004). Après l’action, le conseiller pédagogique ajuste ses croyances et ses pratiques selon l’analyse qu’il fait de sa démarche et la perception qu’il a des résultats (Lafortune et Martin, 2004). La dynamique du processus l’amène soit à poursuivre la même démarche d’accompagnement entreprise, soit à entamer une démarche différente tout en prenant conscience de ses propres constructions et de celles des autres (Lafortune et Martin, 2004).

Le rôle du conseiller pédagogique dans cette démarche est d’expliquer, de modéliser et de présenter l’information liée au contenu prescrit par la réforme (Lafortune et Martin, 2004). Ce rôle implique l’aide à l’activation des connaissances antérieures, à l’établissement de liens avec de nouvelles connaissances et au transfert de ces dernières dans la pratique, ce qui requiert du conseiller pédagogique d’adopter une conception socioconstructiviste de l’apprentissage (Lafortune et Martin, 2004).

Pour accompagner les enseignants, le conseiller pédagogique a besoin d’une « culture pédagogique » (Lafortune et Martin, 2004). Le concept de culture ici n’a pas la même signification que celui adopté dans le cadre conceptuel présenté dans cette thèse. Il fait plutôt référence à une caractéristique individuelle du conseiller pédagogique. En effet, selon Lafortune et Martin (2004), la culture pédagogique est l’ensemble d’attitudes, de connaissances, d’activités-stratégies et d’habiletés.

Les attitudes nécessaires à l’accompagnement selon le modèle de Lafortune et Martin (2004) sont la curiosité, le souci d’approfondir et l’ouverture aux points de vue et aux valeurs des autres. D’une part, la curiosité renvoie au goût de connaitre les personnes accompagnées, leurs connaissances, croyances et pratiques et leur contexte d’intervention (Lafortune et Martin, 2004). Le souci d’approfondir, d’autre part, renvoie à la démarche d’apprentissage dans laquelle le conseiller pédagogique s’engage pour aider les

enseignants à mieux apprendre sur un sujet donné (Lafortune et Martin, 2004). Enfin, l’ouverture aux points de vue et aux valeurs des autres permet au conseiller pédagogique d’apprendre de l’enseignant et ainsi d’ajuster ses propres connaissances (Lafortune et Martin, 2004). Selon les auteurs, le conseiller pédagogique doit éviter de défendre une approche pédagogique en particulier et doit faire preuve d’ouverture envers les apports de toutes les approches (Lafortune et Martin, 2004).

Les connaissances dont le conseiller pédagogique a besoin portent sur l’objet d’enseignement et sur les théories de l’apprentissage. Trois types de connaissances pédagogiques existent selon les auteurs. D’abord, les connaissances épistémologiques permettent de porter un regard critique sur les approches pédagogiques à partir de ses fondements (Lafortune et Martin, 2004). Les connaissances transversales, quant à elles, portent sur l’évaluation, la gestion de classe, etc. Enfin, les connaissances didactiques sont en lien avec les disciplines (Lafortune et Martin, 2004).

Les activités-stratégies que le conseiller pédagogique peut mettre en œuvre dans le processus d’accompagnement doivent être contextualisées et signifiantes et permettre de faire émerger les conceptions et générer des conflits sociocognitifs (Lafortune et Martin, 2004).

Enfin, les habiletés que le conseiller pédagogique doit posséder sont liées à l’action de questionner, de faire des liens, de synthétiser, d’analyser, de générer des conflits cognitifs et d’avoir le sens de l’observation et de la réflexion métacognitive (Lafortune et Martin, 2004).

En résumé, le modèle d’accompagnement socioconstructiviste de Lafortune et Martin (2004) apporte une contribution importante au cadre conceptuel de l’étude qui sert à répondre à la question de recherche. En effet, il permet de considérer l’accompagnement comme un processus complexe et dynamique, d’identifier certaines caractéristiques individuelles du conseiller pédagogique et d’identifier certaines pratiques d’accompagnement mises en œuvre par le conseiller pédagogique.

Cependant, le modèle de Lafortune et Martin (2004) ne considère pas explicitement l’identification d’objectifs comme une phase qui précède la phase de planification des pratiques et qui donne l’orientation des pensées et des pratiques. En effet, le processus d’accompagnement

tel qu’il est présenté commence avec la planification, ce qui ne permet pas d’illustrer l’aspect orienté du processus d’accompagnement. De plus, la distinction entre la pratique réelle d’accompagnement et la pensée qui y est associée est difficile à faire dans ce modèle. En effet, la mise en œuvre de pratiques auprès des enseignants n’est pas considérée explicitement comme une phase du processus d’accompagnement. Enfin, plusieurs caractéristiques individuelles du conseiller pédagogique présentées dans ce modèle sont plutôt des manifestations du processus d’accompagnement. Par exemple, les attitudes et les habiletés se manifestent lorsque le conseiller pédagogique met en œuvre ses pratiques d’accompagnement. A contratio, ce sont plutôt ses formations et ses expériences accumulées qui sont à la base de ces attitudes et habiletés manifestées. Ainsi, ce modèle ne peut pas être adopté dans sa forme intégrale; seulement les composantes suivantes ont été retenues.

Il s’agit des caractéristiques individuelles du conseiller pédagogique suivantes : ses connaissances antérieures et ses conceptions de l’enseignement et de l’apprentissage. De plus, les pratiques d’accompagnement suivantes ont été retenues du modèle de Lafortune et Martin : l’observation, l’explication, la modélisation, la présentation de l’information et l’évaluation.

Ainsi, comme ce modèle ne permet pas de montrer l’aspect orienté et précis du processus d’accompagnement et ne considère pas la mise en œuvre des pratiques comme une phase distincte du processus d’accompagnement, le recours à deux autres modèles est nécessaire. Le premier permet d’éclairer davantage le concept de processus d’accompagnement et le deuxième permet d’approfondir la composante de mise en œuvre de pratiques d’accompagnement de ce concept.

2.3.3. Modèle de développement professionnel de Butler, Schnellert et MacNeil (2015)