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Partie I : Les courants d’influence de la simulation participative

7. Analyse des effets de la simulation participative

7.1. Les effets d’apprentissage

7.1.2. Les effets d’apprentissage recensés dans la littérature

7.1.2.2. Travaux issus du domaine du simulation and gaming

En 1997, Ulrich réalise un état des lieux des types d’apprentissage recensés dans les applications du

simulation and gaming appliquées aux enjeux environnementaux. Parmi 27 numéros du journal du

domaine, ainsi qu’au travers de recherches sur internet, il recense 31 applications correspondant à des simulations jouées qui mêlent apprentissage expérientiel et apprentissage social115. Les types d’apprentissage recensés à cette époque et classés par ordre d’importance sont alors : compréhension des mécanismes, compétences en communication, compétences en négociation, connaissances scientifiques et savoir-faire en matière de prise de décision116. Dès ces premières revues de la littérature, on voit apparaitre l’acquisition de compétences comme l’un des points marquants des effets d’apprentissage de la simulation participative. Plus récemment, Wietske Medema, Igor Mayer et leurs collègues ont étudié les potentialités de l’utilisation de la simulation participative dans le domaine de la gestion de l’eau transfrontalière (Medema et al. 2016). Pour ce faire, ils ont cherché à qualifier plus précisément l’apprentissage social qui résulte de cette pratique au travers d’une revue de la littérature. Ils le qualifient d’encouragement au travail collaboratif dans les processus de prise de décision. L’apprentissage social procéderait en deux niveaux de processus. Il s’agirait d’une part de la reconnaissance du besoin d’interagir ensemble, de partager les points de vue sur un problème donné et de rechercher des solutions alternatives pour résoudre les problèmes. D’autre part, un deuxième niveau résultant du premier consisterait en la reconnaissance de la dépendance mutuelle et du rôle que joue la confiance dans le travail collaboratif.

D’autres auteurs se sont tournés vers la psychologie sociale pour mieux qualifier l’apprentissage social. C’est notamment le cas de Constanze Haug, qui définit dans sa thèse une typologie en trois types

115 Plusieurs de ces applications ont été citées au Chapitre §2.1, et font partie des « classiques » du domaine, comme Metro-Apex, Stratagem, FishBanks, New Commons Game.

(cognitif, normatif, relationnel) en s’appuyant sur les recherches en psychologie, en gestion, en science politique et d’autres disciplines des sciences sociales ; elle cherche en cela à rassembler les enseignements issus de ces différentes disciplines pour les appliquer à la pratique du policy gaming dans le domaine de la gestion de l’environnement (Haug et al. 2011). L’intérêt de cette typologie selon ces auteurs est de proposer des catégories d’’apprentissage fonctionnelles et cohérentes avec les recherches menées sur la gestion adaptive de l’environnement, notamment au travers du fait que cette typologie fasse ressortir explicitement les apprentissages relationnels. L’autre intérêt que les auteurs identifient est que cette typologie met à parts égales les apprentissages normatifs avec les autres types d’apprentissage. Or, trop souvent, les études en sciences de l’environnement s’intéressent exclusivement aux apprentissages normatifs (est-ce que les acteurs ont changé d’avis ? est-ce qu’ils se sont approprié les valeurs de défense de l’environnement ?) (Haug et al. 2011, Baird et al. 2014).

S’appuyant sur la typologie de Haug (et sur les indicateurs de mesure associés proposés par Baird et al. (2014)), den Haan et van der Voort réalisent en 2018 une large étude sur l’apprentissage social et ses effets, au travers de l’utilisation de la simulation participative. Les auteurs nomment les dispositifs qu’ils étudient des jeux sérieux collaboratifs. En pratique cependant, les 37 dispositifs qu’ils identifient sont des dispositifs de simulation participative (Encart 4). Un premier résultat de leur étude est que les praticiens s’accordent sur le fait que leurs dispositifs produisent des effets en termes d’apprentissage social et d’apprentissage expérientiel.

Encart 4 : Aperçu des communautés de pratique de la simulation participative dans le monde académique via le prisme d’une revue systématique de la littérature de 2018

Puis, les auteurs identifient cinq catégories d’effets d’apprentissage parmi les applications des 37 dispositifs qu’ils ont recensées.

Catégorie d’effets d’apprentissage

Apprendre sur le sujet traité dans le jeu, son système d’interactions et la complexité des enjeux (qui appelle des compromis entre les différents objectifs)

Apprendre sur le sérieux d'un problème

Changement de points de vue, d’opinion ou de valeurs

Apprendre sur le rôle, la mentalité et les points de vue des autres participants

Améliorer sa capacité à collaborer en établissant des relations sociales et des rapports de confiance

Figure 32 : Effets d'apprentissage recensés dans 37 dispositifs de simulation participative (den Haan et van der Voort 2018)

Les deux premières catégories relèvent de l’apprentissage cognitif. La troisième relève de l’apprentissage normatif, et les deux dernières de l’apprentissage relationnel. Cette étude montre que la typologie de Haug permet de faire ressortir des catégories d’apprentissage qui corroborent en partie la typologie classiquement utilisée en modélisation d’accompagnement de Daré et al. (2010). Toutefois plusieurs nuances et différences sont à noter. Avant de développer davantage ces différences et complémentarités, le chapitre suivant présente un troisième corpus de résultats.

Den Haan et van der Voort (2018) ont réalisé une recherche systématique des articles publiés dans les revues académiques entre 2007 et 2018 contenant les termes « serious gam* », « simulation gam* », et « policy gam* » (l’astérisque permettant de faire la recherche sur game ou gaming) dans leurs titre, mots clés ou résumé. Ils ont restreint leur extraction aux articles traitant de leur thématique d’analyse, de la durabilité, et aux dispositifs multi-joueurs. Après plusieurs traitements pour écarter les articles hors-sujet, ils recensent 37 dispositifs correspondant assez bien aux contours de la simulation participative tels que proposés dans cet ouvrage. L’origine des concepteurs de ces 37 dispositifs donne un aperçu des différentes communautés de pratique qui mobilisent la simulation participative aujourd’hui.

Un quart des dispositifs recensés sont développés et utilisés par des praticiens de la modélisation d’accompagnement. Un autre quart a été développé par les chercheurs et praticiens de TU Delft, Wageningen, Tilbourg ou Breda University (Igor Mayer ayant quitté TU Delf pour l’université de Breda). Une autre partie est développée par d’autres praticiens du Simulation and Gaming comme Yusuke Toyoda et ses collègues au Japon. Enfin, les autres dispositifs recensés sont développés par des praticiens de différents horizons, dont certains sont passés par les formations ComMod (cette page web donne un aperçu des formations ComMod dispensées dans leur format actuel depuis 2009).

Il est intéressant de noter que les applications du domaine de la modélisation participative, menées notamment par Alexey Voinov et ses collaborateurs, ne sont pas identifiées par cette recherche réalisée autour des mots clés game/gaming. Les auteurs de ce domaine d’application sont plutôt établis aux États-Unis et en Australie. Voinov lui-même, qui a co-écrit en 2010 un article de référence dans ce domaine, dans lequel la simulation participative est explicitement citée, a quitté l’université hollandaise de Twente en 2017 pour rejoindre l’université de technologie de Sydney. En Australie, il développe un centre de recherche sur les Persuasive Systems, des dispositifs focalisés sur le changement de comportement (Harjumaa 2014).

Ainsi, la revue systématique de la littérature réalisée par den Haan et van der Voort laisse à penser qu’une grande partie des dispositifs de simulation participative développés actuellement est issue des communautés de pratique hollandaises ou françaises.