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Travail collectif et travail soignant dans l’organisation hospitalière

PROBLEMATIQUE FONDAMENTALE

Chapitre 1 Cadre épistémologique et thématique de la problématique fondamentale : du modèle théorique général au

4. Organisation, changement organisationnel et restructurations

5.2. Travail collectif et travail soignant dans l’organisation hospitalière

Plusieurs oppositions se superposent : hôpital / environnement sociétal et institutionnel, corps de métier, pratiques et conceptions gestionnaires, soignantes, médicales et à fortiori psychiatriques, soin du plus grand nombre / approches individuelles… Au milieu de ces polarités, les dynamiques collectives sont essentielles pour l’efficacité et la santé du personnel hospitalier (Amourous, 2004 ; Kostulski, 2000 ; Sainsaulieu, 2006 ; Vaxevanoglou, 2002c). Les relations sociales s’avèrent d’ailleurs un problème central des interventions sur les conditions de travail à l’hôpital (Forissier, Volckmann, Pugniet & Davezies, 1991). En terme de construction sociale, c'est-à-dire d’ensemble et suite de résultats d’interventions que la société a exercé sur elle-même (Brangier & Valléry, 2004), la crise hospitalière semble liée à la « construction d’une vision partagée et d’un apprentissage organisationnel » (Pascal, 2004, p.74). En amont de multiples causes, cette crise « apparaît surtout comme la conséquence de la difficulté de faire ensemble à l’intérieur des établissements, entre services et à l’intérieur des services, mais aussi entre les professions et au sein même de chaque profession. » (Pascal, 2004, p.74). Construire socialement la performance nécessite un objectif de compromis et non d’optimum (Teil, 2004), d’autant que les représentations communes sont difficiles à obtenir dans les organisations, notamment en restructuration. L’étude de plusieurs restructurations hospitalières suggère ainsi l’absence de représentation homogène (Dumond, 2005).

Le travail est appréhendable comme terrain de médiation entre l’économie psychique et le champ social, entre les ordres singulier et collectif (Lhuilier, 2006). L’activité est le produit de la confrontation entre individu et organisation (Vaxevanoglou, 2002a ; Vaxevanoglou, 2002b), médiatisée par les collectifs et les représentations. A l’hôpital, les intervenants partagent le champ des soins (Amourous, 2004), dont l’organisation a pour pierre de touche les collectifs et activités collectives et individuelles soignants. Le travail infirmier illustre donc différentes formes de travail collectif (Caroly & Weill-Fassina, 2007) :

• La co-action concerne des situations où les différents buts des opérateurs sont intégrés dans une activité commune à long terme (Savoyant, 1977). C’est le cas des soignants lorsque l’un s’occupe du pansement et l’autre de la toilette pour préparer le patient à sortir.

• La collaboration correspond à une situation où les buts identiques à court terme nécessitent des actions différentes pour chaque opérateur (Rogalski, 1994). Pour installer le patient dans son lit pour manger, un soignant rehausse le lit et l’autre rapproche la table.

• La coopération caractérise une activité collective dans laquelle les opérateurs travaillent ensemble sur le même objet visant au même but proximal (De la Garza, 1995). L’infirmière et l’aide-soignante refont ensemble le lit d’une personne dépendante.

• L’ (entr) aide correspond à une situation où un professionnel en aide un autre qui ne le lui a pas demandé (Assunçao, 1998). Une aide-soignante voit les difficultés pour déplacer un chariot dans un couloir encombré donc vient aider, souvent à charge de revanche.

Ainsi les activités collectives prennent différentes formes selon les buts des opérateurs et leurs coordinations dans le temps et l’espace (Caroly & Weill-Fassina, 2007). Au-delà de ces formes de travail collectif infirmier, le réseau de santé permet une problématique commune et une réponse globale cohérente des professionnels médico- psycho- sociaux (Bénard, Lewkowicz & Zacklad, 2005, 2006). Divers compétences, connaissances, savoirs faire, permettent des interactions d’où émergent de nouvelles significations et des résolutions communes. Ce réseau a plusieurs utilités : prise en charge globale, partage de données sur des patients, prises de décision collectives, apprentissage, compréhension des autres, de leurs attentes, besoins, communication, coordination, bonnes pratiques organisationnelles…

Le réseau d’une équipe de soin multidisciplinaire instaure des relations spécifiques, mais une première équipe infirmière peut néanmoins être distinguée d’une seconde équipe multi professionnelle (Cott, 1997). L’équipe infirmière est impliquée dans les tâches de travail, alors que l’équipe multi professionnelle est impliquée dans la prise de décision et la résolution de problème et implique davantage les plus hauts gradés (Cott, 1997). L’articulation des spécialités et la gestion du travail collectif dans un cadre organisationnel évolutif reste une spécificité soignante. En effet, les mutations hospitalières ont augmenté l’importance des communications et impacté le traitement de l’information dans l’activité de travail des soignants : le rôle de ces derniers, leur charge, les notions de collectifs de travail et de travail en équipe ont fortement évolué (Lapeyrière, 2000). Cet aspect central du travail soignant à l’hôpital est de mieux en mieux cerné. Une spécificité de l’articulation infirmière correspond donc à la responsabilité organisationnelle (inter métiers), opérationnelle, pratique, temporelle des processus de soins et administratifs (Kostulski, 2000).

C’est pourquoi « les études se sont déplacées des interactions avec le patient à l’organisation du travail collectif. L’interaction se partage entre les membres d’une équipe (Borzeix, 1992 ; Dartevelle, 1992 ; Grosjean & Lacoste, 1999). » (Caroly & Weill-Fassina, 2007, p.89). L’articulation infirmière permet l’ajustement des pratiques de l’équipe soignante

dans l’environnement organisationnel, médical et humain. Les infirmiers sont insérés dans

les systèmes socio sanitaires (Couturier & Daviau, 2003). L’environnement hospitalier nécessite qu’ils gèrent de multiples logiques, dont de fortes prescriptions éloignées du terrain. Les prescriptions médicales et administratives semblent les principales (Vaxevanoglou, 2002c).

Dans ce cadre organisationnel et prescriptif, les régulations peuvent être définies comme « tout processus qui permet de retrouver un équilibre entre les demandes de l’organisation et les caractéristiques des salariés, ces dernières résultant elles-mêmes, en partie, de l’interaction entre les avancées en age et les conditions de travail. » (Gonon, 2003, p.2). Trois types de régulations peuvent être mises en évidence (Gonon, 2003) :

organisationnelle, collective et individuelle, à considérer conjointement, notamment pour

étudier le travail soignant. Prendre leur mesure nécessite d’insister sur l’importance de l'environnement pour analyser le travail dans une unité hospitalière, dans une perspective de transformation (Gonon, 2003). Mais la délimitation de l’environnement analysé reste polémique : l’activité a d’innombrables déterminants. Le lien avec les comportements des opérateurs est d’autant plus difficile que la situation envisagée est large (de l’interface aux facteurs sociaux, juridiques, culturels, nationaux voire civilisationnels) -et plus utopique est l’unité même relative de l’Ergonomie. Aussi l’organisation peut être la largeur maximum souhaitable pour l’Ergonomie, mais également minimum. En effet, les régulations organisationnelle, collective et individuelle sont intriquées. Il est donc pertinent d’insister sur les multiples régulations du collectif soignant intra unité, puis élargir cette approche aux transactions avec les individus, puis avec les organisations.

Envisager des trois types de régulations n’est pas (encore) systématique mais semble se développer. Par exemple, concernant le travail infirmier de nuit à l’hôpital, les objectifs, priorités et stratégies sont redéfinies en lien avec le patient (sommeil, angoisses) ou avec le service désert : responsabilité, déontologie, nécessité de se débrouiller avec des actes peu maîtrisés, lien relationnel et soutien des malades (Toupin, 2005). Les régulations unité par unité varient en fonction des individus et les politiques locales et générales (Vaxevanoglou,

2002c). Les régulations quotidiennes soignantes intra et inter unité diffèrent sur la re- socialisation des patients : suppression versus redéploiement des effectifs, régulations collectives pour l’agressivité des patients surtout en arriérologie (pas de femme avec tel patient, hommes « vigiles » déqualifiés, patients attachés…) (ibid.). Deux modes de confrontation se dégagent : dégradation versus maintien de la santé psychique (ibid.). La confrontation du système de travail avec l’agent opérateur et sujet détermine l’activité (représentations, actions, stratégies d’ajustements et défenses) (ibid). L’activité impacte l’agent par le développement de soi et la santé, et le système de travail par la performance et l’efficacité (ibid.).

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