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PROBLEMATIQUE FONDAMENTALE

Chapitre 1 Cadre épistémologique et thématique de la problématique fondamentale : du modèle théorique général au

4. Organisation, changement organisationnel et restructurations

5.1. Multiplicité des logiques dans l’organisation hospitalière

En effet, un secteur permet de préciser et éventuellement de valider ou invalider en partie les approches du travail collectif et des organisations, simultanément spécifiques et

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Emploi – rémunération – poste à redéfinir selon restructuration: fusion, aménagement…, conditions matérielles – localisation – horaires, rôles – fonctions – normes de travail – compétences requises, relations de proximité et d’équipe, sentiments moraux liés au travail, notamment au sens de l’équité et au sens du travail, engagement affectif envers équipe, profession ou organisation souvent remises en cause par restructuration avec conséquences sur engagement

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généralisables. L’organisation hospitalière, notamment psychiatrique, fournit un modèle, un support adéquat à l’analyse du travail collectif et des organisations. Au-delà de difficultés spécifiques, cette organisation illustre la difficulté, typique des grandes organisations, de travailler ensemble compte tenu de problèmes variés : prescriptions, moyens, temps, changements organisationnels, dissonances et variétés des logiques et points de vue…

Par exemple, il n’y a pas de définition unique de la qualité dans les établissements de santé (Claveranne et al., 2003). Trois acceptions de la qualité à l’hôpital sont distinguables :

gestionnaire, médicale et soignante (Fraisse & Robelet, 2004). La multiplicité des

prescriptions implique leur incompatibilité. La diversité des perceptions de la qualité et des outils (ibid.) permet de distinguer premièrement la qualité organisationnelle en tant que (ibid.) représentation « gestionnaire ». L’hôpital est une entreprise de service comme les autres. Plutôt que d’agir sur les actes médicaux et soignants, la qualité des soins nécessite de formaliser, homogénéiser, prévoir, organiser les processus de soins, à partir d’outils importés de l’industrie. Certains établissements ont expérimenté les « cercles de qualité » dans les années quatre vingt et certifient leurs circuits logistiques (blanchisserie, service hôtelier, laboratoires de biologie) en fonction des normes de l’International Standards Organisation. La qualité médicale (ibid.) concerne l’activité de soins à travers une conception individuelle et médico - technique. Les pratiques médicales sont évaluées de leurs propres points de vue, afin de rapprocher les pratiques réelles de pratiques à l’efficacité thérapeutique scientifiquement prouvée. A proximité de la qualité médicale, la qualité soignante (ibid.) insiste sur une conception du soin articulé et formalisé en fonction du patient d’un point de vue individuel, de critères médico – techniques, de collaborations et pratiques réelles, de compétences professionnelles et humaines. Cette conception soignante, son décalage avec les qualités gestionnaire et même médicale, prend toute son importance en envisageant l’activité soignante comme une activité de service, comme une « activité de coopération « guidée » par la construction d’une représentation de l’autre » (Cerf, Valléry & Boucheix, 2004, p.576).

L’absence d’une définition unique de la qualité (Douguet, Muñoz & Leboul, 2005) est univoque : « Les soignants se centrent plus souvent que les autres catégories sur les patients (accueil, confort, bien être, soins, hygiène et écoute du malade). La logique des soignants est marquée par les aspects relationnels de la qualité des soins accordés au patient et inscrite dans une pratique collective professionnelle. La logique médicale s’appuie essentiellement sur un référentiel technique, tandis que la logique des responsables administratifs reprend les formes

discursives proches des textes officiels. » (Douguet et al., 2005, p.55-56). Ainsi les « représentations de ce qu’est la qualité pour les promoteurs des démarches qualité et pour

les professionnels censés animer et mettre en œuvre ces démarches sont diverses et les contradictions sont possibles […] les conflits d’intérêts et les démarches de pouvoir ne sont pas absents de ces démarches, malgré les discours annonçant une harmonie retrouvée à l’hôpital public » (Fraisse & Robelet, 2004, p.147). Ce type d’opposition reflète celles de la

société, surtout avec l’explosion des dépenses, et rappelle les liens entre les niveaux micro et

macro :

« L’hôpital est de fait écartelé entre des contraintes contradictoires car, comme le formule E. Minvielle, il doit assurer la prise en charge à grande échelle tout en assurant une singularité de celle-ci […] une égalité de traitement tout en différenciant les réponses […] maintenir en vie à tout prix tout en réduisant ses coûts. […] Malgré ces réformes, la modernisation de l’hôpital ne se fait pas sentir, et l’hôpital se trouve toujours confronté aux mêmes difficultés […] sur lesquelles l’ensemble des acteurs du secteur hospitalier est d’accord : « cloisonnement et segmentation trop forte des activités, hiérarchie trop lourd, manque de cohérence dans les paramètres de l’organisation hospitalière, démotivation des personnels, fonctions de production non optimales, problèmes de circulation de l’information. » [Pascal C., 2000, cité par Teil, 2004]. […] Or, aujourd’hui, si la santé n’a pas de prix, l’hôpital a un coût et ce coût mis en perspective avec la nature de l’offre de soins hospitaliers est […] remis en cause. […] le défi fondamental […] est de faire certains choix

que la société ne fait pas, […] de gérer lui-même les attentes contradictoires de ses parties

prenantes […] qui englobent la société dans son ensemble. » (Teil, 2004, p.106-107).

La performance symbolise aussi la diversité des logiques. Quantifier la performance est toujours difficile (Levy-Leboyer & Pineau, 2004 ; Den Hartog, Boselie & Paauwe, 2004). Mais le concept est très ambivalent à l’hôpital, même à travers des modèles gestionnaires pouvant faire référence à des objectifs rationnels, ressources, satisfactions des parties prenantes ou processus internes (Teil, 2004). La performance est envisageable en tant que « construit social » entre acteurs afin « d’articuler efficience économique et rentabilité politique, non comme un optimum […] mais comme un compromis sans cesse interpellé, remis en cause régulièrement, toujours en chantier parce que toujours en devenir. » (Teil, 2004, p.108).

multiplicité des buts et des acteurs de toute organisation (Steudler, 2004). Compte tenu de

sa spécificité et de ses groupes internes, l’hôpital est déclinable en six points : coalition interne, pouvoirs, organisation (ou bureaucratie) professionnelle, coexistence de logiques de service public et d’entreprise, évaluation et accréditation, gestion prévisionnelle des ressources humaines, système très hiérarchisé et cloisonné (Steudler, 2004).

Même au sein du corps médical, la pratique médicale est sujette à débat. La santé et la maladie sont individuelles, aussi cette pratique réfère à l’art et à la science. Ce constat s’applique parfaitement à la Psychiatrie, d’autant que les influences de l’activité médicale y sont diverses : « formation initiale et continue du médecin (Lachaux et al. 1998 ; Ray- Coquard, Chauvin, Lurkin, Ducimetière, Jacquin, Agostini et al., 2006 ; code de déontologie médicale) […] expérience acquise lors de l’exercice professionnel (Prosser, & Walley, 2006) […] côtoiement des visiteurs médicaux […] (La Revue Prescrire, 2006) […] collègues exerçant dans l’institution, dans les hôpitaux voisins, en libéral (Pasi-Delay, & Lachaux, 1998 ; Sauvagnac, Beckendorf, Lesur, Luporsi, Stines, Falzon, et al., 1999 ; Gury et al., 2003) […] conditions matérielles locales lors de l’exercice de l’activité (Ray-Coquard et al., 2006) […] exigences législatives et réglementaires encadrant la profession. » (Grass, Grangeat & Allenet, 2007, p.33). Enfin, les conceptions théoriques psychiatriques sont multiples, souvent peu compatibles et conflictuelles. Les errements inévitables entre les aspects médical et social obscurcissent le tableau, d’autant que la santé et le social sont institutionnellement fortement disjoints.

A l’hôpital, la multiplicité des points de vue est en tension avec la prédiction et

l’aléa, a fortiori compte tenu de la crise financière et prescriptive. La procéduralisation et

l’aléa sont en tension (Lacoste, 2000), d’autant que l’évènement imprévisible, l’aléa sont omniprésents (Zarifian, 1995 ; Vaxevanoglou, 2002c ; Lacoste, 2000). Les problèmes spécifiques aux conditions de travail du secteur hospitalier (Martin & Gadbois, 2004) se superposent aux limites des démarches gestionnaires pour comprendre le travail réel dans tous les secteurs. Enfin, les évolutions gestionnaires et techniques, simultanées, ont aggravé les écarts prescrit / réel -à travers une technologisation de la gestion des activités qui dépasse de loin le cadre de l’hôpital (Lacoste, 2000). Une gamme considérable de supports écrits s’est ainsi constituée au cours des quinze dernières années : dans un contexte de contrôle économique, cette multiplication est liée à la technicisation des soins, à la complexification des traitements, à la diversification des intervenants et des services mobilisés pour un même

malade, à la recherche de l’efficacité et de la sécurité, au désir de se prémunir contre les poursuites pénales (Lacoste, 2000).

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