• Aucun résultat trouvé

PARTIE3 DONNEES : PRESCRIPTIONS, ACTIVITES, REGULATIONS

Chapitre 1 Prescriptions, écarts entre prescriptions et réel et entre prescriptions

4.5. Ecueils des moyens architecturaux et matériels

La limite des lits disponibles est souvent atteinte à peu près partout (sauf parfois en T8 qui effectue « beaucoup de travail en amont et en aval »). Les patients sont souvent mis dans telle ou telle unité simplement par défaut. Le manque de lit et le transfert de patient vers des services inadaptés est d’ailleurs un constat courant dans les hôpitaux, en France ou ailleurs (voir par exemple Van Daele et Ait Ameur, 2003), même si il est toujours utile de le redire.

Une élève a « presque été violée » en T3 : le patient n’a pas été pris ailleurs tout de suite par manque de place.

Les chambres d’isolement servent très souvent de chambres à temps plein, alors qu’elles ne sont pas du tout conçues dans ce but. En T8, les personnels insistent pour que les isolements restent des isolements, et soient proches des soignants. Le système de caméra leur parait ambiguë à cause du risque de moins passer dans l’isolement, d’où la nécessité de se mettre bien d’accord avant, selon les cadres et les soignants. Mais la pratique les conduit à douter fortement du maintien des isolements en tant que tels.

Le débat sur les chambres à lit unique est récurrent, mais reste parfois équivoque. Par exemple, lorsqu’un patient demande une chambre seule au T8a, les soignants s’y opposent en disant qu’il ne doit pas être seul. Alors qu’ils désapprouvent souvent sur ce point lorsqu’ils l’expriment explicitement, les soignants confirment un avis de leur cadre exprimé principalement par leur cadre supérieur : les chambres doubles ont leur intérêt. Mais sur ce point également, cela dépend des patients et des unités, ce qui explique que le cadre de l’unité T8b ne veuille pas de chambre double. En revanche, personne ne souhaite des chambres triples, qui réapparaissent dans le cadre des déménagements « provisoires ».

Les salles d’activités sont un problème courant, mais qu’il ne faut jamais envisager indépendamment d’autres écueils. Depuis quelques années dans l’ensemble de l’EPSM2, des moyens d’activités sont supprimés : atelier, piscine, cinéma ferment malgré les investissements consentis. La salle de gymnastique n’est chauffée ni en hiver ni en été. Ils disposent encore d’une ferme que les patients et personnels apprécient, mais qui fermera vraisemblablement rapidement. Par exemple, les infirmiers de T3 notent qu’ils n’ont certes pas tellement de patients appropriés, les plus dépendants psychiquement et physiquement : deux ou trois vont à la ferme sur les dix-neuf de T3c, parfois un ou deux font de la peinture…

Mais ils disent également ne pas avoir de formation appropriée. Dans ce cas se superposent le manque de personnel présent, de moyen, de temps, de formation. En revanche, il arrive dans d’autres services que les soignants aient suivi des formations mais n’aient pas les patients appropriés…

Compte tenu des activités supprimées, le manque d’espaces fonctionnels dans les

services est encore plus évident, notamment dans les services fermés. Le partage des espaces

se pose donc constamment : recoins, problèmes de surveillance dans le service ou dans les chambres, salles polyvalentes par défaut, accessibilité et organisation d’un jardin pour trois services sur trois étages avec de nombreux patients ne pouvant pas descendre seuls…

Les patients tournent dans certains services en rond durant plusieurs heures, regardant la télévision, fumant, raquettant…Le personnel ne peut pas les surveiller, compte tenu du nombre de recoins, par exemple en T3 et au service T1. Les agressions à l’égard des patients ou du personnel peuvent se démultiplier.

Les salles pour rencontrer les familles n’existent pas toujours, ou sont indignes selon le personnel, à l’instar d’une minuscule pièce en T3 appelée « point rencontre », dans lequel les patients sont censés se détendre, se retrouver et accueillir leur famille… La configuration de la pièce rend la surveillance impossible, l’endroit est délabré et désagréable.

Dans les futurs locaux « provisoires » de T8, la chaleur empêche souvent les personnes âgées pas d’aller dans le salle détente : c’est le personnel qui leur interdit.

Le problème d’un fumoir de neuf mètres carré en T8b, est exemplaire de la difficulté de penser les espaces en fonction des contraintes locales. Cette unité ne peut pas se plier aux règles habituelles de l’absence de fumée à l’hôpital puisque les toxicomanes sont tous fumeurs, mais aucune solution n’est trouvée dans un premier temps : les hottes ou extracteurs seraient selon la direction trop chers, alors que le personnel insiste sur le fait qu’ils seront dans ces locaux pour longtemps.

Une autre règle de l’hôpital général est sensée être appliquée à l’EPSM2 : des vestiaires centraux, mais ceux-ci sont éloignés et petits. Il est rapidement clair que les affaires seront mises dans les services pour des raisons de fonctionnalité et de sécurité. Le personnel

entre et sort du service plusieurs fois par poste, et aucune réponse ne lui est faite lorsqu’il demande si ces vestiaires seront fermés.

Les structures à étages sont souvent problématiques, puisque tous les patients ne peuvent prendre les escaliers, les ascenseurs peuvent être encombrés… Par exemple, T3 ne déménagera pas dans certaines cliniques notamment parce qu’il dispose de trop nombreux patients ne pouvant s’y déplacer, mais ce point a du être argumenté plusieurs fois du point de vue des ergonomes.

Le problème des repas est également exemplaire de compromis qui sont souvent effectués par défaut.

Le partage du self de T3 avec le Centre Social a donné lieu à de nombreuses réunions et suggère la difficulté de compromis qu’on pourrait croire évidents. Dans un premier temps, le compromis entre un ou deux services au self du Centre Social et de T3, est tranché en un seul au Centre Social pour des raisons d’effectifs, avec des plateaux pour réussir à réguler et une séparation des patients de T3 et des autres. Les soignants de T3 accompagnent leurs patients mais ne veulent ni ne peuvent surveiller les autres. Mais le manque d’effectif conduira à devoir choisir entre un Self sur le site2B et un self sur le site2A : la direction des soins infirmiers (DSI) le veut sur le site2B, mais les services y restant disent ne pas en avoir besoin. Aussi le DSI finit par trouver des effectifs supplémentaires en supprimant des navettes de transport, en réintégrant des personnels… Mais devant la réticence du personnel de T3 de surveiller une centaine de patients, la direction envisage de supprimer tous les selfs. Le psychiatre de T3/T4 menace dès lors de démissionner si il n’y a pas de self car cette suppression signifierait l’absence de projet en T3.

Le même type de compromis se répercute et doit être géré dans les services. Par exemple, en T8, une soignante qui a travaillé dans les futurs locaux, ainsi que les soignants qui y travaillent actuellement (par opposition à leur cadre supérieur) disent que le Self qui leur est destiné est invivable, notamment beaucoup trop chaud en été avec sa grande baie vitrée. La psychiatre reprend également le cadre supérieur en disant que les soignants gèrent la tension, l’agressivité, donc l’absence de jardin nécessite au moins un self. Le cadre supérieur plaide pour deux salles différentes : les ergonomes appuient cette solution qui finalement est acceptée car les soignants réticents initialement finissent par considérer cela nécessaire, alors

qu’ils disaient vouloir simplement réguler dans l’office avec une paillasse. Mais ils réguleront malgré tout avant la prise de repas dans une petite salle pour donner les médicaments. Ce service fournit d’ailleurs diverses régulations avec les salles : la salle de détente des patients de T8 est trop petite donc ils décident de laisser la salle de réunion ouverte, la continuité entre le bureau de soins et la salle de détente du personnel empêche le bureau du cadre à proximité, la salle à manger libre en dehors des repas devient salle polyvalente pour les soignants…

Les problèmes matériels vont de pair avec les problèmes d’espaces. Le manque d’entretien et la vétusté sont souvent soulignés. Les chambres des patients peuvent être plus ou moins bricolées, comme cette chambre avec du contre-plaqué à défaut de pouvoir lui installer une vitre sécurisée trop onéreuse. Les rideaux aux fenêtres ne sont pas systématiques, surtout en T3. Pendant les jours de forte chaleur, les patients y font la sieste dans une chaleur étouffante, ce qui ajoute à leur mal-être et leur agressivité. Un cadre parle malgré lui de « dortoir ».

T3 est encore une fois un exemple extrême. Il semble l’unique service qui ne soit pas équipé de téléphones ou de bipers internes portables, qui doit récupérer le mobilier… Ce serait plus largement le système informatique qui ne permettrait pas de donner ou recevoir d’appels du standard… Ce type d’indice signale selon le personnel le peu de cas que l’on fait d’eux. Le manque de chaises, de fauteuils, de bouteilles d’eau et de sacs est très surprenant pour l’observateur extérieur. Le personnel de T3 a des difficultés à obtenir des pantoufles et des chaises, donc en récupère dans les bâtiments désaffectés. Le personnel se plaint du manque de chaises pour la prise des repas des patients. L’équipe soignante doit déplacer les chaises du « local soignant » vers la salle de vie qui fait également office de réfectoire. Certains patients restent toute la journée dans cette même salle car ils sont trop nombreux à ne pas pouvoir se déplacer. Il n’y a pas suffisamment de fauteuils compte tenu du nombre de patients, les fauteuils disponibles sont souvent délabrés et très inconfortables… Le personnel de T3 utilise des sachets poubelles pour y mettre les habits des patients au moment des visites au sein de leurs familles, ce qui participe chez les soignants d’un sentiment intense de rejet et d’indignité. Suite au manque d’eau, et compte tenu de la présence d’un grand nombre de patients atteints de potomanie, une fontaine d’eau a été placée en cuisine : pour servir les patients dans l’unité cela ne pose pas trop de problème, mais lorsqu’il s’agit d’effectuer des sorties ou activités extérieures, « vous comprendrez bien qu’il est difficile de transporter une fontaine d’eau ». L’équipe soignante a donc demandé des bouteilles d’eau en plus, ce qui n’a

été possible que grâce à l’ordonnance du médecin spécifiant la nécessité de l’eau pour « certains » patients. Mais ces bouteilles d’eau sont en quantité réduite (un à deux packs d’eau par semaine) pour une dizaine de patients et il arrive de devoir acheter des bouteilles d’eau avec l’argent des patients pour leur sortie.

Si T3 est un exemple extrême, la plupart des services rencontrent des problèmes logistiques. Les problèmes de repas sont multiples en quantité et qualité, dans tous les services. Les soignants donnent souvent leurs repas. Dans plusieurs services (T9 et T3 en particulier), le personnel demande pendant plusieurs mois des fenêtres non démontables mais ouvrables pour aérer, qu’il n’y ait pas de quoi se mutiler, des rideaux, des volets, une climatisation… Ils cachent les radiateurs, les coins dangereux… Le personnel de T8a construit rapidement des oreillers pour les admissions en pleine nuit. Les problèmes informatiques sont multiples : manque de prises, retard…

Alors qu’en T3c, les toilettes des patients posent problème pour des raisons d’effectifs, l’étalement des levers en T3b est provoqué par le manque de douches. La conséquence est identique : parfois les patients ne se lavent pas, même si ce n’est pas aussi systématique qu’en T3c. Alors que les tâches quotidiennes sont une des tâches les plus importantes de T3, peut être la plus centrale, les patients se lavent rarement et de façon variable et à heures changeantes, ils ne font pas systématiquement les autres tâches quotidiennes…

Les problèmes de différents ordres se superposent –effectifs, moyens matériels, architecture... Les patients doivent être installés en priorité dans les bâtiments avec un avis

de sécurité acceptable. Mais le matériel et l’architecture actuels ne sont pas toujours acceptables. La sécurité dans toutes ses modalités pose problème : surveiller les recoins, gérer la violence, des effectifs insuffisants pour faire face, fermer des armoires qui ne ferment pas… De même, les problèmes matériels se superposent à des problèmes d’organisation. Par exemple, le personnel n’a rien contre les outils permettant de signaler leur présence et éventuellement la nécessité d’une aide, notamment la nuit, mais veut surtout des effectifs suffisants. De même, la régie de T13, T14, T15, UAIR devait permettre l’ouverture des coffres par les soignants : cette solution a été rejetée par la résolution des soignants, des problèmes de sécurité ayant eu lieu par le passé.

4.6. Conclusion : multiples prescriptions et prescripteurs, diversité des

Documents relatifs