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TRANSPORT ET TRAITEMENTS

L’ENTREPRISE COLONIALE

1.4. Traite – Esclavage

1.4.1. LA TRAITE – TENTATIVE DE DEFINITION

1.4.1.4. TRANSPORT ET TRAITEMENTS

Au fur et à mesure des tractations, les trafiquants sont confrontés à la révolte naturelle des captifs. Les enclos très fragiles qui sont destinés à les emprisonner sont souvent renversés. Des gardiens sont parfois attaqués. Et on a enregistré des morts dans les rangs des ces derniers. Pour faire face à cette difficulté, l’option de garder les captifs sur les bateaux a été préférée, avec tous les inconvénients que pouvait présenter l’étroitesse de ces embarcations. La promiscuité et les traitements quasi inhumains auxquels sont soumis ces captifs pendant les longues semaines et parfois les mois qui précèdent le voyage commencent par entamer leur intégrité physique et mentale. Même s’ils ne sont pas officiellement considérés comme des esclaves, les hommes et les femmes qui sont achetés ou enlevés sont soumis à une détention qui s’en approche, dans le dessein de les maîtriser et de prévenir les révoltes. Leur liberté d’aller et de venir est réduite et soumise à un contrôle strict de leurs geôliers

« à mesure que les nègres se présentent on les met aux fers deux à deux. Personne n’a le droit de les frapper. Le maître d’équipage doit veiller tout particulièrement à ce sujet et empêcher que les matelots ne frappent les captifs avec le bout d’un manche à balai. » (Gaston Martin, 1948, P. 67)

Par ailleurs, le taux de décès à déplorer est difficile à évaluer. Il existe un débat sur le point de savoir quel traitement est infligé aux captifs. Selon certains, lors de ces voyages, les conditions de détention des futurs esclaves étaient extrêmement dures.

Ils étaient attachés, par groupes, entassés dans les cales du navire, et seulement sortis de temps à autre pour prendre l'air. Ainsi, le taux de mortalité moyen était de 10 % à 20 %, avec des pics à 40 %. Au fur et à mesure, de l’augmentation de la demande, et de l’épuisement des sources de razzias, la valeur des captifs augmentait, et les

négriers commencèrent à faire un peu plus attention, en sélectionnant mieux les prises, afin de s’assurer une meilleure résistance aux conditions de la traversée. Pour ce qui concerne Gaston Martin (Gaston Martin, 1948, p. 72) il ne semble pas prendre toute la mesure de l’atrocité de ces traitements. En effet « Faut-il, dès lors, pour expliquer ces pertes, faire intervenir les mauvais traitements que subissait en cours de route la cargaison ? s’interroge-t-il. En conscience, il ne le semble pas, répond-il.

Sans doute, poursuit-il, les conditions générales d’hygiène sont bien médiocres.

Dans les entreponts, à l’air raréfié, les captifs sont enferrés à longueur de nuit ; il leur est interdit de faire du bruit ou d’y chanter à peine de « six coups d’étrivières, doublés en cas de récidive. »

Si les trafiquants paraissent manifester quelque égard vis-à-vis des captifs, ce n’est pas par un élan naturel, du fait de considérations morales, dans la mesure où ceux-ci sont en passe de perdre leur qualité humaine aux regards de leurs geôliers. Seul l’appât du gain semble motiver leurs apparents égards. Dans la réalité, les droits les plus élémentaires sont refusés aux futurs déportés. En effet, « si les nègres font du tapage pendant la nuit, voire simplement s’ils chantent « on applique à chacun une demi-douzaine de bons coups d’étrivières, avec menace d’en donner le double à la prochaine récidive. » (Gaston Martin, idem p. 67.) D’ailleurs, les bourreaux opposent le déni le plus total aux émotions des captifs « Avant l’arrivée des nouveaux captifs, enjoint Van Alstein, cite Gaston Martin (Gaston Martin, 1948, p.

67) il faut faire descendre dans l’entrepont les anciens, hommes, et femmes, et écarter les négrillons, sinon on s’expose à bien des misères : les hommes reconnaissent souvent leurs femmes ou leurs parents, ce qui les porte à la colère, aux regrets ou à quelque entreprise ; les femmes curieuses, se précipitent toutes du même côté, pour reconnaître et parler aux arrivants au risque de tomber à l’eau

Une fois vidés des objets (des tissus, de l’alcool, des armes) amenés d’Europe dans le dessein de rémunérer les roitelets pour la capture des Noirs, une fois faites les vérifications indispensables (solidité des fers et de la rambarde, le bon état des mâts…) et leurs cales remplies d'esclaves, les navires négriers quittent les côtes africaines pour rejoindre l’Amérique du Sud, les Caraïbes ou l'Amérique du Nord.

Ainsi commence l’étape la plus périlleuse de la traite.

Pour ce qui concerne les conditions du voyage proprement dit, elles donnaient souvent lieu à des révoltes et à des soulèvements réprimés avec la plus extrême violence, quand ils le sont, malgré le renforcement de la surveillance. Lorsqu’ils réalisent qu’ils s’éloignent des côtes africaines, certains captifs vont, par désespoir, jusqu’à se jeter à l’eau en pleine mer sans tenir compte des risques qu’ils encourraient. Un capitaine du Soleil déclare que le 13 septembre 1774 « quatorze femmes se sont jetées toutes ensemble à la mer du haut de la dunette » il est fort possible qu’il se soit agi d’un suicide collectif. D’autres n’accepteront jamais d’être arrachés de force à leur terre natale et vont tout tenter pendant la durée de leur voyage pour inverser le cours des choses. D’ailleurs, jusque dans la servitude, ils refuseront la déportation comme une évidence. Ces sont de tels esclaves qui inaugureront le marronnage dans les plantations.

A part les révoltes qu’ils doivent réprimer et les intempéries toujours imprévisibles qui peuvent mettre en péril l’équipage, corps et biens, le problème le plus crucial auquel sont confrontés les trafiquants est l’approvisionnement en eau, laquelle servira à l’hygiène de base, à la cuisine et à l’apaisement de la soif. Toute pénurie peut compromettre la réussite de l’entreprise. Il faut prévoir une barrique par homme, et l’effectif moyen de la cargaison est généralement supérieur à 300 individus. Pendant le voyage, certains bateaux peuvent être immobilisés pendant des

semaines faute de vent favorable. Or le temps est un facteur important dans la réussite de la traversée. Certains équipages mettent au moins cinq semaines pour parcourir le trajet qui les conduit d’Afrique en Amérique. Cependant, certains voyages ont duré neuf mois, la durée moyenne étant de deux et trois mois.

Pour ce qui est de la vie quotidienne, pendant la traversée, on peut dire qu’elle est rythmée par les mêmes gestes, au point de sombrer dans la monotonie, sauf lorsqu’une épidémie s’attaque surtout aux déportés. On a eu à déplorer des cas de scorbut, d’eczéma, et de filariose.

D’une manière générale, les captifs ont droit au même menu : une écuelle de gruau servie à 9 heures et à 16 heures, et dont le cambusier tente de tromper la fadeur en le relevant d’huile et de piment. Comme tout "loisir culturel", la monotonie est souvent ponctuée, dans les équipages plus évolués par des séances de chants et de danses.

Cette activité est confiée à « un bombe » « ce dernier se charge de maintenir l’ordre parmi les captifs, de les faire danser et chanter » (Gaston Martin, 1948, p. 66)

Ainsi, se déroulera la période de transition et de sevrage qui conduira le captif vers son nouveau destin dans les plantations coloniales. Du caractère parfois temporaire de leur servilité, ils seront soumis à un esclavage permanent, sans perspective immédiate d’en sortir.