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L’ENTREPRISE COLONIALE

1.4. Traite – Esclavage

1.4.1. LA TRAITE – TENTATIVE DE DEFINITION

1.4.1.3. ACQUISITION DES NOIRS

Deux théories s’affrontent en ce qui concerne le mode d’acquisition des Noirs destinés à la traite. D’une manière générale, les deux semblent avérées. Selon la première théorie, dans les premiers temps, les européens auraient commencé par des razzias. Des lanciers, qui étaient des mercenaires ou encore des esclaves formés pour capturer et emporter d’autres esclaves auraient été utilisés comme agents des enlèvements. Des hommes, des femmes, des enfants auraient été enlevés indifféremment, au mépris de tout respect dû à la personne humaine, et conduits de force en captivité. Selon cette théorie, des souverains africains se seraient opposés à cette pratique et l’auraient combattue avec la plus grande vigueur. C’est ainsi que Nzinga Nkuwu, roi du Kongo, qui, réagissant à l'enlèvement de jeunes de son royaume, aurait arrêté des missionnaires européens pour servir de monnaie d'échange.

Selon la seconde théorie, des rois africains auraient vendu ou leurs sujets ou des prisonniers de guerre emmenés en captivité comme prises de guerre. Rien n’est plus vraisemblable que la véracité de cette coutume. Quand on sait que les prises de guerre ont été usage courant en Grèce et ensuite à Rome, quand on sait que les pédagogues qui ont remplacé les précepteurs furent avant tout des esclaves et qu’ils ont souvent été des prises de guerre, on ne s’étonne pas qu’il en soit ainsi en Afrique.

Dans toutes les civilisations, d’une manière générale, des prises de guerre ont été trafiquées. Pour corroborer cette théorie, Gaston Martin (Gaston Martin, 1948, p. 68) déclare que « Quand les nègres sont achetés aux potentats noirs des côtes africaines, tous sont censés être des prisonniers de guerre, vendus par leurs capteurs, qui disposent ainsi d’une propriété de fait, dont le fondement est le droit du vainqueur….

plaire, et qui appartenaient auparavant à sa domesticité ou à sa simple vassalité. Il y a en plus ceux qui ont été enlevés sans autre forme de procès, simplement pour compléter une cargaison ou par appât d’un gain supplémentaire. Ils ont été saisis de vive force, parfois par surprise « poignés » selon l’expression habituelle, par un procédé analogue à celui qu’employait en Europe aussi le recrutement par rapt, nommé presse. Les négociants européens ne manquent pas d’affirmer que leur sort est tout de même plus satisfaisant qu’il ne l’aurait été sans cela : n’étaient-ils pas destinés à finir mangés ou égorgés en cérémonie ? »

Cependant, sans vouloir infirmer cet usage, une voie médiane voudrait tempérer l’ardeur des tenants de la deuxième théorie en faisant valoir que les Européens auraient entrepris des relations "diplomatiques" avec les royaumes africains pour les infiltrer et chercher le moyen de les affaiblir. Plus tard, lorsqu'une certaine confiance serait établie, les Européens se seraient ingérés dans la vie africaine et auraient armé ou formé parfois ceux qui pouvaient leur servir de complices. En effet, toujours dans le cas du Kongo, Mvemba a Nzinga succéda à son père grâce à un coup d'état orchestré par les Portugais, au cours duquel ces derniers tuèrent son frère, successeur légitime au trône. Mvemba a Nzinga, qui avait été influencé dès l'enfance par des prêtres portugais, s'avérait le successeur le plus malléable. À partir de son règne, le royaume subit de nombreux troubles ainsi que des divisions et fut ensuite, une fois affaibli, acquis comme protectorat portugais. Ce sont, en effet, les Portugais, puis les Espagnols, les Hollandais, les Anglais puis les Belges, qui désignaient et intronisaient les rois, au mépris de la tradition Kongo qui se voulait une monarchie parlementaire. Une fois ces roitelets intronisés, les Européens, notamment les Français, se seraient rendus maîtres de la place en érigeant des forts sur toute la côte africaine dès le XVe pour protéger les négriers des tentatives africaines de combattre leur système.

En effet, les armes, en particulier, avaient une valeur très importante pour les roitelets, car grâce à elles, ils pouvaient tenir en respect leurs voisins et éventuellement conquérir de nouveaux territoires. En ce qui concerne les rois légitimes africains, pour certains il devint impératif de se procurer de quoi se défendre de la traite qui était bien entendu une menace pour leur pouvoir, comme en témoignent les lettres de protestations de Nzinga a Mvemba au roi portugais. Ces armes, en fait, auraient servi aux négriers et aux gouvernements occidentaux qui les avaient créées à faire pression sur les royaumes africains. Car ceux qui refusaient le commerce avec les "blancs", n'avaient pas d'armes, alors que les roitelets voisins, moins scrupuleux pouvaient en avoir et les envahir et les réduire eux-mêmes en esclavage. C'est ainsi que plusieurs royaumes ont été contraints de réaliser ce commerce, par la force des choses. C'est ainsi que l'on doit comprendre la naissance même des royaumes du "Bénin" actuel.

Tout laisse supposer, en admettant que les souverains africains aient vendu leurs prises de guerre, qu’ils ne savaient pas le sort et le traitement qui leur étaient réservés. Toutefois, un point reste à éclaircir, celui de savoir si la traite a commencé par le trafic des prises de guerre ou par les enlèvements. Quoiqu’il en soit, les razzias n’ont pas cessé avec la vente des prises de guerre. Selon Gaston Martin (Gaston Martin, 1948, p. 58), « Les traitants n’ont pas hésité à pratiquer la « presse » et à

« poigner » des nègres libres pour compléter leur cargaison. Leur mépris inné du nègre s’est traduit trop souvent par des brutalités et des sévices. Il ne convient pas cependant de transformer ces accidents en une sorte de règle générale. La norme reste celle de rapports commerciaux, simplifiés, mais corrects. »