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Transport en commun de N’Djamena : prototype

PARTIE II. SYSTEME DE TRANSPORT ET PLANIFICATION A N’DJAMENA : POTENTIALITES ET DYSFONCTIONNEMENTS N’DJAMENA : POTENTIALITES ET DYSFONCTIONNEMENTS

CHAPITRE 3. L’OFFRE DU TRANSPORT PUBLIC AU SEIN DE LA VILLE DE N’DJAMENA DE N’DJAMENA

3.2. Etat des lieux du secteur des transports urbains de la ville de N’Djamena N’Djamena

3.2.2. Transport en commun de N’Djamena : prototype

Depuis près de 40 ans, le système de transport en commun de la capitale tchadienne appartient à des particuliers et est géré par ces derniers en collaboration avec les différents syndicats de la ville. Mais la ville arrive à se débrouiller tant bien que mal avec les vieux minibus et taxis urbains (PRPATU, 2010), selon un système de gestion spécifique et avec un parc automobile de mauvaise qualité (PRPATU, 2010 ; Mahamat, 2013 ; Madjirebaye, 2014). La spécificité réside sur l’ingéniosité de la gestion assurée par les syndicats, même si les véhicules appartiennent à des particuliers. Certains, propriétaires sont aussi chauffeurs en même temps.

La mairie de la ville de N’Djamena, vient de se doter d’un nouveau service de transport urbain en 2014 (voir les organigrammes de la mairie en annexe 4). Un service mis en place suite aux recommandations du premier document de planification sur le secteur des transports de la ville de N’Djamena (PCT qui date de 2012). Aujourd’hui, la mairie dispose

d’un document de réglementation du trafic urbain au niveau de la ville suite à l’arrêté n°095/M/SG/2014 portant réglementation du trafic urbain.

Pourtant, dans certaines villes d’Afrique, comme Brazzaville, Nouakchott, Nairobi… (Guy-Obain, 2011 ; Diagana, 2010) l’on trouve des sociétés publiques ou privées en charge du transport en commun. Même dans le secteur dit informel comme à Nairobi (Morleo, 2014)219, il y a toujours des entreprises en charge du secteur du transport public. Mais au niveau de la ville de N’Djamena, ce sont les minibus que la population locale appelle « cars » qui assurent au quotidien les déplacements. Ces minibus sont en quelque sorte les catalyseurs de l’extension urbaine (Dobingar, 1998 ; Mahamat-Hemchi, 2014), car souvent ils partent au-delà des terminus connus par les syndicats et les autorités pour la recherche de clients, ce qui a fait que dans les années 1990, les terminus des minibus étaient majoritairement limités à la première voie de contournement. À l’observation, la qualité médiocre du système de transport urbain de la ville N’Djamena (selon l’enquête ménage) explique très bien l’absence de solution adéquate. Le parc de transport urbain compte selon la mairie environ 1000 taxis et 3000 minibus (Salah Idjemi et Laurent, 2013). Même si l’étude du projet de renouvellement du parc automobile de transport urbain de N’Djamena de 2010 donne un effectif de 1 780 voitures (minibus et taxis). La discordance dans les effectifs énoncés par les différents acteurs, montre très bien l’absence de concertation et de partage des données (Salah Idjemi et Laurent, 2013 ; Ngarassem, 2013). Le problème de toutes ses données où sources de données réside sur leurs fiabilités, car elles toutes des estimations et parfois des projections appuyées sur des estimations. Aucune étude détaillée n’a été menée sur le secteur des transports au sein de la ville de N’Djamena. D’ailleurs, les syndicats n’ont pas des registres fiables pour répertorier tous leurs membres et pareils pour l’administration.

Sans oublier le nombre indéterminé de motos et surtout de mototaxis au sein de la ville. Le système de fonctionnement des transports publics gérés par les syndicats donne des logiques de gestion très complexes vues de l’extérieur, mais très bien hiérarchisées. Les responsabilités sont bien réparties entre les commis qui gèrent sur les différentes stations à travers la ville et les syndicats depuis leurs bureaux.

219 http://www.urbanews.fr/2014/02/27/40447-quand-les-reseaux-de-transport-informels-de-nairobi-sont-cartographies/

Par ailleurs, les mototaxis ont leur propre raison d’être et leur gestion demeure très complexe, il fut un temps où c’était le syndicat national des mototaxis (SNMT), puis la relève a été prise par le syndicat national des transports hayine (SNTH) et enfin par différents syndicats à travers chaque commune d’arrondissement lorsque les différents maires ont pris fonction dans les dix communes d’arrondissement de la ville (Mahamat-Hemchi, 2015).

Ces différentes entités (syndicats), fonctionnent dans la légalité selon des principes bien connus par les autorités et acceptées, par nécessité, par la population. D’abord, la particularité de ce secteur est que l’Etat n’a pas su le prendre en main depuis les premiers rapports sur la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté qui a soulevé la problématique des transports urbains en 1999. Le projet d’étude sur le renouvellement du parc urbain de la ville de N’Djamena en date de 2010 et enfin aujourd’hui le PCT de la ville qui date de 2012, témoignent de l’urgence et de la nécessité de mettre en place une stratégie de gestion des transports urbains au niveau de la capitale tchadienne.

La stratégie actuelle développée par les différents syndicats est une réussite (voir chapitre 6), si l’on jette un regard rétrospectif sur la responsabilité de l’Etat dans ce secteur au niveau de N’Djamena. Le système imposé par les syndicats fonctionne à merveille, même si il n’y a pas un transport de qualité, ni même une entreprise de transport public ou une politique de gestion efficace du secteur. Mais, il existe tout de même des minibus et des taxis urbains qui assurent au quotidien le déplacement de la population à travers les différents quartiers de la ville vers le centre-ville qui regorge la plupart des équipements socio-collectifs. Le fonctionnement a été toujours assimilé à la débrouille dans un désordre quotidien géré par les syndicats, assumé par l’Etat et vécu au quotidien par la population. La conscience du désordre se situe sur la ligne du temps entre l’oubli des conditions antérieures et l’ignorance des états à venir par tous les acteurs de la ville et en particulier par l’Etat. Dans cette situation incertaine, la population, les syndicats et l’Etat parviennent difficilement à définir et à fixer leur choix et à orienter leurs conduites (Balandier, 1988). Le fonctionnement actuel de transport en commun qui se gère de manière artisanale, à travers la ville, a l’air d’un désordre, mais il s’agit d’un désordre de façade qui s’appuie en réalité sur une gestion pensée et maîtrisée par les syndicats, qui a le mérite d’être mise en valeur par les autorités.

Car, à travers les différentes stations de minibus et taxis, il y a des règles et conditions à accomplir quotidiennement et d’autres hebdomadaires. Au niveau des stations, les sorties des minibus et taxis obéissent à des règles établies par les syndicats, comme l’obligation

d’attendre son tour avant de charger sa voiture. En cas d’infraction, le chauffeur doit payer une amende de 3 000 FCFA qui est imposée par les différents syndicats et acceptée par les propriétaires des voitures. En cas de refus de payer l’amende, le syndicat appellera la police, cette fois-ci l’amende remontera à 6 000 FCFA, ce qui fait que la moitié de cette somme est allouée à la police. Cette logique est suivie à la lettre par la plupart des chauffeurs au niveau des grandes stations qui sont à côté des grands marchés de la ville où il faut payer des taxes journalières pour le syndicat et aussi un forfait de 100 FCFA sur chaque minibus qui sort de la station. Une somme qui servira d’abord à payer le personnel du commis de la station et aussi la cotisation mensuelle de la station à l’égard du syndicat.

Par ailleurs, il y a toujours des personnes qui vont enfreindre la loi, peu importe la sanction et la rigueur de la surveillance. Pour ceux-là, que tout le monde appelle communément mpelté, qui désigne ceux qui ne suivent pas les tours au niveau des stations, ils font juste des va et vient sur les différentes lignes de minibus et taxis, pour ramasser des clients et les déposer tout au long de leurs trajets. Mais ceux-là aussi ont leurs logiques de fonctionnement, au lieu de payer le commis mis en place par le syndicat, ils ont leurs propres rabatteurs et qui collecte une certaine somme sur chaque voiture. Souvent, les endroits connus comme mpelté sont à une distance de 500m minimum des stations connues et gérées par les syndicats. Ainsi, le système en place est une réussite pour une ville dont la population croît annuellement de plus 5% et où la demande de transports urbains évolue de plus 6,6% par an. Tant bien que mal, la population arrive à se déplacer.

3.2.2.1. Différence entre les cars de N’Djamena et les matatus de Nairobi

Même si la ville de N’Djamena n’a jamais eu de transport public de qualité, cela n’empêche pas de voir les différents minibus et taxis circulés à travers la ville depuis des décennies et, ces derniers temps, avec la prolifération des mototaxis, la situation se complique davantage.

La comparaison n’est pas une raison, mais nous essayons de faire la part des choses entre la ville de N’Djamena et celle de Nairobi (Kenya). L’aspect comparatif du secteur des transports en commun à Nairobi réside sur les Matatus qui sont aussi des minibus de transport informel de la capitale kenyane.

Au niveau de la ville de Nairobi220

- A Nairobi, il y a une logique de fonctionnement des matatus fondée sur la numérotation des matatus221 à travers les différentes lignes connues de la ville ; - La cadence des matatus est bien assurée avec des arrêts précis et connus de tous au

niveau de la ville ;

- Les matatus appartiennent à des entreprises et sont gérés par ses différentes entreprises ;

- Il existe aussi le bus formel de transport public au sein de la ville qui assure les différentes liaisons quotidiennement ;

- La ville de Nairobi contient des bidonvilles et compte plus de 3 000 000 d’habitants.

Au niveau de la ville de N’Djamena

- Absence d’entreprise publique ou privée pour le transport en commun au niveau de la ville ;

- Les minibus ou cars appartiennent à des particuliers et sont gérés par des syndicats et parfois par les chauffeurs ;

- Absence de bus formel au sein de la ville et la pratique actuelle est considéré comme formelle, pour notre part, nous la considérons comme une pratique artisanale ; - Les différentes lignes des minibus ne sont pas numérotées à travers la ville ;

- Absence de cadence ou d’arrêts de minibus, même si les lignes sont bien connues de tout le monde. Il suffit de dire stop, afin de pouvoir descendre quand on est arrivé à destination, si l’on veut descendre avant le terminus ;

- La ville de N’Djamena compte plus de 1 207 000 personnes en 2013, sur une surface de plus de 20 000ha.

N’Djamena et Nairobi sont deux mondes différents sur plusieurs plans : socioculturels, économique et politique. Mais cela n’empêche pas de voir les différents circuits de fonctionnement des transports en commun : les cars à N’Djamena et les matatus à Nairobi. Des circuits, presque les mêmes, qui s’effectuent dans la débrouille et du désordre absolu sur fond d’une logique assurée par les syndicats au niveau de N’Djamena et les entreprises

220 Les données sur la ville de Nairobi sont issues de Mc cormick Dorothy et al., 2012 et de Migwi Wanjohi, 2011 (voir bibliographie).

privés en charge du transport collectif au niveau de Nairobi. Il suffit de s’approcher et se familiariser pour pouvoir déceler la particularité et les réussites du système actuel des transports en commun de la ville de N’Djamena à la différence des autres villes d’Afrique. Au lieu de jouer aux abonnés absents, les autorités doivent saisir cette opportunité afin de prendre en compte et mettre en place une flotte de taxis et minibus de qualité et d’assurer l’encadrement de ces derniers par l’intermédiaire des différents syndicats, vu leurs expériences et leur méthode de gestion qui s’adapte au contexte socioculturel de la ville. « On pourrait penser que ce scénario ressemble à une sorte de chaos maîtrisé, mais en réalité le réseau marche bien, et c’est d’ailleurs à travers ce modèle que l’on se déplace majoritairement dans le monde » disait Bruno Morleo (2014) lorsqu’il met en valeur les vertus du transport informel de Nairobi (Matatus).

D’ailleurs, la confiance n’exclut pas le contrôle, l’Etat doit assurer un contrôle de qualité sur tous les plans et un accompagnement du secteur afin de pouvoir donner à la population un système de transport public adéquat et à l’image de la politique actuelle : N’Djamena vitrine de l’Afrique.

Tableau n° 4. Les données de comparaison entre N’Djamena et Nairobi

N’Djamena (Tchad) Nairobi (Kenya)222

Population 1 207 000en 2013 3 138 295 habitants en 2009 Surface 200 km2 696 km2

Densité 6035 habitants/ km2 4515habitants/ km2

Appellation Cars (minibus) Matatus (minibus)

Autorités de gestion Syndicats SACCO (Matatu Owners Association) association des propriétaires des Matatus Nombre de ligne 18 lignes 130 lignes différentes

Source : Migwi, 2011 et Mccormick et al., 2012 ; RGPH2, 2009.