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Rôle de la mobilité dans la production urbaine

PARTIE I. MOBILITES URBAINES : FACTEURS DE DEVELOPPEMENT ET ELEMENT STRUCTURANT ELEMENT STRUCTURANT

CHAPITRE 2. MOBILITES : FACTEURS DE PRODUCTION ET D’ORGANISATION DE LA VILLE

2.1. La production urbaine et ses déterminants

2.1.2. Rôle de la mobilité dans la production urbaine

A l’origine, toutes les villes sont implantées à des endroits stratégiques, leur sort était dicté par les contextes de l’époque : pour certaines, elles sont à l’origine des points modaux de la circulation, pour d’autres, comme les villes côtières, elles sont aussi fonction de

108 Un terme utilisé par Mohammed Habib Begdouri, Architecte- Urbaniste marocain. Du Cabinet Begdouri d’études urbaines et d’architectures.

l’accessibilité par la voie maritime, les villes minières traversées par des lignes ferroviaires et les villes qui se sont créées à travers les axes de caravanes depuis des millénaires.

« Le principe de la ville est de faciliter les échanges en nombre et qualité ; la mobilité, l’accessibilité sont donc essentielles à la qualité de la vie urbaine » disait Marc Wiel (2004).

Aujourd’hui, la problématique qui lie les villes du Nord à celles des pays en développement réside dans la politique de gestion. Françoise Dureau et Jean-Pierre Levy débattaient sur l’idée de la construction d’une problématique commune sur la question des villes et mobilités entre Nord et Sud. Ils ont souligné que la problématique dans le milieu de la recherche pour faire une comparaison demeure très complexe, mais cette complexification peut s’orienter selon deux axes. D’un côté, la plupart des travaux sur la ville concernent aujourd’hui des processus particuliers liés à des questions sociales au détriment d’une approche particulière des questions de mobilités urbaines. D’un autre côté, la généralisation de la précarité dans les sociétés urbaines des pays en développement a éloigné une bonne partie de la communauté scientifique traitant de la ville pour centrer leurs travaux sur la pauvreté. D’ailleurs, « Le principe de la ville est de faciliter les échanges en nombre et qualité ». Mais de quelle qualité de vie urbaine parle-t-on ici ? Sachant que la mobilité est aussi fonction du revenu des ménages concernés (Orfeuil, 2008 ; Fol, 2009). Avec cette masse de population venant de l’arrière-pays à la recherche du bonheur dans les grands centres urbains. La multiplicité des problèmes sociaux entre la comparaison et les différents travaux de recherche. Et la complexité de cerner la problématique urbaine des pays en développement pousse les chercheurs à s’intéresser aux questions sociales comme la lutte contre la pauvreté et l’inégalité sociale en laissant au second plan l’importance que les mobilités ont sur la dynamique urbaine, la mixité entre les classes ou catégories sociales.

Face à tous ces problèmes, Françoise Dureau et Jean-Pierre Levy sont arrivés à un éclaircissement de la problématique en concluant qu’au Sud « la crise urbaine » est un concept vivant, la ville étant toujours restée une dimension importante des travaux en sciences sociales. Mais au Nord, le phénomène d’inégalités sociales, du moins la fracture sociale, n’est pas au même degré d’inégalités qui se vit le plus souvent dans les pays en développement.

Dans les pays en développement, la pauvreté touche presque tous les secteurs urbains. A cela s’ajoute, une autre spécificité des villes africaines qui est celle de ne pas être au même degré d’évolution technique que celles des autres pays en développement d’Asie ou d’Amérique Latine où l’usage de l’automobile impose ses empreintes ces dernières décennies.

Toutefois, relier l’étalement urbain, qui est un phénomène spatial, à la croissance de la population et de l’habitat aux problématiques des déplacements dans les milieux urbains demeure un « couple-infernal ». L’étalement urbain est un processus stimulé par des facteurs sociaux qui sont difficilement cernables, intimement liés et qui génère d’autres processus. En effet, on peut dire qu’il y a un étalement urbain parce qu’il y a possibilité d’accès au foncier et possibilité de déplacements. Alors, de quels déplacements parle-t-on ?

L’étalement urbain : un déterminant de la mobilité

Le processus d’étalement urbain n’est pas un phénomène nouveau, mais le problème est que ce processus prend de l’ampleur dans les pays du Sud sous d’autres aspects avec absence de transition entre les classes sociales (SITRASS, 2004). Cet étalement s’effectue à un rythme non contrôlé et est souvent drainé par une catégorie sociale en manque de stabilité pivotant entre la pauvreté et la précarité (Plan bleu : Istanbul 2008, Tanger 2009). En Afrique sub-saharienne « l’étalement urbain, est équivalent à la périurbanisation ». Cette acceptation de la définition de l’étalement urbain ne fait pas d’unanimité dans le milieu de la recherche. Certains auteurs contestent la périurbanisation parce que cette dernière classe les ménages des espaces « périurbain » comme des urbains de deuxième zone, ce qui n’est d’ailleurs pas faux dans certaines situations. Pour certains, le fait d’utiliser ce mot fait allusion à un jugement de valeur. Mais dans l’acceptation de ce concept, il faut bien interroger les paramètres qui la définissent par rapport au territoire, ce qui fait qu’au fond, il y a une grande différence entre rurbanisation qui se définit comme phénomène de périurbanisation et extension urbaine. Donc, c’est une question de délimitation urbaine qui se pose ; car la question de la limite renvoie à des réalités liées à la politique locale de chaque territoire. Souvent ces limites urbaines sont fonction de la population et des équipements urbains. Il est difficile de mesurer ce phénomène drainé par une réalité sociale difficilement cernable, car l’étalement urbain, lui-même, met en cause les limites exactes de la ville, ainsi que la nature de la ville, selon les auteurs.

Pour caractériser l’étalement urbain, il faut aussitôt savoir la limite exacte de la ville, mais cette limite est inconnue dans la plupart des pays en développement. La notion de limite fait appel à la définition de la ville ; or la définition de la ville dépend d’un pays à un autre.

Dans les pays du Nord, à l’exemple de la France, l’étalement urbain se caractérise par des personnes qui sont amenées à s’éloigner de l’agglomération tout en restant à la portée de leur revenu face aux coûts de déplacement vers le centre de l’agglomération. En effet, cet éloignement est motivé par l’accès à un prix raisonnable du foncier et d’autres équipements. Donc, tout est question du prix, mais sur la base du revenu des ménages, le plus souvent ce sont les classes moyennes composées de jeunes mariés et de personnes à la retraite qui espèrent avoir une tranquillité dans les zones périphériques des grandes agglomérations. Au Nord le processus d’étalement urbain est donc grandement conditionné par le choix des personnes concernées, même si ce n’est pas toujours le cas comme le montre l’exemple de la problématique des cités109.

Par contre, dans les pays du Sud le processus d’étalement urbain est drainé par une population à revenu presque nul. Cette classe sociale se retrouve contrainte de vivre dans la périphérie, donc c’est un processus subit et non un choix. Cette contrainte de positionnement est marqué par la pauvreté des personnes concernées souvent victimes de l’exode rural.

Au final, le problème reste sur une même base économique au Nord comme au Sud. Comme le disait Marc Wiel (2005), « si les ménages sont plus nombreux à préférer s’installer loin des agglomérations, c’est parce qu’ils n’ont pas trouvé un habitat dont les caractéristiques (prix, confort, taille, équipements, voisinage) étaient équivalentes plus près de leur lieu de travail » et, dans cet objectif de rationalité, les ménages ne cherchent pas à minimiser leurs déplacements, mais à les optimiser… Dans cette logique du processus d’extension urbaine, la problématique prend une autre tournure lorsque la question devient beaucoup plus économique que sociale. Face à l’économie du marché où il y a un « désengagement progressif de l’Etat »110, l’on se rend compte de l’importance sociale de la vie urbaine en

109 Dans les banlieues de certaines grandes agglomérations comme Marseille, Toulouse…

110 David Mangin, 2004. Le « désengagement progressif de l’Etat » au travers d’une chronologie qui commence dans les années 50 avec la suprématie de l’automobile, les années 60 avec les grands travaux d’infrastructures de transport (apparition des péages), les années 70 avec l’apparition de l’urbanisme commercial, puis les

misant sur la mixité urbaine de la « ville passante »111 à la ville durable. Par ailleurs, suite aux externalités négatives générées par les technologies (pollution, accidents…), l’ère de la « ville passante » qui était le lieu de la productivité des flux naturels d’économie et des personnes basées sur une dynamique urbaine liée à la route est en train de s’achever. Dans cette situation, les enjeux du territoire deviennent de plus en plus nombreux et complexifié par la mise en rapport avec les mobilités. Pourtant, lorsque Marc Wiel parle du rôle de l’Etat dans ses travaux sur l’étalement urbain, il identifie cinq domaines dans lesquels l’Etat est censé intervenir pour assurer une dynamique à l’étalement urbain, d’abord la planification urbaine, puis le logement, ensuite le commerce, après les transports et enfin l’environnement. Ces cinq domaines (voir schéma 7) dans lesquels l’Etat est censé intervenir en priorité pour assurer une dynamique urbaine qui répond aux attentes de la population s’expliquent de la manière suivante :

1. Avant tout, la planification urbaine. Elle est fonction de la politique et de la volonté des acteurs en charge de la gestion urbaine. C’est à travers la planification que les réseaux112 verront le jour. Elle donne les bases de la stratégie d’extension urbaine assurée par les différents acteurs du territoire. En l’absence de maîtrise du processus de planification urbaine, la gestion d’un territoire donné ne sera pas assurée.

2. La politique de l’habitat assure et canalise les logements. Car il faut toujours assurer un habitat de qualité à la population autochtone (résidente) et aussi au flux migratoire attiré par la ville. Ce domaine répond à la stratégie mise en place par la planification urbaine, même si la politique du logement est conditionnée par la disponibilité du foncier.

3. Le commerce va de pair avec la planification urbaine, le commerce est générateur de richesse, il est l’une des fonctions de base que toute ville doit assurer.

4. Le transport : le domaine du transport (y compris les infrastructures) demeure le nœud des trois précédents. Ainsi, les transports font la ville, assurent les déplacements des biens et personnes à travers les différentes fonctions d’une ville.

années 80 avec le développement de la maison individuelle facteur d’un urbanisme en « lotissement ». Mangin D., 2004, La ville franchisée : formes et structures de la ville contemporaine, Editions de La Villette, Paris. 111 David Mangin, 2006. Dans vies collectives : pour une ville passante et métisse.

Les transports assurent l’accessibilité des modes d’habitations (logements) et la mise en valeur du commerce (secteur économique).

5. L’environnement, s’est imposé par la multiplicité des problèmes engendrés par les autres domaines d’intervention de l’Etat : suite aux planifications mises en cause113, l’habitation qui occupe les terres agricoles ou ne répondant pas aux normes exigées, le commerce avec ses déséquilibres territoriaux et la pollution qu’elle engendre, les transports qui génèrent aussi de la pollution et d’autres problèmes comme les accidents, les congestions, les bruits. Enfin, le domaine de l’environnement assure la protection, la conservation et la mise en valeur de toutes les ressources tarissables afin de pouvoir réduire les effets négatifs des aménagements dans le souci d’assurer un avenir meilleur aux générations futures.

Schéma n° 7. Les cinq domaines dans lesquels l’Etat est censé intervenir pour assurer un étalement urbain maitrisé :

Réalisation : Hassane Mahamat-Hemchi