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Le couple forme et mobilité : à quand le divorce ?

PARTIE I. MOBILITES URBAINES : FACTEURS DE DEVELOPPEMENT ET ELEMENT STRUCTURANT ELEMENT STRUCTURANT

CHAPITRE 2. MOBILITES : FACTEURS DE PRODUCTION ET D’ORGANISATION DE LA VILLE

2.1. La production urbaine et ses déterminants

2.1.4. Le couple forme et mobilité : à quand le divorce ?

La structure urbaine est le squelette de la ville, mais quelle structure donne-t-on aux villes des pays en développement? Quelle est la place de la structure dans le quotidien des transports urbain des pays du Sud ? Telles sont les questions qui seront élucidées tout au long de ce paragraphe sur le lien entre la forme urbaine et le transport urbain dans les pays en développement.

« L’ambiguïté (ou plus exactement la polysémie, la pluralité des significations) de ce terme, la “forme”. Elle ne cède en rien à la polysémie des termes “fonctions”, “structure”. Toutefois on ne peut en rester là et accepter cette situation. La pluralité et la confusion des sens servent l’absence de pensée et la pauvreté qui se prend pour richesse. » Disait Henri Lefebvre (1974 : 91). Pour élucider la signification du terme « forme », l’on va donc se trouver renvoyé à une théorie très générale, très abstraite, la théorie des formes. Cette dernière fait appel à des logiques et structures mathématiques. C’est ainsi que la forme

118 La macrocéphalie urbaine. C’est la configuration actuelle que représente la ville de N’Djamena. D’où,

l’armature urbaine du pays est dominée par la capitale tchadienne concentrant population, activités et

fonctions au point de freiner voire empêcher l'affirmation des autres villes du pays. 119 La plupart des pays francophones élaborent des textes sur des références françaises.

urbaine sous l’angle du mental « ce sont des éléments, des perceptions, des éléments d’un ensemble dans le réel » (Lefebvre, 1974 : 96). Tandis que sous l’aspect social, la forme urbaine est « la rencontre et le rassemblement de ce qui existe aux alentours dans l’environnement et par conséquent la société urbaine comme lieu socialement privilégié, comme sens des activités, comme rencontre de l’œuvre et du produit » (Lefebvre, 1974 : 97).

La plupart des villes africaines datent de l’époque des indépendances (Vivien, 2006). Lors des années soixante (15 états indépendants en 1960), la majorité de ces villes répondaient aux principes contemporains des villes hiérarchisées ; rappelant ainsi certain auteur comme, Le Corbusier, qui insistait sur la stabilité et la cohérence de l’ordre social en milieu urbain. En effet, la lecture macroscopique d’origine donne un certain schéma structurel des plans urbains qui ont été testés de par le monde, ce qui donne une certaine lisibilité à la structure urbaine des vieux centres. Ces noyaux répondent à ce que disait Denise Pumain (2006) « donner forme à la ville, c'est lui imprimer une certaine composition, un jeu des vides et des pleins dans l'espace construit, c'est aussi créer des représentations qui en rendent compte ou qui idéalisent la forme ». Mais alors, de quelle forme parle-t-on ? Aujourd’hui, il est possible d’avoir des formes indescriptibles pour la plupart des périphéries urbaines des pays en développement. Aujourd’hui, l’arrivé des concepts comme ville fractale (Frankhauser, 2002 ; Frankhauser et alii, 2007) complique l’analyse et l’interprétation de la ville africaine. La structure urbaine est le résultat de différentes crises qu’ont connues ces pays ; des crises qui persistent jusqu’à présent dans certains pays d’Afrique120 avec des conditions d’instabilité politique interne. La notion de qualité de vie a été reléguée au second plan dans la plupart des politiques publiques. Pourtant, des villes d’Afrique du Nord comme Rabat, Fès, Alger… qui datent de plusieurs siècles sont construites à l’origine sous forme des médinas121, ksour122. C’est à travers des années d’extension que la ville moderne a pris le dessus sur le noyau existant. Ce processus d’évolution urbaine a donné des formes tantôt lisibles et des

120 Des problèmes de logements, d’infrastructures et d’équipements.

121 Medina ou de l’arabe « al Madîna, la ville ce terme a été adopté par les sociétés occidentales pour désigner les villes arabes anciennes et la spécificité de leur structure spatiale » selon le dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement de Pierre Merlin et Françoise Choay, 2000 ; 3e édition.

122 Ksour est le pluriel de ksar. Le ksar désigne un ensemble de maisons entassées accolées les unes aux autres pour former un habitat compact entouré d’un mur d’enceinte et jalonné de tours de guet [H. A. El Haj, Janvier-Février 2006].

fois problématiques123. Mais le problème demeure à différentes échelles sur le même continent entre l’Afrique du Nord et le Sud du Sahara. Actuellement, ces médinas et ksour sont des patrimoines culturels de ces pays respectifs. Tandis qu’au Sud du Sahara la plupart des villes datent de la période de la colonisation (Vivien, 2006). Ce qui fait que les centres urbains obéissent à des principes fonctionnels et à une armature urbaine lisible. Mais la nouvelle partie urbaine demeure aux images des anciennes médinas, mais beaucoup plus problématiques ; englobant tous les problèmes sociaux de la ville contemporaine comme la criminalité, l’insécurité, la pauvreté, la précarité, etc. Cette situation a poussé les chercheurs à donner de nouveaux noms tout au long de l’évolution du processus urbain du tissu qui s’accroche à la ville existante, des noms qui diffèrent d’un pays à un autre, bidonville, taudis, informel, habitat non-règlementaire… ce qui donne naissance à deux catégories de l’urbain ou deux catégories « de découpage » de l’espace : à savoir celle du tout ; ville, agglomération… et celle de la partie : zone, quartier… (Ratouis, 2003).

Ce processus a été accentué par les différentes crises des années 1980.La plupart des pays ont subi des crises de sécheresse et des conflits sociopolitiques. Suite à ces événements les villes ont commencé à accueillir des migrants ruraux vers ces centres urbains déjà en difficulté de gestion (SITRASS, 2004 ; Diaz Olvera, Plat et Pochet, 2005).Ce qui a entraîné une gestion hasardeuse du foncier urbain par les autorités publiques et les chefs traditionnels. Alors, pour ces Etats jeunes, la gestion du foncier a été mise au second plan par les acteurs de la gestion urbaine, ce qui est en partie à l’origine de l’extension anarchique des périphéries urbaines (Dobingar, Marty, et Appollinaire, 1994 ; Dobingar, 1998 ; 1999 et Ngaressem, 1998). Dans ces Etats, les autorités sont contraintes de répondre à l’urgent en matière d’équipements socio-collectifs comme la construction des écoles, centres de santé, etc. Ainsi le volet des déplacements urbains ne faisait pas partie des préoccupations sociales de l’époque, ce qui a entraîné sans doute aujourd’hui un vide dans ce secteur. Ces faubourgs qui se sont créés aux côtés des anciens centres urbains avec autant de défauts que de qualités, avec un manque accru d’équipements de base dû à la croissance de la population, ont forgés leurs propres systèmes de déplacement aux moyens et à l’image des lieux.

Ce qui pose maintenant, le problème de déplacement avec acuité. Pourtant dans les années 1980, le nombre de migrants était négligeable, le problème de transport ne se posait pas.

Par contre, aujourd’hui, face à l’étalement urbain, la notion de limite urbaine reste une problématique à résoudre. Les aménageurs ont proposé diverses solutions urbanistiques à travers plusieurs outils comme restructuration, réhabilitation, déguerpissement… de la ville compacte à la ville étalée, de la ville mono-centrique à la ville polycentrique, pour répondre à cette situation de territoires qui manquent de lisibilité. Pourtant, la restructuration ne change rien sur le fond des problèmes sociaux124 ; si ce n’est que de créer l’accessibilité pour le transport des ordures ménagères et aux voiries réseaux divers (VRD). Donc, une logique de hiérarchisation des voies qui s’impose ; cette logique n’a rien à voir avec les revenus de la classe sociale de ces milieux. Même si aujourd’hui ces actions ponctuelles assurent le déplacement de la population et donnent un nouveau souffle à la population résidante avec un minimum d’équipements. Les banlieues dans les grandes villes des pays en développement connaissent un accroissement sans précédent de leur population, mais les autorités en charge de la gestion se trouvent dans l’incapacité d’encadrement faute de ressources nécessaires (SSATP N°09/04/Dla ; SSATP N°09/04/CKR ; Diagana, 2010). De ce fait, un autre type de transport urbain prend le relais pour répondre à la demande locale, par l’intermédiaire du transport appelé populaire (Kassi, 2007), informel (Coing, 1981, 1982 ; Ndiaye, 1984) et artisanal (M’bassi, 1981 ; Godard et Teurnier, 1992 ; Godard, 2002). Il n’a d’informel que le nom, car il se pratique au vu et au su de tous, dont les autorités. Même si ce type de transport s’impose, il n’est pas aussi à la portée financière de toute la population. Ainsi la plus grande partie de la population résidante dans les périphéries urbaines essaye de faire confiance à ses pieds (Agossou, 2003 ; Diaz Olvera et alii, 2005 ; Nestor, 2011).