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Les accidents de circulation : un mal domestiqué

PARTIE II. SYSTEME DE TRANSPORT ET PLANIFICATION A N’DJAMENA : POTENTIALITES ET DYSFONCTIONNEMENTS N’DJAMENA : POTENTIALITES ET DYSFONCTIONNEMENTS

CHAPITRE 3. L’OFFRE DU TRANSPORT PUBLIC AU SEIN DE LA VILLE DE N’DJAMENA DE N’DJAMENA

3.4. Les accidents : un danger social aux multiples compromis

3.4.1. Les accidents de circulation : un mal domestiqué

Les accidents sont monnaie courante et la plupart des accidents ne sont pas répertoriés par les services de l’Etat. Ce volet du transport peut être un défaut où une qualité que chacun peut prendre en son compte selon son interprétation au niveau de la ville de N’Djamena. Dans la plupart des accidents non-graves ; c'est-à-dire là où il n’y a eu que des blessés légers, ou des dégâts matériels, les individus concernés s’entendent à l’amiable et ne font aucune déclaration, ni auprès des autorités de santé, ni à la police. Cette situation se présente dans différents cas de figure au niveau de la ville de N’Djamena :

- D’abord, pour les accidents où il n’y a que des dégâts matériels, c'est-à-dire un accident où les dégâts se résument à la casse des clignotants, des phares brises des voitures ou les rétroviseurs des motos. Les personnes concernées s’entendent pour que l’un dédommage l’autre. Parfois, l’entente consiste à rembourser en espèce sur des bases estimatives des dégâts causés ou sinon, par consentement, ils partent à la station de champ de fil pour réparer les dégâts causés et se partager les factures. Dans ce cas de figure, personne ne cherche qui a eu tort ou raison et surtout personne n’a recours auprès des autorités policière ou judiciaire ;

- Ensuite, dans le second cas de figure pour des accidents où il y a des dégâts graves avec parfois des fractures. Les victimes trouvent plusieurs issues de sortie. Si l’un reconnaît son tort, personne ne fait recours à la police. Cela se fait souvent entre un automobiliste et un motard ou un piéton ou bien entre un piéton et un motard ou un cycliste. Ainsi, celui qui reconnaît son erreur prendra en charge la victime (même si elle est riche) pour l’amener aux urgences ou chez les tradipraticiens242 pour les soins d’urgence et la prise en charge jusqu'à la guérison. Souvent, dans des situations pareilles, la population n’a jamais recours aux autorités. Ils trouvent un terrain d’entente et souvent le mot d’ordre qui se dit dans des situations pareilles ou dans tout autre cas de figure est le suivant : “Dieu a voulu à ce que ça soit comme çà.”

242 Les tradipraticiens sont des guérisseurs traditionnels reconnus par la population et aussi par les autorités publiques. Ces guérisseurs sont accessibles à toutes les couches sociales. Ils sont spécialisés dans les soins des fractures par des moyens traditionnels (sans faire recours à la science).

Alors, personne ne reproche l’accident à l’autre, c’est comme si c’était prédestiné et que cela devrait arriver à tout prix ;

- Enfin, dans le dernier exemple, on peut trouver des situations extrêmes. Mais, le plus souvent, la population ne fait jamais appel à la police pour faire un constat des faits sur la manière où l’accident a eu lieu comme les textes le recommandent pourtant. Dans le cas où il n’y a pas de compromis entre les personnes victimes, la situation peut dégénérer en bagarre rangée entre communautés, coups de poignards et voire même des fusillades.

Mais, le plus souvent, les accidents de circulation arrivent à trouver facilement des solutions selon l’appartenance religieuse, régionale et/ou ethnique. Il est plus facile pour un musulman de trouver une solution avec un musulman qu’avec un chrétien. Surtout, si les victimes sont de la même région ou de la même ethnie. L’entente est à portée de main même s’il y a des morts. Il y a aussi des pactes entre différentes ethnies à travers la ville, pactes qui ont été initié par les chefs traditionnels de différentes ethnies.

Schéma n° 11. Processus d’adaptation des accidents de circulation dans la communauté musulmane

Chaque ethnie ou religion s’adapte selon le lien qu’il a envers l’ethnie ou la religion qui a commis l’accident. Mais, ces derniers temps, un autre phénomène social est apparu, celui de la lapidation, qui commence à émerger dans certains quartiers de la ville, surtout dans les quartiers du Sud et du Sud - Est de la ville, en majorité habités par la communauté chrétienne. Cette communauté lapide ceux qui commettent des accidents surtout si le commanditaire est un musulman, ils ne cherchent pas à connaître l’ethnie et, souvent, c’est tout le quartier qui déverse sa colère sur ce dernier, même si c’est un accident banal.

Schéma n° 12. Processus d’adaptation aux accidents de circulation dans la communauté sudiste en majorité chrétienne

Réalisation Hassane Mahamat-Hemchi

C’est pour cette raison que les auteurs des accidents ont intérêt à courir vers le commissariat de police le plus proche ou même de fuir pour éviter un lynchage communautaire. Ce qui n’est pas le cas dans les quartiers du Nord, Nord-Ouest et aussi dans une partie du Nord - Est de la ville ; peu importe l’origine ethnique ou religieuse. Ces dernières années, le lynchage est une monnaie courante qui se pratique de jour comme de nuit dans certains quartiers de la ville. C’est une pratique nuancée de haine qui puise ses racines dans l’histoire mouvementée du pays. Une pratique sans doute des plus mauvaises et qui génère des règlements de compte suite à ces actes commis par les passants. La question que tout le monde doit se poser est la suivante : pourquoi autant de haine ? Il s’agit peut-être d’une manière d’affirmer son mécontentement ou sa colère envers les autorités, mais pourquoi ?

Photos n° 16. Les accidents de circulation en images

Photo n° 17. Les accidents des motos sur les rues de N’Djamena

Ces images (photo n°16 et n°17) illustrent les cas d’accidents sur les routes de N’Djamena. La première réaction des passants ou des riverains est de mettre sur le trottoir les victimes et voir leur état et ensuite, trouver un

consensus à l’amiable, si oui l’affaire est réglée, sinon il faut attendre la police. S’il y a entente entre les victimes, il faut vite libérer la voie de circulation.

Par ailleurs, la question est de savoir pourquoi la population n’a pas recours aux autorités lors des accidents de circulation. Cette question mérite plusieurs réponses : d’abord, la population évite les autorités parce que la lenteur administrative accrue par une corruption institutionnelle (Kimitene, 2013) a instauré un manque de confiance auprès de la police pour avoir un gain de cause. La corruption met le pays au septième rang des pays africains les plus corrompus et parmi les vingt derniers (165e)243 des pays les plus corrompus au monde sur 185 en 2011, selon Transparency International244.

Ensuite, certaines personnes malintentionnées profitent du régime en causant des actes isolés à travers la ville. Ce sont souvent des intouchables ou des irréprochables245 qui font régner leur propre ordre dans des grosses cylindrées avec des vitres teintées en noir et parfois armés jusqu’aux dents. Ces personnes sans foi ni lois ne respectent pas la circulation. Souvent la population cède donc le passage à ces nouveaux maîtres de la ville. Enfin, personne n’a envie de faire un problème, tout le monde cherche à gagner sa journée, même s’il y a autant de contraintes à franchir.