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Transport en commun : Pratique artisanale légalisée par nécessité

PARTIE II. SYSTEME DE TRANSPORT ET PLANIFICATION A N’DJAMENA : POTENTIALITES ET DYSFONCTIONNEMENTS N’DJAMENA : POTENTIALITES ET DYSFONCTIONNEMENTS

CHAPITRE 3. L’OFFRE DU TRANSPORT PUBLIC AU SEIN DE LA VILLE DE N’DJAMENA DE N’DJAMENA

3.2. Etat des lieux du secteur des transports urbains de la ville de N’Djamena N’Djamena

3.2.1. Transport en commun : Pratique artisanale légalisée par nécessité

L’Etat a failli à sa responsabilité sur certains aspects de la gestion du transport urbain au niveau de la ville de N’Djamena (Mahamat, 2013 ; Salah Idjemi et Laurent, 2013). Manque en effet des textes de références218, ainsi qu’un système efficace des transports publics. De manière générale, l’harmonisation et la gestion concertée dans l’action publique sont aussi manquantes (Salah Idjemi et Laurent, 2013), et ce en particulier dans le secteur des

216 Selon les données de notre enquête ménage de mobilités urbaines au sein de la ville de N’Djamena.

217 Un article qui a été publié pour CODATU XVI 2015. Intitulé : mototaxis ou clandos entre adaptation

citoyenne et refus politique au sein de la ville de N’Djamena. Avec une communication à la conférence qui s’est

tenue du 2 au 5 février 2015 à Istanbul – Turquie.

218 En 2014, des textes ont été réalisés par la mairie de la ville de N’Djamena, sans concertation avec le ministère des infrastructures, de transports et de l’aviation civile selon le Directeur général des transports de surface du MITAC. A l’exemple de l’arrêté n°095/M/SG/2014 portant règlementation du trafic urbain.

transports urbains. Même, si la décentralisation a pris effet à partir de 2012, elle peine à donner les effets escomptés au niveau de la ville de N’Djamena. Plusieurs réponses ou facteurs peuvent entrer en jeu dans l’inefficacité de la gestion assurée par les différents élus au niveau des dix communes d’arrondissement de la ville. Par exemple, à la base, les élus actuels ont été proposés par les différents partis politiques, ce n’est pas une émanation du peuple (une manière spéciale de faire de la politique au Tchad). Une fois élus, ces derniers sont contraints de s’accommoder aux principes du parti au pouvoir. D’autres insuffisances sont à signaler comme le manque de moyens techniques, financiers et surtout de personnel qualifié. Les « élus » sont ainsi obligés de répondre dans l’urgence aux problèmes quotidiens. Pourtant, la ville évolue à plusieurs vitesses : une croissance démographique annuelle de plus de 5% de la population, un étalement urbain de plus de 20 000 ha et une demande de transport qui évolue annuellement de 6,6%. Face à tout cela, l’offre de transport en commun est toujours restée la même, bien que le parc automobile s’agrandisse, le transport en commun se fasse au quotidien dans des conditions de débrouille. Ce qui a pérennisé le transport collectif en pratique artisanale par nécessité.

Une débrouille qui a sa propre logique où on peut trouver de l’ordre (Balandier, 1988 ; Godard, 2002) au vu de la gestion assurée par les différents syndicats à laquelle la population a su s’adapter facilement. De l’ordre dans un désordre absolu se vit ainsi à tous les niveaux. La responsabilité revient à tout le monde. Mais, la plus grande responsabilité revient à l’Etat (Mahamat, 2013 ; Dobingar, 1998 ; Moussa & N’dilbé, 2006 ; Madjirebaye, 2014), même s’il est aux abonnés absents. Mais, le système de transport en place est en marche tant bien que mal pour répondre à la demande. Même si les solutions d’urgence sont à l’origine des problèmes de demain (Orfeuil, 2002).

Le parc automobile évolue chaque jour au sein de la ville et ceci personne ne le conteste au vu de la prolifération des parkings de vente de voitures à travers la ville. Les stations de vente se créent, les prévisions du PCT et du SNAT ont annoncé le dédoublement du parc d’ici 2020. Le ministère des Infrastructures, du transport et de l’aviation civile (MITAC) enregistre l’immatriculation de plus de 9 000 véhicules par an au niveau de la ville de N’Djamena. Aujourd’hui, le problème n’est pas sur la taille du parc automobile mais, sur la qualité du parc, surtout sur celui des transports publics comme les taxis et les minibus.

Cette ville qui compte plus d’un million d’habitants fonctionne à sa manière et fait vivre des milliers de ménages sur tous les plans. Cela veut dire que le système de gestion des

transports en commun n’est pas aussi mauvais qu’on l’imagine, même s’il n’obéit visiblement à aucune logique normative. Au fond, le système est bien structuré par l’intermédiaire des différents syndicats qui assurent une gestion méticuleuse à travers les différentes stations de départs et d’arrivées, selon le schéma suivant, fait sur la base du réseau des minibus de la ville.

Schéma n° 9. Fonctionnement du réseau des minibus de la ville de N’Djamena

Réalisation Hassane Mahamat-Hemchi

Aujourd’hui, même si le parc automobile de la ville augmente, le parc du transport public, surtout celui des minibus, est le même depuis des décennies. Face à cette réalité, la demande en transport tout comme l’étalement urbain et la croissance démographique croient sans cesse. Ainsi, face à la stagnation de l’offre et à l’évolution de la demande, un autre système de transport a fait son apparition au milieu des années 2000 (Mahamat-Hemchi, 2015), ce système n’est rien autre que celui des mototaxis. Ce dernier demeure aujourd’hui le plus populaire des moyens de transport en commun, estimé à plus de 22 000 mototaxis en 2013 par la police nationale. Aujourd’hui, cette pratique évolue sur une ville capitale de plus de 1 207 000 d’habitants en 2013. Le MITAC a estimé l’immatriculation de plus de 15 000 motos par an. En 2011, la mairie a dénombré 500 000 déplacements

motorisés au niveau de la ville de N’Djamena. Néanmoins, l’effectif exact des mototaxis en général et celui des motos en particulier reste non déterminé au niveau de la ville.

L’on peut qualifier de formidable machine le système actuel du transport artisanal de la ville de N’Djamena. Ce regard change l’analyse du problème dans la mesure où, souvent, l’administration ou toutes les autres études qualifient les transports publics dans les villes africaines comme de l’informel où règne un désordre absolu (Kassi, 2007 ; Faye, 2013 ; Guy-Obain, 2011). Mais ce désordre est institutionnalisé par les syndicats et accepté par la population, il est tantôt cautionné et tantôt décrié par l’Etat, mais il demeure pour nous une réussite, sur le travail accompli jusqu’à présent de réponse incessante à la demande de la population locale. Car dans une ville où il n’y a jamais eu une entreprise publique ou privée ou tout simplement une AOT pour gérer le transport en public, les différents syndicats de la place ont su mettre leur ingéniosité pour faire fonctionner le transport public de manière artisanale au service de la population sans l’intervention de l’Etat ni apport du secteur privé, juste avec des particuliers qui sont les propriétaires des minibus et taxis. Ce qui fait que nous pouvons qualifier de réussite et aussi d’originale la ville de N’Djamena en matière de transports en commun par rapport à certaines capitales africaines comme Niamey, Cotonou et Nouakchott.