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3.3.2. Mesures physiques

3.3.2.3.2. Transitions voyelle-consonne ou consonne-voyelle

Certaines mesures acoustiques peuvent être réalisées aux frontières des voyelles, dans leurs transitions avec les consonnes. La fréquence fondamentale relative (RFF), notamment, correspond à la variation de fréquence instantanée (Fi) mesurée sur 10 cycles vibratoires à la terminaison d’une voyelle pré-consonantique ou à l’initiation d’une voyelle post-consonantique (Stepp et al., 2012).

Les dix Fi sont mesurées en Hertz (Hz), c’est-à-dire en cycles par secondes, puis transformée en demi-tons (dT), c’est-à-dire en notes. Chacune d’elles est ensuite comparée à celle qui est la plus éloignée de la consonne. Le développement de la RFF repose l’observation des variations de fréquence fondamentale (F0) lors des transitions entre voyelles et consonnes, selon le voisement de ces dernières. Comme nous l’avons décrit, le geste glottique d’ouverture-fermeture réalisé pendant la production des consonnes non voisées est accompagné d’une augmentation de la tension des plis vocaux et entraine une augmentation de la F0. A l’inverse, le geste sus-glottique de

72 fermeture-ouverture réalisé pendant la production des consonnes voisées, entraine une diminution de la F0. Cette mesure est à ce jour appliquée uniquement aux consonnes non voisées et son auteur estime que, lorsque la RFF diminue, l’effort phonatoire augmente. Il nous semble que cet effet serait inversé si la mesure était appliquée aux consonnes voisées. L’effet de la consonne sur la F0 est censée être effective pendant une dizaine de millisecondes (ms) (Hanson, 2009). Or, un cycle dure en moyenne 10ms pour une F0 égale à 100Hz, chez des hommes par exemple, et 5ms pour une F0 égale à 200Hz, chez les femmes. Selon la variation de la Fi au niveau des transitions entre voyelles et consonnes, l’effet est donc observable sur un nombre de cycles différent. De plus, la Fi

pendant les transitions dépend de la F0 pendant les voyelles. Cette mesure nous semble donc peu contrôlable. En revanche, sur le même principe, une mesure pourrait être réalisée entre le cycle, ou la moyenne de quelques cycles, de transition et le centre de gravité de la voyelle, c’est-à-dire sa partie la plus stable. Une mesure adaptée (RFFa) pourrait peut-être permettre d’effectuer des comparaisons intra-individuelles entre deux niveaux d’effort phonatoire, quelle que soit la F0, mais aussi des comparaisons interindividuelles.

3.3.2.3.3. Consonnes

Les consonnes voisées ne sont pas forcément produites avec une vibration continue des plis vocaux (Parker, 1974). Le taux de voisement (V%) correspond au rapport entre la durée de la vibration glottique et la durée de la consonne, toutes deux mesurées en secondes. Comme pour les mesures réalisées sur les voyelles, le V% permet surtout des comparaisons intra-individuelles. En effet, il dépend de l’effort phonatoire mais aussi des qualités vibratoires intrinsèques des plis vocaux. L’augmentation du V%, dans les consonnes voisées comme dans les consonnes non voisées, traduit une augmentation de l’effort phonatoire. Au contraire, le V% diminue lorsque les difficultés de mise en vibration des plis vocaux augmentent. Cependant, la vibration des plis vocaux peut tout simplement s’arrêter avant la fin d’une consonne voisée, quand la différence de pression d’air autour de la glotte (ΔGP) n’est plus supérieure au seuil de pression phonatoire (PTP), notamment pour les consonnes occlusives ou postérieures. Certains chercheurs considèrent que le voisement est plus difficile à maintenir dans les consonnes fricatives que dans les consonnes occlusives car la production des consonnes fricatives voisées nécessite le contrôle de deux constrictions, donc de deux flux d’air, glottique et sus-glottique (Haggard, 1978).

73 Nous rappelons que les consonnes voisées sont usuellement plus courtes que les consonnes non voisées. Cette différence de durée a longtemps été considérée comme une différence de force articulatoire, traduisant plus d’effort pendant la production des consonnes non voisées (Malécot, 1969; Slis, 1971). Il est intéressant de noter que les consonnes fricatives sont généralement plus longues que les consonnes occlusives (Bartkova & Sorin, 1987). Par ailleurs, les voyelles sont plus longues lorsqu’elles précèdent des consonnes voisées que lorsqu’elles précèdent des consonnes non voisées (Slis, 1970). Dans le cas des consonnes voisées, l’allongement de la durée des voyelles pré-consonantiques correspondrait au maintien de l’activité des muscles laryngés intrinsèques (Raphael, 1975).

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4. Propositions

La phonation correspond à la vibration des plis vocaux en adduction, à l’intérieur du larynx, lors de l’écoulement du flux d’air expiratoire. Elle dépend des qualités vibratoires intrinsèques de ces plis vocaux, qui varient d’un individu à l’autre, notamment en fonction de la santé vocale, et elle dépend de la contraction des muscles laryngés intrinsèques, notamment des muscles thyro-aryténoïdiens (TA), situé à l’intérieur des plis vocaux, qui varie en fonction de l’effort phonatoire.

Pour étudier l’effort phonatoire, il apparaît donc nécessaire de différentier la vibration effective des plis vocaux et l’effort fourni pour réaliser cette vibration. La vibration d’air et le flux d’air se déplacent ensuite, à des vitesses différentes, à travers le conduit vocal, vers l’extérieur. Ils sont alors obligatoirement modifiés par l’articulation des phonèmes de la parole, sous l’action des muscles articulateurs sus-glottiques, dont la contraction varie en fonction de l’effort articulatoire.

Pour étudier l’effort phonatoire, il apparaît donc également nécessaire de le dissocier de l’effort articulatoire. Dans les expériences menées jusqu’à présent, nous identifions plusieurs problèmes liés au choix des participants ou du matériel phonétique, ainsi qu’aux méthodes d’élicitation ou d’évaluation de l’effort. Nous présentons ces différents problèmes, ainsi que les dispositions que nous avons prises dans cette étude pour les pallier, puis nos hypothèses de travail.

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