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3.3.2. Mesures physiques

3.3.2.2.3. Pic de débit du flux d’air

Par ailleurs, nous notons qu’une autre mesure aérodynamique a souvent été utilisée comme un indice de l’effort articulatoire : le pic de débit du flux d’air trans-articulatoire (TAF) au moment du relâchement des consonnes (Gilbert, 1973; Stathopoulos & Weismer, 1985a). Parfois le pic de TAF pré-consonantique est lui aussi pris en compte. En effet, les consonnes, du moins les fricatives, comportent deux pics de TAF correspondant à l’accélération du flux d’air pendant les transitions de fermeture et d’ouverture sus-glottiques, ainsi qu’un minimum de TAF, situé entre ces deux pics, correspondant à la constriction sus-glottique maximale (Shadle & Scully, 1995). Il est possible de supposer que le TAF se comporte de la même façon pour les consonnes occlusives. L’amplitude de ce pic de TAF, notamment post-consonantique, semble aussi lié à la constriction glottique : elle

69 est à son niveau le plus haut pour les consonnes aspirées non voisées, qui présentent la plus grande ouverture des plis vocaux, et à son niveau le plus bas pour les consonnes non aspirées voisées, qui présentent la plus petite ouverture des plis vocaux (Dixit & Brown, Jr, 1985; Nihalani, 1975). Cette mesure semble confondre la vitesse d’articulation sus-glottique et le degré de constriction glottique.

3.3.2.3. Acoustiques

Certaines mesures acoustiques permettent d’évaluer le mode de vibration des plis vocaux et donc leurs qualités intrinsèques, mais aussi l’effort phonatoire. En effet, d’une part, la compression des plis vocaux, voire leur élongation, leur tension et leur rigidification, sous l’action des muscles laryngés intrinsèques, entraine une augmentation de l’amplitude et de la fréquence de vibration ainsi qu’une augmentation du contact pendant cette vibration. D’autre part, l’effort phonatoire peut être élicité par la production d’une voix plus forte, plus aigüe et plus pressée. Il nous semble donc que les mesures acoustiques du niveau de pression sonore (SPL), de la fréquence fondamentale (F0) et de l’amplitude relative des deux premiers harmoniques (H1-H2) sont intéressantes. Ces mesures sont communément réalisées au milieu des voyelles, ou encore sur leur partie stable. Une autre mesure acoustique réalisée au niveau des frontières vocaliques, dans les transitions avec les consonnes, a été récemment développée : la fréquence fondamentale relative (RFF). Cette mesure est basée sur les variations de F0 engendrées par le geste glottique d’ouverture-fermeture pendant la production des consonnes non voisées. Enfin, la mesure du taux de voisement (V%) d’une consonne peut donner un indice de l’effort phonatoire. Nous présentons en détail ces mesures acoustiques : SPL, F0, H1-H2, RFF et V% ainsi que leurs liens avec les qualités des plis vocaux et l’effort phonatoire.

3.3.2.3.1. Voyelles

Le niveau de pression sonore (SPL) correspond, sur le versant production, à l’amplitude de vibration des plis vocaux et, sur le versant perception, à l’intensité vocale. Il s’agit d’une puissance proportionnelle au carré de la pression acoustique exercée par l’onde sonore sur une surface. En effet, l’onde sonore se transmet par une pression entre les molécules d’air, de proche en proche.

Cette puissance diminue donc proportionnellement au carré de la distance par rapport à la source, c’est pourquoi elle doit être mesurée à l’aide d’un microphone fixe dont la distance par rapport aux locuteurs est calibrée. Dans les expérimentations en linguistique, le SPL est habituellement

70 mesuré en décibels (dB). Cette unité de grandeur sans dimension correspond au logarithme de base 10 du rapport entre deux puissances (P0 et P1), multiplié par 10 (10*log10[P1/P0]). Doubler la puissance entraine donc une augmentation du SPL de 3dB. L’augmentation du SPL correspond à une augmentation de l’amplitude de vibration des plis vocaux afin de produire une voix forte. Nous rappelons que cette amplitude de vibration augmente avec la compression des plis vocaux, donc avec l’effort phonatoire. Cependant, elle dépend aussi des qualités intrinsèques des plis vocaux et, notamment, de leur élasticité. Par ailleurs, elle augmente conjointement avec le débit du flux d’air trans-glottique (TGF) et la différence de pression autour de la glotte (ΔGP), c’est-à-dire avec l’effort expiratoire (Finnegan et al., 2000). En effet, si la constriction glottique augmente mais que la force expiratoire n’augmente pas suffisamment pour compenser la résistance glottique (GR) ainsi créée, alors l’amplitude de vibration des plis vocaux diminue. Au total, la mesure du SPL est assez délicate et ne traduit pas seulement l’effort de constriction glottique, mais aussi, entre autres, l’effort d’expiration sous-glottique.

La fréquence fondamentale (F0) correspond, sur le versant de la production, à la vitesse de vibration des plis vocaux et, sur le versant de la perception, à la hauteur vocale. Elle est mesurée en Hertz (Hz), c’est-à-dire en nombre de cycles par secondes. Cependant, comme nous l’avons décrit plus haut, cette unité est également relative. Nous transformons donc la valeur de F0 en demi-tons (dT), c’est-à-dire en notes. Pour repère, une F0 de 110 Hz correspond au 45e demi-ton, c’est-à-dire à la note La1, une F0 de 220Hz correspond au 57e demi-ton, c’est-à-dire à la note La2, et une F0 de 440 Hz correspond au 69e demi-ton, c’est-à-dire à la note La3. La F0 dépend, entre autres, de la longueur et de la masse des plis vocaux. Elle peut donc varier entre deux individus et notamment en fonction de leur sexe. L’augmentation de la F0 correspond à une augmentation de la vitesse de vibration des plis vocaux afin de produire une voix aigüe. Nous rappelons que cette vitesse de vibration augmente avec la compression des plis vocaux, principalement sous l’action des muscles thyro-aryténoïdiens (TA) qui composent leur corps, mais qu’elle augmente aussi avec l’élongation, la tension et la rigidification des plis vocaux, sous l’action des muscles crico-thyroïdiens (CT). Dans le mécanisme 1 de phonation, la F0 augmente avec l’activité conjointe des TA et des CT puis, à partir d’un certain point, dans le mécanisme 2 de phonation, avec l’activité disjointe de ces muscles : les TA ne sont presque pas activés alors que les CT sont extrêmement activés. Pour une vibration périodique des plis vocaux, dans la parole vocale, si l’augmentation de

71 la F0 correspond à une augmentation de l’effort phonatoire dans le mécanisme 1 de phonation, cela n’est pas aussi évident dans le mécanisme 2.

L’amplitude relative des deux premiers harmoniques (H1-H2) correspond, sur le versant de la production, à la durée de contact des plis vocaux pendant le cycle vibratoire et, sur le versant de la perception, à la qualité vocale. Elle est mesurée en décibels (dB), comme le niveau de pression sonore (SPL). Cependant, comme il s’agit d’une mesure relative entre deux harmoniques produits par un même locuteur et enregistrées simultanément, les problèmes relatifs à la distance du microphone ne se posent pas. L’augmentation de l’amplitude du deuxième harmonique (H2) par rapport au premier (H1) correspond à l’augmentation du contact des plis vocaux afin de produire une voix pressée. Nous rappelons que ce contact augmente avec la compression des plis vocaux, notamment sous l’action des muscles thyro-aryténoïdiens (TA). A noter que, quand le contact des plis vocaux est très faible, la fuite d’air glottique augmente le bruit de friction et diminue donc la qualité de la voix mesurée par le rapport entre signal et bruit ou harmonic-to-noise ratio (HNR) en anglais alors que, quand le contact des plis vocaux est très fort, des perturbations de la vibration peuvent apparaître et diminuer aussi la qualité mesurée par le jitter. De même que pour le SPL ou la fréquence fondamentale (F0), et comme nous l’avons expliqué plus haut, la valeur de H1-H2 dépend des qualités vibratoires des plis vocaux. Elle peut donc varier entre deux individus pour un même niveau d’effort phonatoire et, chez un même individu, entre deux niveaux d’effort.