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Dans ce travail de thèse, nous avons souhaité explorer l’effort phonatoire chez des sujets sains, afin de tester les différentes mesures, perceptives et physiques, et si possible de dégager des normes. Nous avons réalisé les expériences sur des nombres égaux d’hommes et de femmes. Nous avons aussi réalisé les expériences sur des individus d’âges différents. Cependant, nous avons restreint la tranche d’âge étudiée en incluant des participants témoins de plus de 15 ans, afin de limiter la proportion d’hommes pré-pubères, et à moins de 55 ans, afin de limiter la proportion de femmes ménopausées. Nous avons, dans la mesure du possible, recruté un grand nombre de participants naïfs. Enfin, nous avons tenté d’inclure un échantillon représentatif de la population française, avec des profils sociolinguistiques et des habitudes d’hygiène vocale variés. Nous avons également testé les deux principales mesures que nous avons tenté de développer sur des patients.

L’une de ces mesures est perceptive et l’autre est physique. Les deux mesures ciblent l’effort phonatoire dans la production des consonnes voisées ou des voyelles adjacentes aux consonnes non voisées. D’une part, nous essayons de développer une mesure quantitative de la perception de l’effort pendant la production d’une consonne voisée, lors de laquelle la vibration des plis vocaux est contrainte par les forces aérodynamiques sus-glottiques. Pour cela, nous proposons une tâche de comparaisons répétées entre des consonnes voisées et non voisées appariées. D’autre part, nous essayons d’adapter une mesure physique acoustique, la fréquence fondamentale relative (RFF), afin de gommer les variations interindividuelles. Pour cela, nous proposons de mesurer l’écart de fréquence fondamentale (F0), mesurée sur les trois cycles vibratoires des transitions entre voyelles et consonnes, relatif à la F0 mesurée sur 3,5 cycles moyens au centre de gravité des voyelles.

Contrairement à l’auteur de la mesure originale de RFF, nous explorons les consonnes non voisées, mais aussi les consonnes voisées. Afin d’observer les variations de notre mesure adaptée (RFFa), nous souhaitions induire un effort phonatoire chez les participants témoins. Nous avons donc exploré diverses méthodes d’élicitation pour repérer des patterns chez les locuteurs. Nous avons évalué cette nouvelle mesure physique de l’effort phonatoire à l’aune d’autres mesures acoustiques fournissant des indices de cet effort, telles que le taux de voisement (V%) des consonnes, ou le niveau de pression sonore (SPL), la fréquence fondamentale (F0) et l’amplitude relative des deux premiers harmoniques (H1-H2) des voyelles. Nous évaluons aussi la validité de la mesure de RFFa

82 par rapport à deux mesures aérodynamiques adaptées, telles que l’écart estimé de résistance glottique (GR) entre les consonnes fricatives voisées et non voisées ou l’écart estimé de différence de pression autour de la glotte (ΔGP) entre les consonnes occlusives voisées et non voisées, toutes produites sur une même expiration phonatoire. En plus de ces diverses mesures, nous avons contrôlé les variations d’effort articulatoire grâce à des mesures de durée segmentale, de résistance articulatoire (AR) des voyelles et des consonnes fricatives ou de pression mécanique de contact (MCP) au niveau des articulateurs des consonnes.

4.3. Hypothèses

4.3.1. Nouvelle mesure perceptive

Nous formulons la première hypothèse que l’effort phonatoire peut être perçu, au même titre que l’effort articulatoire, dans des comparaisons binaires de consonnes, insérées dans des syllabes.

Nous supposons que la différence de force articulatoire observée entre les consonnes voisées et non voisées est une conséquence des différences aérodynamiques engendrées par le geste glottique.

Ce geste d’ouverture-fermeture réalisé au niveau glottique pendant la production des consonnes non voisées, entraine une augmentation de la pression intra-orale (IOP) et requiert donc un effort articulatoire pour maintenir la constriction sus-glottique. Au contraire, pendant la production des consonnes voisées, l’IOP est moindre et le locuteur n’a donc pas besoin d’augmenter sa force articulatoire pour maintenir la configuration de la consonne. Malgré cela, nous pensons que des locuteurs naïfs pourraient percevoir un effort plus important pendant la production des consonnes voisées que des non voisées correspondantes. En effet, lors de l’articulation d’une consonne, l’IOP augmente et entraine une diminution de la différence de pression autour de la glotte (ΔGP) qui, si elle n’est pas compensée, aboutit à l’arrêt de la vibration des plis vocaux. Les locuteurs produisent donc un effort au niveau des muscles laryngés intrinsèques pour maintenir cette vibration pendant la réalisation des consonnes voisées. Dans ce cas, l’effort phonatoire devrait être d’autant plus important que l’IOP augmente, c’est-à-dire que le degré de constriction est grand et la taille du conduit vocal est petite. Il devrait donc être supérieur pour les consonnes occlusives que pour les fricatives et pour les consonnes postérieures que pour les antérieures. De plus, l’effort phonatoire devrait être plus important lorsque le locuteur doit initier la vibration des plis vocaux pendant la

83 constriction sus-glottique, dans des structures de type consonne-voyelle (#CV), que dans des structures de type voyelle-consonne-voyelle (VCV). Par ailleurs, nous supposons que l’effort de compression des plis vocaux pendant la production des consonnes voisées peut être perçu en l’absence de vibration effective des plis vocaux, dans la parole chuchotée par exemple. Enfin, nous émettons l’idée que cet effort phonatoire pendant la production des consonnes voisées correspond à un geste glottique de fermeture-ouverture, par opposition à celui qui est décrit pour les consonnes non voisées, et qu’il pourrait donc être perçu chez autrui grâce à l’activation motrice induite par sa perception.

4.3.2. Nouvelle mesure acoustique

Nous formulons la seconde hypothèse que l’effort phonatoire peut être mesuré, au niveau du phonème, simplement dans le signal acoustique. Nous pensons que cet effort correspond à des ajustements glottiques, qu’il s’agisse d’un geste défini ou non, permettant d’initier ou de maintenir la vibration des plis vocaux. Ces ajustements correspondraient à l’augmentation de l’activité des muscles thyro-aryténoïdiens (TA) responsables de la compression des deux tiers membraneux des plis vocaux, voire aussi des muscles crico-thyroïdiens (CT) responsables de leur élongation, leur tension et leur rigidification. Nous estimons que, lors de la transition entre une voyelle et une consonne voisée (VC), l’effort phonatoire limite la diminution de la fréquence fondamentale (F0) alors que, au contraire, lors de la transition entre une consonne non voisée et une voyelle (CV), il limite l’augmentation de F0. Nous proposons une adaptation de la mesure existante de fréquence fondamentale relative (RFF) qui permet d’évaluer les variations de F0 dans ces transitions. Nous estimons que cette mesure adaptée (RFFa), en rapportant la F0 aux frontières des consonnes à la F0 au centre de gravité des voyelles, permet de réaliser des comparaisons interindividuelles.

84 Partie II : Expériences et résultats

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Expériences

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Résultats

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