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Chapitre 2. Cadre épistémologique et théorique pour lier conception et

2. Cadre théorique pour l’analyse de l’activité et la conception à partir de

2.4. Les transformations de l’activité vu à travers la notion de disposition à

Pour saisir et comprendre les éléments qui génèrent des changements, de l’apprentissage-développement ou au contraire des permanences, des régularités, nous nous appuyons sur une théorie dispositionnelle (Lahire, 1998) qui nous permet d’identifier les conditions d’activation, d’inhibition ou d’émergence de façons de faire typiques ou nouvelles. Nier l’existence de dispositions acquises, serait selon Bourdieu (1998) nier l’existence de l’apprentissage-développement. La grande stabilité de ces dispositions serait

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due au fait que d’une part elles sont le fruit d’un apprentissage-développement et que les conditions structurelles qui les ont produites se maintiennent et se perpétuent, sollicitant ainsi continuellement leur actualisation et d’autre part qu’elles font preuve d’une forme d’économie et d’efficacité pour les personnes qui les mobilisent. L’étude de l’activité dans une situation nouvelle, dite « prometteuse » (Leblanc, 2001a, 2004a) permet de reconstruire chez les acteurs ce qui relève du changement ou de la permanence et de comprendre le processus de transformation de l’activité face à cette forte indétermination.

Accompagner l’évolution des dispositifs de formation des enseignants nécessite de se donner les moyens d’aborder la question difficile des liens entre des effets sur une activité ici et maintenant avec d’une part des expériences antérieures vécues dans des situations ayant un air de famille et d’autre part des effets sur une activité qui sera développée dans un futur plus ou moins lointain dans un contexte différent de celui où s’est réalisé l’apprentissage-développement. En effet, une portion de l’activité humaine ne contient pas son intelligibilité en elle-même et il est donc nécessaire pour la comprendre de construire les relations avec des parties de passé et d’avenir. Par rapport aux deux tendances théoriques qui soit accordent un poids déterminant et décisif au passé cognitif (représentations) et culturel (habitus) de l’acteur, soit donnent une place capitale à la logique de la situation présente avec des individus dépourvus de passé, nous nous situons dans une voie intermédiaire qui cherche à rendre compte à la fois de l’émergent du présent de l’action mobilisé à chaque instant dans l’activité des acteurs et en même temps de la présence de la dimension sociale et culturelle du passé dans l’action.

Pour cela, nous proposons d’articuler (Leblanc, soumis (a)): a) le cadre d’analyse dispositionnaliste développé par Lahire (1998) qui se focalise sur les expériences passées mobilisées dans la situation présente en cherchant à les relier à la pluralité de l’acteur et aux situations antérieures rencontrées par cet acteur, b) avec le cadre de l’analyse sémiologique du cours d’action (Theureau, 2004) qui se focalise sur la situation présente en appréhendant le flux dynamique de l’activité « ouverte aux deux bouts » qui hérite à la fois de l’histoire passée et en même temps se tourne vers un futur indéterminé. La focale est mise sur ce qui émerge du couplage situation-activité présent en sachant qu’il est en lien avec d’autres couplages antérieurs et qu’il ouvre un potentiel d’actions pour le futur.

Nous étudions les dispositions définies comme une « propension ou tendance de

l’acteur à agir (ou réagir) d’une certaine manière dans des circonstances déterminées »

(Lahire, 1998, p. 95), dans une situation « innovante » pour les acteurs. Les dispositions à agir sont des possibles qui émergent des interactions et sont définies comme telles dès lors

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qu’elles manifestent de la régularité dans l’activité. Attribuer une disposition à un acteur, c’est donc parier sur le fait qu’il aura une tendance, une propension à agir d’une certaine manière dans un contexte déterminé. Complémentairement à ces définitions génériques, trois caractéristiques des dispositions nous semblent indispensables pour rendre compte des transformations de l’activité :

- L’articulation entre les expériences passées et l’expérience actuelle prend tout son sens lors d’une situation nouvelle c’est-à-dire, quand « passé » et « présent » sont différents, hétérogènes et pluriels (ibid.). Étudier l’activité dans des situations nouvelles, doit permettre d’identifier à la fois le « pouvoir négatif d’inhibition du passé » (ibid.) de refoulement d’une partie de nos dispositions à agir liées aux situations antérieures et en même temps d’appréhender le potentiel d’activation de compétences, de manière de dire et de penser, laissées à l’état de veille jusqu’à ce jour. Cela doit permettre de mettre à jour des manifestations et contre manifestations des dispositions en circonscrivant ce qui constitue leur champ d’activation et d’inhibition.

- Pour appréhender des dispositions, le contexte de leur manifestation doit être bien identifié. En n’identifiant pas leurs conditions d’émergence ou les circonstances de leur actualisation, on les transforme en des dispositions générales, transposables, indépendantes de tout contexte qui seraient autosuffisantes et autoalimentées. Or dans notre perspective, c’est le rôle de la situation présente qui décide de ce qui du passé va pouvoir ré-émerger. C’est la micro-situation sociale qui va mettre ou remettre en activité des compétences, habitudes, dispositions mises en attente ou en suspens temporairement ou durablement.

- Les dispositions ne sont ni inscrites dans l’acteur ni dans la situation. Ceci nous conduira à appréhender les interactions entre les protagonistes lors des situations innovantes. Ces relations entre les protagonistes et la situation seront qualifiées plutôt de « partenaires réciproques » que de relations « de cause à effet » (ibid.). Pour mettre à jour ces interactions, nous étudions l’articulation des cours d’action (Veyrunes, 2004, 2011) lors de situations de formation innovantes qui jouent un rôle important dans l’engendrement de l’activité en laissant « inexprimées », « inactualisées » ou en permettant à l’inverse d’exprimer, de réveiller et d’actualiser des expériences passées. Cette articulation d’activités individuelles réveille ou laisse à l’état de veille des habitudes incorporées par les acteurs dans des situations passées (Leblanc, soumis (a)).

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