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La lumière enregistrée par l’œil est perçue comme une couleur. Ainsi, le système visuel réduit la complexité de spectres électromagnétiques provenant de l’environnement en trois modalités fondamentales de la lumière (Cochrane 2014; Conway 2009; Ibraheem et al. 2012; Judd 1966; Tkalcic & Tasic 2003; Wyszecki et al. 1982) :

1. La longueur d'onde définit la teinte. Les ondes très courtes apparaissent violettes, puis bleues, vertes, jaunes, orange, les ondes rouges étant les plus longues (Figure 6).

2. L'amplitude des ondes définit la luminosité. Plus l'amplitude est petite, plus la couleur est sombre ; plus l'amplitude est grande, plus la couleur est claire.

3. La distribution équilibrée d'ondes à travers le spectre visuel définit la saturation. Plus le spectre de réflexion contient une quantité équilibrée d'ondes à travers le spectre visuel, moins la couleur est saturée. Si toutes les ondes sont présentes en quantité égale à travers tout le spectre, nous ne percevons plus de la couleur, mais la lumière apparaît grise, blanche ou noire (Figure 5). En revanche, plus un spectre se limite à un nombre d'ondes serrées, plus la couleur est saturée. Cas extrême, la présence d'une seule onde dans un spectre, donne la sensation d'une couleur pure et totalement saturée, un cas quasiment inexistant en milieu naturel.

: Spectres d’absorption des trois types de récepteurs de couleurs humains (Conway 2009).

Albert H. Munsell fut le premier chercheur à la fin du 19ème siècle à créer un modèle cartésien de

l'espace perceptuel de l'humain tenant compte des trois modalités physiques de la lumière, qui créent la sensation de différentes couleurs et qui sont à la base de tous les modèles actuels (Cochrane 2014; Landa & Fairchild 2005). Afin de savoir comment les humains distinguaient les couleurs en fonction de leur teinte, luminosité et saturation, Munsell conduisit des expérimentations dans lesquelles il présentait deux champs de couleurs à des participants en faisant varier toujours une seule des trois modalités sur l’un des deux afin de déterminer à partir de quel seuil les participants arrivaient à distinguer les couleurs (Cochrane 2014; Landa & Fairchild 2005). Ainsi, il pouvait organiser les couleurs testées dans un système cartésien trois-dimensionnel contenant un axe vertical le long duquel les couleurs variaient en luminosité, et un plan horizontal sur lequel les couleurs variaient en saturation (plus les couleurs étaient éloignées du centre, plus elles étaient saturées) et en teinte (en fonction de la position où elles se trouvaient sur un cercle de 360° autour du centre). Avec ce système, Munsell, qui était professeur d'art à l'ancienne Massachusetts Normal Art School, a pu réaliser son rêve d'instruire ses étudiants sur l'utilisation des couleurs sans avoir recours à des noms de couleurs ambigus, mais en utilisant les coordonnées numériques de son système de classement de couleurs tridimensionnel.

Alors que le système de Munsell continue d'être développé et utilisé aux États-Unis, d'autres standards plus avancés se sont progressivement imposés à l'international. Depuis l'Exposition Universelle de 1900 à Paris, l'industrie internationale de l'éclairage soutenait l’élaboration d’un standard international de mesure de la luminosité de ses produits (Johnston 2002). Sur la base d'une première commission dédiée à cette tâche (Commission Internationale de Photométrie) se forma en 1913 à Berlin, la Commission Internationale de l'Éclairage (CIE). Contrairement à ce que laisse penser le nom français de la commission, les membres représentaient, en réalité toutes les grandes nations à la pointe du développement scientifique de l'époque : l'Allemagne, l'Autriche, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Suisse. Comme peu d'autres organisations, la CIE représente encore aujourd'hui l'esprit humaniste de la communauté scientifique, cherchant à accroître les connaissances collectives pour le bien de l'humanité, malgré les conflits sociaux-politiques engagés à l’époque par des organisations nationalistes. Aujourd'hui encore, quelques organismes et entreprises américaines militent pour imposer dans le monde industriel les nouveaux modèles améliorés de Munsell contre les modèles internationaux de la CIE. Cependant, le standard de mesure de l'éclairage international demeure jusqu'à présent celui de la CIE.

Les modèles de la CIE se basent sur les acquis du modèle de Munsell, notamment l'identification des trois modalités de la lumière (Ibraheem et al. 2012). En combinant ces bases avec des analyses

physiologiques de la lumière, la CIE avait créé en 1923 le modèle de perception CIEL*a*b* (Johnston 2002). Une analyse en composantes principales d'un nombre représentatif de tous les spectres de réflexion de l'environnement a permis aux chercheurs de découvrir que physiquement, les couleurs existantes dans notre environnement peuvent être distinguées avec seulement trois composantes principales. Deux de ces composantes représentent les variations de la teinte, et la troisième représente les variations de luminosité (Judd, 1966 ; voir également Tzeng & Berns, 2005). Parmi les deux composantes de la teinte, la première représente des variations entre le bleu et le jaune et la seconde représente des variations entre le vert et le rouge. Plus les couleurs s'approchent du point 0 du système cartésien que constituent les trois composantes, moins elles sont saturées et moins elles sont claires. La différence conceptuelle entre le modèle CIEL*a*b* et l'espace perceptuel du Munsell est que la CIEL*a*b* contient deux dimensions de couleurs qui n'ont pas une forme géométrique spécifique et une dimension de luminosité (Ibraheem et al. 2012).

Des expérimentations psychologiques ont ensuite permis de confirmer que les humains perçoivent et représentent les couleurs dans un système cartésien similaire au système cartésien que forment les trois composantes principales de l'ensemble des spectres existant dans notre environnement (Johnston 2002). En présentant à des participants des couleurs similaires, mais différentes soit dans leur couleur le long d'un des deux axes de couleur, soit dans leur luminosité, les chercheurs de la CIE ont pu déterminer les couleurs distinguables par un humain et les organiser dans un système cartésien, le CIEL*a*b* (Judd, 1966 ; standard colorimetric observer; ISO 11664-1:2008(E)/CIE S 014- 1/E:2006 ; ISO 11664-4:200 physical 8(E)/CIE S 014-4/E:2007).

L’espace perceptuel de couleur CIEL*a*b* montre que toutes les formes géométriques anticipées dans les anciens modèles, du type boule, pyramide ou cube, étaient fausses (Cochrane 2014). En effet, l'espace perceptuel des humains n'a pas une forme trois-dimensionnelle simple, mais irrégulière (Figure 7). Il est alors important de noter que la perception des couleurs n'est pas pareille pour toutes les teintes, comme le suggéraient tous les autres modèles précédents. Dans le modèle CIEL*a*b*, on remarque par exemple que l’humain perçoit plus de différentes couleurs rougeâtres que de couleurs bleuâtres. Ceci est dû, entre autres, au fait que le cerveau distingue moins de niveaux de saturation dans les couleurs bleuâtres que dans les couleurs rougeâtres. Pour étudier les effets de différentes couleurs sur le comportement du consommateur, il est par conséquent important que les couleurs utilisées soient issues d’un système standardisé et contrôlées sur leur comparabilité.

Aujourd'hui, le modèle de l'espace perceptuel CIEL*a*b* permet de déterminer comment une couleur donnée est perçue par le cerveau d’un consommateur. De plus, le modèle permet également de

chromatique (le long des deux axes de couleur) et le contraste achromatique (le long de l'axe de luminosité). Le modèle est ainsi devenu le modèle de référence en industrie comme en recherche. Son concept se base sur la physique des spectres de réflexion des objets de notre environnement, sa validation empirique à travers des études psychologiques et sa facilité d'utilisation lui donnent aujourd'hui encore un avantage en recherche ainsi qu’en industrie, même avant le nouveau modèle CIEDE2000 (ISO/CIE 11664-6:2014 ; CIE S 014-6/E:2013) qui permet une quantification du contraste des couleurs plus fine que le CIEL*a*b*, mais qui est incomparablement plus complexe et difficile à maîtriser (Luo, Cui, & Rigg 2001). De plus, comme nous allons l’exposer dans la prochaine partie, l’espace perceptuel CIEL*a*b* permet également d’intégrer l’influence de la lumière ambiante sur la perception des couleurs.

A) B)

: Illustration de l’espace de couleur perceptuel CIEL*a*b*. A) Perspective de l’espace CIEL*a*b sur les axes a* et b*. B) Perspective tridimensionnelle de l’espace CIEL*a*b.

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