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La lumière est une forme d'énergie émise par le soleil ou une étoile (Wyszecki et al. 1982). Cette énergie se propage à travers le cosmos sous forme d'ondes électromagnétiques. Alors que le soleil émet des ondes de toutes longueurs, la lumière visible est limitée à des ondes dans ce qu'on appelle le spectre visuel, c’est-à-dire la bande d'ondes d'une longueur située entre environ 280 nanomètres et 700 nanomètres (Bonnardel & Varela 2003; Osorio & Vorobyev 2008). Ce sont les ondes de cette longueur qui possèdent juste la bonne quantité d'énergie pour transformer les molécules du groupe des opsines de leur configuration activée (11-cis) en configuration désactivée (all-trans). Chaque type d'opsine se transforme uniquement s’il est touché par des ondes d’une longueur spécifique. Plusieurs millions d'un type de cette molécule se trouvent dans chacune des cellules réceptrices sur la rétine de l’œil. Si suffisamment de lumière pénètre dans l’œil, les molécules de la cellule réceptrice se transforment et un signal électrique est envoyé au cerveau (Conway 2009). Dans ce processus, c'est le type d'opsine qui détermine à quelles longueurs d'onde exactes le récepteur envoie des signaux au cerveau. Le fait de pouvoir percevoir un spectre plus ou moins large dépend alors des différents types d'opsines présentes dans les récepteurs que possède l’œil. Le fait que l’humain ne soit pas capable de voir des ondes plus courtes ou plus longues que ceux du spectre visuel est dû au pur hasard des mutations génétiques durant l’évolution des récepteurs menant à quatre types d'opsines distincts avec chacun son spectre d’absorption limité (Nathans, Thomas, & Hogness 1986). D’autres animaux, comme les oiseaux par exemple, possèdent différents types d’opsines et sont capables de percevoir au-delà du spectre visuel humain des ondes ultra-violettes à moins de 360 nanomètres à 370 nanomètres (Bowmaker 2008; Nathans 1999; Osorio & Vorobyev 2008).

Le fonctionnement de la vue s'illustre aisément à travers l'exemple de la vision achromatique (Wyszecki et al. 1982). Cette forme de vision avec un seul type de récepteur caractérise beaucoup d'animaux (Bowmaker 2008). Nous connaissons tous ce type de vision en nuances de gris quand nous essayons de voir la nuit, car notre vue nocturne fonctionne avec un seul type de récepteurs, surnommés « bâtonnets » (Wyszecki et al. 1982). Physiologiquement, la vision avec un seul type de récepteur ne permet que de percevoir des différences dans la quantité globale d'ondes, ce qui revient à voir des nuances de luminosité (noir, gris, blanc), mais ne permet pas de distinguer les couleurs (Conway 2009; Nathans, Thomas, & Hogness 1986). Afin de pouvoir distinguer ces dernières, le cerveau nécessite alors différents types de signaux neuronaux provenant du même objet perçu. Différents objets de l’environnement d’un individu présentent différentes couleurs, car chacun reflète la lumière ambiante différemment. Les différentes ondes reflétées ne sont cependant pas aléatoires,

mais spécifiques aux molécules de la surface de chaque objet (Wyszecki et al. 1982). En effet, chaque molécule d’une surface donnée absorbe des ondes de différentes longueurs, ce qui crée un spectre spécifique pour chaque reflet. Ce spectre peut être mesuré avec un spectromètre qui enregistre une courbe d'absorption démontrant l'intensité de chaque onde en fonction de sa longueur (Figure 5). Pour chaque surface, la courbe de ce spectre de réflexion diffère. Contrairement à un spectromètre, les récepteurs naturels de la rétine humaine ne peuvent pas mesurer différentes longueurs d'onde indépendamment comme cet appareil (Nathans, Thomas, & Hogness 1986; Nathans 1999). Chaque récepteur absorbe plus ou moins bien toutes les ondes en même temps, donc il ne fait qu'absorber de l'énergie (Figure 6). En conséquence, le signal électrique envoyé au cerveau par un récepteur peut être le même, que le récepteur ait absorbé l’énergie d'une onde qui l'active très facilement ou qu'il ait absorbé l'énergie de plusieurs ondes qui ne l'activent que très difficilement. Ainsi, un seul type de récepteurs ne permet pas de distinguer avec fiabilité deux types d’ondes différentes.

Afin de pouvoir distinguer deux ondes différentes de manière fiable, il faut au moins deux types de récepteurs différents (Conway 2009). En effet, même si chaque type de récepteur absorbe plus ou moins bien toutes les ondes, le niveau d'activation optimal de chaque type de récepteur est différent. Alors qu'un seul récepteur ne permet pas de différencier une onde d'une longueur qui l'active très facilement et plusieurs ondes d'une longueur qui l'activent moins bien, l'ajout d'un second type de récepteur permet de différentier les deux cas. Par exemple, un récepteur de type A est activé par un quantum de lumière d’une longueur d'onde de 600 nanomètres ou par deux quanta de lumière d’une longueur de 400 nanomètres. Seul avec ce type de récepteur, le système visuel n'est pas capable de faire la différence entre les deux cas. En ajoutant un récepteur de type B activé par un quantum de lumière de 400 nanomètres ou deux quanta de lumière d’une longueur de 600 nanomètres, le système visuel peut comparer les deux signaux électriques des deux types de récepteurs et ainsi distinguer les deux cas : 1 quantum de 600 nanomètres va activer le récepteur de type A, mais pas le récepteur de type B, donc il s'agit bien de lumière de 600 nanomètres. Si nous avons deux quanta de 400 nanomètres, nous allons avoir une activation du récepteur de type A et une activation très forte du récepteur de type B. De manière similaire, toutes les combinaisons de cas possibles peuvent être distinguées.

La perception de la couleur est une interprétation par le cerveau de différents spectres de réflexion (Conway 2009). Si deux surfaces reflètent des spectres différents, un système visuel doté de deux types de récepteurs différents est capable de distinguer ces spectres et les interprète comme deux couleurs différentes. Plus les deux spectres se ressemblent, plus ils présentent de la même couleur. Plus les spectres sont différents, plus ils sont de couleur différente. Cette vision dichromatique est

typique à toutes les espèces de mammifères (Osorio & Vorobyev 2008). Cependant, le cortex visuel étant extrêmement flexible, il peut intégrer et correctement interpréter de nouveaux signaux neuronaux provenant de nouveaux types de récepteurs de couleur en quelques jours seulement (Jacobs, Williams, Cahill, & Nathans, 2007). À titre d’exemple, nous pouvons citer la première expérimentation transgénique avec des singes dichromates, à qui des chercheurs ont permis de développer un troisième type de récepteurs sur leur rétine par une manipulation génétique. Cette manipulation a permis aux singes de rapidement développer leur capacité à distinguer plus de spectres différents qu’auparavant, c’est-à-dire que par une manipulation transgénique, les chercheurs ont transformé les singes dichromates en singes trichromes en quelques jours. Ces études prouvent ainsi qu’en dépit de ces différents récepteurs, la perception des couleurs ne se fait pas au niveau de la rétine, mais dans un processus neuronal complexe dans le cerveau que nous allons exposer dans la partie suivante.

: Illustration des spectres reflétés de différents objets. La neige apparaît blanche parce qu’elle reflète toutes les longueurs d’onde du spectre de manière égale, alors que l’herbe ne reflète que certaines longueurs d’onde (Wyszecki et al. 1982).

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