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L’atmosphère environnante, au moment d’une exposition à une communication, influence le processus de persuasion. En effet, de nombreuses études montrent que l’atmosphère d’un point de vente ou celle d’un site de e-commerce peuvent influencer les émotions et les motivations du consommateur et ainsi orienter son comportement de choix (Allagui & Lemoine 2008; Dauce et al. 2002; Eroglu, Machleit, & Davis 2001, 2003; Filser 2003; Krishna 2012; Lemoine 2008). Cependant, cette influence dépend non seulement des stimulations sensorielles, mais aussi de l’ensemble des stimulations dans leur contexte.

Le concept d’atmosphère au point de ventre a été décrit pour la première fois par Kotler (1973) dans son article intitulé « Atmospherics as a Marketing Tool ». Nous constatons que l’histoire de cet article est un excellent exemple pour illustrer la façon dont l’atmosphère peut influencer le comportement de choix en fonction du contexte spécifique. En effet, Kotler (1973) note qu'avant les années 1970, la communication était avant tout faite par et pour des consommateurs rationnels avec des moyens financiers modérés. Ce n'est qu'à la fin des années 1960 que des produits de divertissement et de luxe sont devenus un marché tellement important, que les points de vente de ces produits se sont fait remarquer par leurs intérieurs travaillés et qu’ils ont dû visiblement se démarquer des magasins habituels. Les points de vente des marques de chaussures ou de meubles, les restaurants ou encore les

aéroports, accueillaient des consommateurs aisés qui s'intéressaient moins aux prix et aux performances techniques des produits consommés qu'à l'expérience de consommation elle-même. Pour cette cible, acheter en magasin était une expérience faisant partie intégrante de la consommation du produit, au point de devenir même plus importante que le produit lui-même, ce qui s'illustre très intuitivement par l'exemple des restaurants de luxe, où le produit est moins important pour le consommateur que le fait de le consommer dans ce restaurant spécifique. Avec l’amélioration du niveau de vie de la population, Kotler (1973) prédit alors que l'atmosphère du point de vente pourrait bien devenir un élément stratégique dans les années qui devaient suivre la publication de son article. Cependant, il fallut attendre les années 1980 pour voir finalement émerger des études sur l'atmosphère (Bitner 1992).

Kotler n’avait en effet pas pu deviner le choc pétrolier de 1973. Cet incident, qui a plongé les économies mondiales dans une profonde crise, a radicalement changé le contexte de consommation. Nous constatons qu’en conséquence, les études sur la distribution entre 1974 et 1975 portaient à nouveau sur la mise en avant du prix en point de vente et non pas de l’atmosphère (Turley & Milliman 2000). Retenons alors que l'approche de Kotler (1973) était pertinente pour le contexte d’une économie en croissance et pour des consommateurs au pouvoir d'achat en hausse, moins préoccupés par la performance objective des produits et plus sensibles à l’expérience d’achat périphérique aux produits, notamment l'atmosphère du point de vente. Il n'est donc pas surprenant que l'intérêt des chercheurs et praticiens au sujet de l'atmosphère ne revienne qu'avec la croissance économique des années 1980 (Turley & Milliman 2000).

Un deuxième exemple de l’importance du contexte se trouve dans l’article de Mehrabian et Russell (1974). Dans ce dernier, les chercheurs expliquent le principe fondamental du fonctionnement de l’influence atmosphérique par des motivations et des émotions. Ils notent qu’une atmosphère suscitant des émotions positives sera à l’origine d’une motivation d’approche (approach) envers un produit ou une communication dans un environnement donné. À l'inverse, une atmosphère suscitant des émotions négatives va provoquer une motivation d'évitement (avoidance). Ceci mène dans un point de vente à une exploration de celui-ci ou une fuite. Même pour un site e-commerce, Eroglu Machleit et Davis (2001, 2003) ont démontré qu’une atmosphère agréable suscite un comportement d'approche, ce qui se traduit par une durée de visite prolongée, une plus grande volonté d'explorer l'offre, une intention de revisiter le site et une augmentation de l'intention d'achat. Comme l’article de Kotler (1973), celui de Mehrabian et Russell (1974) fut victime de la crise économique et il fallut attendre que le contexte de consommation change pour que Donavan et Rossiter (1982) puissent introduire leurs théories et méthodes de psychologie environnementale en marketing.

Dix ans après Donavan et Rossiter (1982), le nombre d'études croissant permit à Bitner (1992) de formuler un premier modèle spécifique au marketing portant sur l'ensemble du processus de persuasion par l'atmosphère. Ce modèle se base sur celui du S-O-R (stimulus – organisme – réaction) de Mehrabian et Russel (1974) et intègre la notion émanant de la psychologie environnementale qui postule que l'atmosphère est perçue par le consommateur dans sa globalité et de manière subjective. D’un point de vue marketing, le modèle contient l'intégralité des stimuli importants au sein du point de vente ainsi que les réactions mentales et comportementales d'intérêt pour les chercheurs et praticiens (Bitner 1992). Le modèle de Bitner (1992) a pu alors servir comme formalisation du cadre théorique en marketing et sera largement repris par la suite pour étudier les effets de l'atmosphère sur le consommateur.

L'apport primaire du modèle de Bitner (1992), au-delà de la formalisation des interactions entre toutes les variables classiques en marketing, réside dans l’apport de deux nouveautés majeures qui orienteront par la suite le développement du marketing sensoriel, qui focalise sur chacun des sens individuellement :

1. Premièrement, le modèle ne tient pas seulement compte des réactions cognitives et affectives, mais aussi des réactions physiologiques pouvant également influencer les réactions comportementales. En effet, Bitner (1992) constate que les personnes dans un point de vente réagissent physiologiquement à la température, à la luminosité, au bruit et à l'ergonomie de l'espace et des meubles. Nous constatons qu'il faudra attendre le début des années 2000 avant que les chercheurs en marketing n’intègrent des concepts théoriques de la neurophysiologie pour mesurer les réactions physiologiques dans l'étude de l'atmosphère en point de vente, donnant ainsi naissance au marketing sensoriel (Krishna 2012).

2. Deuxièmement, le modèle prend en considération l'influence de l'atmosphère non seulement sur le consommateur, mais également sur le personnel de service. En effet, l'objectif primaire de Bitner (1992) était justement de souligner l'importance de ce personnel comme élément central de l'atmosphère. Cette situation peut provoquer des situations paradoxales, par exemple une musique agréable et joyeuse peut participer à la création d’une atmosphère favorable à l'achat chez le consommateur, cependant, repassée en boucle toute la journée, elle peut vite devenir désagréable pour le personnel de service (Bitner, 1992). Ce ressenti négatif du personnel détériore ensuite la perception de l’atmosphère par le consommateur. Malgré les implications importantes en marketing, il faudra attendre le développement du marketing sensoriel dans les années 2000 pour que revienne à nouveau un intérêt général pour l'influence du personnel de service dans l'étude de l'atmosphère en point de vente (Dauce et al. 2002).

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