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L’étude de s prédispositions comportementales du consommateur à des stimuli sensoriels par le protocole de recherche de l’écologie comportementale

D’après la théorie de l’évolution par la sélection naturelle, le consommateur possède des prédispositions comportementales innées (Saad 2013; Waldorp et al. 2011; Wells 2012). Comme nous l’avons exposé auparavant, la sélection naturelle opère depuis le début de l’évolution, ce qui veut dire que tous les individus vivant aujourd’hui adoptent des comportements adaptés à leur environnement, hormis quelques variations aléatoires (Davies, Krebs, & West 2012; Futuyma 2009). La réponse générale issue de la théorie de l’évolution à la question « pourquoi » un consommateur réagit favorablement à un stimulus spécifique est parce que ce choix lui aurait apporté un avantage dans un milieu naturel ancestral.

En observant le comportement de choix d’un consommateur face à un stimulus visuel, l’approche du « consumérisme darwinien » propose d’imaginer comment ce comportement aurait pu être adaptatif dans un environnement ancestral fictif (EEA), puis d’en déduire des hypothèses et, si possible, de les tester dans une étude expérimentale (Griskevicius et al. 2011; Saad 2006, 2013; Waldorp et al. 2011). Contrairement à cette approche critiquable pour son caractère narratif, la validité de l’approche de l’écologie comportementale provient d’une étude approfondie de trois types d’études qui doivent toutes soutenir l’hypothèse d’une prédisposition comportementale innée (Davies, Krebs, & West 2012) :

1. Dans un premier temps, le chercheur en écologie comportementale doit mener une étude phylogénétique. Cette étape permet de collecter le plus grand nombre d’informations sur l’évolution du système de communication entre celui qui émet un stimulus et le destinataire qui réagit. À cette fin, le chercheur recense les études existantes à travers différentes disciplines, permettant ainsi de reconstruire la phylogénie du système de communication. 2. Dans un deuxième temps, le chercheur en écologie comportementale doit mener une étude

comparative des comportements face à un stimulus parmi les différentes sociétés humaines ainsi que parmi les espèces apparentées à l’humain. Cette étude peut se réaliser par l’observation directe ou par l’étude de la littérature.

3. Dans un troisième temps, le chercheur en écologie comportementale doit étudier des expérimentations de l’effet du stimulus afin de pouvoir exclure la possibilité d’expliquer le comportement par des hypothèses alternatives à celle de l’hypothèse de la prédisposition innée.

Le protocole de recherche de l’écologie comportementale permet d’identifier des prédispositions comportementales, dont le caractère inné est soutenu par des résultats d’études phylogénétiques, comportementales comparatives et expérimentales. Cependant, nous notons que ce protocole ne donne du sens que s’il est appliqué à des stimuli visuels naturels pour lesquels des prédispositions ont pu évoluer. Nous constatons que c’est précisément cette limite qui n’est pas nécessairement respectée par les études de « consumérisme darwinien », dans lesquelles des stimuli qui existent en marketing sont expliqués a posteriori en postulant une prédisposition comportementale innée et ayant évolué dans un environnement ancestral fictif (Cohen & Bernard 2013). C’est également cette limite qui ne permet pas à l’approche de l’écologie comportementale d’étudier tout type de stimuli visuels tels qu’ils sont utilisés dans des communications en marketing. La réponse évolutionniste à « pourquoi un consommateur est-il influencé dans son comportement de choix par un stimulus visuel d’une communication ? » ne peut être fournie que par une étude de stimuli visuels tels qu’il en existe dans la nature, et qui peuvent, ou non, déjà être utilisés en communication.

Nous soulignons ici que l’approche de l’écologie comportementale ne dépend pas de l’utilisation de stimuli visuels en communication. En effet, en théorie, une étude faite avec cette approche pourrait prédire un comportement de choix spécifique face à un stimulus particulier sans que celui-ci ne soit utilisé en marketing. En conséquence, cette approche ouvre une perspective, à notre connaissance unique, à l’étude du comportement de choix du consommateur : en identifiant des prédispositions comportementales innées pour un stimulus naturel, il est théoriquement possible de prédire a priori le comportement de choix universel du consommateur face à ce stimulus visuel présenté dans une communication, sans que ce dernier n’ait jamais été utilisé en marketing auparavant.

Introduction

À la fin des années 1990, Kirmani et Rao (2000) ont conceptualisé une théorie qui permettait de répondre à la question du « pourquoi » un stimulus visuel suscite un comportement de choix : au lieu d’étudier les effets que peuvent produire les variations des paramètres d’un stimulus visuel, la teinte de la couleur ou la rondeur d’une forme par exemple, Kirmani et Rao (2000) considèrent que ce qui suscite une réaction du consommateur à l’égard d’une communication est le fait de pouvoir en tirer un avantage. La qualité recherchée chez un stimulus visuel ne doit en conséquence pas être sa capacité à stimuler physiologiquement des récepteurs de l’œil, mais sa capacité à transmettre une information au consommateur qui lui permettra d’évaluer les avantages qu’il peut gagner en réagissant. En d’autres termes, les consommateurs ne réagissent pas à un simple stimulus, mais à un signal.

Deux courants de recherche en sciences de gestion et en économie ont commencé, à partir des années 1970 et 1980, à étudier les qualités que les consommateurs associaient aux différents stimuli dans des communications marketing (Gerstner 1985; Jacoby, Olson, & Haddock 1971; Kirmani & Wright 1989; Nelson 1970, 1974; Rao & Monroe 1989; Wernerfelt 1988). Il s’avère que les consommateurs font, par exemple, un lien entre la qualité du design du produit ou de son packaging avec son coût de production et la créativité de la marque. En conséquence, l’appréciation du « design », c’est-à-dire de la combinaison spécifique de formes et de couleurs, constitue un indicateur de qualité. Ce type d’association a ensuite été utilisé par les entreprises afin d’influencer volontairement les consommateurs en leur présentant des stimuli choisis, lesquels devaient leur signaliser la qualité des produits. Kirmani et Rao (2000) proposent alors d’étudier les stimuli en communication non comme des stimulations physiologiques indépendantes, mais comme des signaux permettant de transmettre des messages de qualité aux consommateurs.

Nous constatons que la théorie des signaux en marketing pourrait servir de fondement théorique à l’étude de la fonction du comportement de choix face à des stimuli visuels, et de la question du « pourquoi » ces stimuli influencent le comportement du consommateur. Cependant, il est à noter que cette théorie de Kirmani et Rao (2000) n’a pas été utilisée en recherche marketing à cet effet. Utilisée notamment en tourisme et en communication en ligne, elle sert aujourd’hui à étudier « comment »

des signaux existants influencent le comportement de choix, soit par les entreprises, soit par le bouche-à-oreille et les commentaires des consommateurs (Hu & Rabinovich 2015; Mavlanova et al. 2015; Vega, Gil, & Del Vecchio 2014). Ces signaux sont spécifiques à leurs environnements socioculturels et peuvent en conséquence être caractérisés comme signaux « sociétaux ». Nous allons exposer dans cette partie les concepts de la théorie du signal en marketing et explorer de quelle manière ils pourraient servir de fondement théorique, l’objectif étant d’élargir l’étude des signaux en marketing à l’étude des signaux naturels auxquels les consommateurs réagissent en raison de la fonction « biologique » du comportement.

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