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Afin de pouvoir soutenir l’hypothèse d’une prédisposition innée, le protocole de l’écologie comportementale nécessite non seulement une étude de la phylogénie ainsi qu’une étude du comportement face à un signal naturel, mais également des expérimentations pouvant la tester. Concrètement, des expérimentations doivent permettre de falsifier l’hypothèse nulle qu’il n’existe pas de prédisposition pour le signal du fruit mûr. À cette fin, les expérimentations doivent permettre de démontrer que le signal du fruit mûr suscite des comportements singuliers et différents de tout autre stimulus. En effet, une hypothèse alternative à celle de la prédisposition pour le signal du fruit mûr pourrait être celle que les réactions comportementales observées sont dues à une prédisposition

9 Définition du LAROUSSE de platyrhinien : « Singe d'Amérique, aux narines séparées par une large cloison, à queue

à réagir spécifiquement à des couleurs rougeâtres ou à des formes arrondies. Ce cas a été étudié en effet dans plusieurs expérimentations neurologiques :

1. Premièrement, Nummenmaa et al. (2011) et Rutters et al. (2015) ont testé plusieurs objets de la même couleur et aux formes similaires. L’attraction et l’approche ont été observées avant tout pour les fruits mûrs et non pas pour des voitures rouges ou des légumes ronds. Toutefois, les chercheurs ont pu démontrer que plus un objet ressemblait à un fruit mûr, plus il suscitait l’attraction et l’approche. Ces expérimentations permettent alors de falsifier l’hypothèse d’une prédisposition spécifique à la couleur ou à la forme et soutiennent l’hypothèse d’une prédisposition pour le signal du fruit mûr.

2. Deuxièmement, dans son étude neurologique, Rappaport (2012) a pu montrer que la perception du signal du fruit mûr se fait à travers une combinaison mentale de la forme d’un fruit et de la couleur du mûrissement, qui retient l’attention et active le traitement neuronal, si le signal correspond à un prototype prédéfini. En conséquence, elle constate une efficacité de traitement du signal du fruit mûr plus élevée que pour tout autre stimulus présentant une autre couleur ou forme. Cependant, comme dans l’étude de Nummenmaa et al. (2011), Rappaport (2012) montre que plus les stimuli ressemblent à un fruit mûr en couleur et en forme, plus le traitement neuronal ressemble à celui du signal du fruit mûr. Cette étude expérimentale permet alors également de falsifier l’hypothèse d’une prédisposition spécifique à la couleur ou à la forme en avançant que seule la conformité spécifique au prototype mental du fruit mûr suscite les réactions observées et soutient ainsi l’hypothèse d’une prédisposition pour le signal du fruit mûr.

3. Troisièmement, Rutters, Kumar, Higgs et Humphreys (2015) montrent également, dans une expérimentation neurologique, que des représentations de fruits suscitent une activation spécifique de la mémoire et un traitement cognitif approfondie du stimulus. Cette étude expérimentale permet aussi de falsifier l’hypothèse d’une prédisposition spécifique à la couleur ou à la forme et soutient ainsi l’hypothèse d’une prédisposition pour le signal du fruit mûr.

Si ce ne sont ni la couleur ni la forme, mais bien le signal du fruit mûr qui suscite les réactions neuronales, une deuxième hypothèse alternative pourrait encore suggérer qu’il n’existe pas de prédisposition spécifique pour les fruits mûrs, mais pour tout type de nourriture naturelle. Dans leur étude neurologique, Nummenmaa et al. (2011) ont pu confirmer que les fruits attirent davantage l'attention et suscitent une motivation d’approche, alors que des légumes ne suscitent pas ces

réactions. Cette expérimentation falsifie ainsi l’hypothèse d’une prédisposition générale pour la nourriture et soutient ainsi l’hypothèse de la prédisposition pour le signal du fruit mûr.

Ni la couleur ni la forme ne semblent susciter les réactions comportementales observées face à un fruit mûr, ni le fait que le fruit soit de la nourriture. Cependant, une troisième hypothèse alternative pourrait avancer qu’il n’existe pas de prédisposition spécifique pour les fruits mûrs, mais pour les fruits en général, peu importe leur état de maturation. Dans une étude expérimentale antérieure à cette étude doctorale, nous (Wehrle & Schaefer 2011; Wehrle 2010) avons testé l’attraction suscitée par des fruits mûrs, à couleur rougeâtre, et pas mûrs, à couleur verdâtre. En effet, si des fruits mûrs comme pas mûrs suscitent le même comportement, nous ne devrions pas observer de différence dans l’attraction entre les deux conditions. Cependant, en testant l’attraction envers un partenaire sexuel potentiel, nous constatons que le fait de présenter un fruit rougeâtre renforce l’attractivité du partenaire, alors que le fait de présenter un fruit verdâtre ne produit aucun effet. Cette expérimentation falsifie ainsi l’hypothèse d’une prédisposition générale pour les fruits et soutient l’hypothèse de la prédisposition spécifiquement pour le signal du fruit mûr.

En conclusion, en plus des études phylogénétiques et comportementales que notre revue de littérature nous a permis d’identifier, les expérimentations étudiées ci-dessus soutiennent également l’hypothèse de la prédisposition comportementale pour le signal du fruit mûr. En effet, ces expérimentations écartent les hypothèses alternatives selon lesquelles les réactions observées face à des fruits mûrs proviennent a) d’une prédisposition pour des couleurs rougeâtres ou des formes arrondies, et b) d’une prédisposition pour de la nourriture et même d’une prédisposition pour les fruits seulement.

Conclusion

La théorie des signaux en marketing prédit que le consommateur adoptera une réaction comportementale spécifique face à un stimulus parce que le comportement a une fonction. Nous avons pointé le fait que la fonction « biologique » d’un comportement peut mener à l’évolution d’une prédisposition comportementale innée. Ces prédispositions ancestrales ont, de leur côté, la capacité d’influencer, aujourd’hui encore, le comportement du consommateur. Le stimulus visuel suscitant une prédisposition comportementale innée peut ainsi être défini comme un signal naturel.

À travers une revue de littérature interdisciplinaire, nous avons étudié les signaux naturels existants dans des systèmes de communication naturels chez l’humain. Nous avons pu identifier un nombre restreint d’études de la phylogénie du système de communication entre plantes et humains ainsi que des études sur les réactions comportementales chez l’humain et chez des espèces apparentées vis-à- vis de fruits mûrs. En appliquant le protocole de recherche de l’écologie comportementale à l’étude du signal naturel du fruit mûr, nous avons pu soutenir l’hypothèse d’une prédisposition comportementale chez l’humain à réagir par un comportement de choix favorable à ce signal :

1. L’étude de la phylogénie du système de communication entre plantes fruitières et les humains a montré que le signal du fruit mûr est fondamental pour l’évolution humaine.

2. L’étude du comportement humain face au signal d’un fruit mûr montre qu’il suscite un comportement d’attraction et de préférence. L’étude des espèces apparentées à l’humain a montré que le signal du fruit mûr suscite également chez ces espèces un comportement de choix favorable (attraction de l’attention, adaptation du parcours de forage, choix des fruits mûrs).

3. L’étude des expérimentations de l’effet du signal du fruit mûr sur les réactions neuronales et le comportement a montré que ce signal retient l’attention et active la mémorisation ainsi que l’activité cognitive. Ces effets sont spécifiques au signal du fruit mûr et le distinguent de stimuli de couleur rougeâtre et de forme arrondie, d’autres types de nourriture et même de fruits pas mûrs.

Les résultats de notre revue de littérature soutiennent l’hypothèse que le stimulus visuel du fruit mûr est un signal naturel pour lequel les humains ont évolué vers une prédisposition comportementale menant à un choix favorable. Rappelons que l’objet de cette étude doctorale n’est pas de démontrer qu’il existe des prédispositions innées chez le consommateur, mais de tester comment des prédispositions, identifiées par l’application du protocole de recherche de l’écologie comportementale, influencent le comportement du choix du consommateur. Ainsi, sur la base de notre

étude des recherches existantes, nous pouvons procéder dans le prochain chapitre à l’intégration du concept du signal naturel au processus de persuasion.

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