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1. Contexte de constitution des collections de minéralogie au Jardin

1.1. Historique du Jardin du Roi et du Muséum national d’Histoire naturelle

1.1.3. Le Jardin devenu Muséum national d’Histoire naturelle

1.1.3.3. La transformation de l’Hôtel de Magny

Pour terminer cette description historique du Jardin des Plantes et du MNHN, nécessaire à poser les fondements inhérents à la constitution des collections et à leur aménagement au fil des années et des siècles, nous allons revenir plus en détails sur un exemple précis. Il s’agit de celui d’un édifice, propriété du Muséum, dont l’utilisation aura été assez symptomatique de ce

127

Franck Bourdier, op. cit., p. 50.

Plan topographique du Jardin des plantes.

BOITARD Pierre. Le Jardin des

plantes description et mœurs des mammifères de la ménagerie et du Muséum d'histoire naturelle. 1842.

© Muséum national d'Histoire naturelle, Dist. RMN-Grand Palais. Image du MNHN, bibliothèque centrale.

que l’institution pratique avec ses constructions, modelant les usages et les fonctions aux besoins naissants, et usant d’ailleurs, de changements et transformations parfois conséquents.

L’Hôtel de Magny est acquis en 1787 sous l’administration de Buffon, avec comme objectif de libérer de l’espace dans le Cabinet d’Histoire naturelle « souffrant » pour ainsi dire de ses collections, un problème très récurrent tout au long de l’histoire du Muséum, plus précisément par l’arrivée trop importante de spécimens. Le Cabinet est alors encore occupé par des membres du personnel du Jardin du Roi. Buffon quant à lui avait déjà choisi d’y libérer ses appartements complètement, en s’installant dans l’Intendance toute proche, dite aussi « Maison de Buffon », mais des membres comme Daubenton ou Bernard-Germain de Lacépède (1756-1825)128 ont toujours leur logement au dernier niveau du Cabinet, dans ce qui n’est pas encore le deuxième étage, mais plutôt les combles du vieux Château129

. Cette acquisition de l’Hôtel de Magny leur permet ainsi d’y emménager, libérant de ce fait de l’espace pour les collections dans le Cabinet, après une phase d’aménagements que nous détaillerons par ailleurs.

L’Hôtel de Magny est un hôtel particulier édifié à la fin du XVIIe

siècle par l’architecte Pierre Bullet130. Son plan est original, puisqu’il ne présente pas sa façade principale à la rue de Seine, aujourd’hui rue Cuvier, mais seulement une façade latérale, la façade Nord, décorée d’un fronton orné d’une divinité marine (cf. Annexe P4 ; 2). Dépendant de l’hôtel, un jardin prenait place du côté du levant et offrait un espace vierge dont Buffon s’empressa de tirer parti en y faisant bâtir l’amphithéâtre qui faisait tant besoin : le futur amphithéâtre Molinos.

128 Bernard Germain Étienne de Laville-sur-Illon, comte de Lacépède est alors garde et sous-démonstrateur du Cabinet

d’Histoire naturelle. Au cours du XIXe

siècle il reçoit la chaire de zoologie en tant que Professeur des reptiles et poissons.

129

Antoine Laurent de Jussieu, « Sixième notice historique sur le Muséum §. VI. Depuis 1760 jusqu’en 1788 », dans

Annales du Muséum d’histoire naturelle, Tome onzième, 1808, p. 27-28 : « La collection d’histoire naturelle prenoit chaque jour de l’accroissement, et paroissoit exiger une addition de locaux ; ce qui ne pouvoit se faire qu’en déplaçant les gardes du cabinet logés dans l’étage supérieur, et en disposant cet étage pour y recevoir les collections nouvelles. […] Daubenton abandonna, vers la fin de 1787, son logement sur le cabinet, pour habiter la partie inférieure de la maison Magny ».

130

Jean-Marie Pérouse de Montclos, « Saint-Victor », dans Le Guide du Patrimoine, Paris, 1994, p. 398. Jardin des Plantes (dans le fond l’Hôtel de Magny ; à droite l’amphithéâtre Molinos), Ebner, 1804.

© Muséum national d'Histoire naturelle, Dist. RMN-Grand Palais. Image du MNHN, bibliothèque centrale.

L’hôtel est ainsi habité successivement par les Professeurs du Muséum, facilitant de fait la proximité avec l’établissement. Par la suite, au courant du XIXe

siècle, l’établissement fait l’objet de réparations et de restaurations, qu’on accompagne par la même occasion de transformations, ceci dans le but de lui conférer une nouvelle utilisation. C’est tout d’abord l’article 11 du projet de règlement de 1864 qui nous renseigne sur cette nouvelle destination :

« Avant d’être répartis dans les collections, les objets offerts en don au Muséum, devront être, autant que possible, exposés, pendant un temps déterminé, dans une salle spéciale, avec mention du nom du donateur. Cette salle sera ouverte aux étudiants et au public aux jours et heures fixés par le règlement général des entrées »131.

Ensuite, une correspondance établie entre le service d’architecture du Muséum et le Ministre de la Maison de l’Empereur et des Beaux-Arts sous le Second Empire, nous renseigne davantage sur les circonstances et le déroulement des opérations. En 1866, l’architecte Rohault de Fleury est sur le point de quitter ses fonctions au Muséum et de passer le relais à son successeur Jules André, qui se charge des opérations concernant l’Hôtel de Magny. Il explique que le bâtiment était jusqu’alors habité par un des Professeurs de zoologie du Muséum, Achille Valenciennes (1794-1865). Il indique aussi que l’hôtel vient de recevoir ses premiers travaux destinés à en transformer une partie en bureaux de l’administration. Cette dernière est installée depuis 1795 dans la maison Léger, du nom de son ancien propriétaire, à qui le Muséum avait racheté plusieurs propriétés localisées à l’Ouest de l’Hôtel de Magny132. Toutefois, en 1866 la situation a changé, ce que nous confirme Jules André, qualifiant alors « les bureaux de l’administration trop à l’étroit dans le local qu’ils occupent

encore aujourd’hui »133

. On retiendra surtout le second point mentionné par l’architecte, d’envisager la transformation de l’Hôtel en un lieu d’exposition. Plus précisément, le directeur du Muséum de l’époque, Eugène Chevreul134

, souhaite réserver une des salles du soubassement de l’édifice à l’exposition première des objets acquis. On prévoit ainsi l’aménagement de tables au pourtour de l’ancienne salle à manger, de façon à présenter ces objets avant qu’ils ne soient classés et envoyés au Muséum135

. Des plans en conséquence ont d’ores et déjà été réalisés par Rohault de Fleury en 1865, mentionnant au soubassement de l’hôtel les « Salles d’Exposition et de déballage » (cf. Annexes P4 ; 5, 6, 7).

131 A.N. F17 3880 : Projet de règlement, Muséum d’Histoire Naturelle, Le Ministre de l’Instruction publique, arrêté à

Paris le 2 janvier 1864.

132

Joseph Deleuze, op. cit., p. 85.

133

A.N. F21 826 : lettre de Jules André au Ministre de la maison de l’Empereur et des Beaux-Arts, le 15 janvier 1866.

134

Michel-Eugène Chevreul (1786-1889), Professeur de la chaire de chimie et directeur du Muséum national d’Histoire naturelle de 1836 à 1837, puis de 1840 à 1841 et enfin de 1864 à 1879.

135

A.N. F21 826 : Rapport du Directeur des Bâtiments civils et du Secrétaire général au Ministre de la Maison de l’Empereur et des Beaux-Arts, le 3 février 1866.

Cette démarche s’inscrit dans la même logique qu’à la fin du XVIIIe

siècle, où c’était le manque d’espace qui pousse le Jardin du Roi à faire l’acquisition de ce bâtiment, afin de s’y déployer selon une meilleure organisation. La question des envois et réceptions réguliers d’objets prévaut aussi de tout temps au Muséum et a bien souvent été l’expression d’un malaise du personnel, confronté à ces problèmes de gestion. Rétrospectivement, cette action menée à l’Hôtel de Magny s’inscrit donc bien dans l’évolution que poursuit l’établissement en général, où l’on constate que les difficultés rencontrées, rattachables majoritairement au développement même du Muséum, finissent par se résoudre en privilégiant soit la réhabilitation d’édifices préexistants, soit la création totale de constructions nouvelles dans un but très précis. Ceci constitue d’ailleurs la richesse et le caractère unique de l’établissement qui a toujours su, au cours de ses trois premiers siècles d’existence, user de démarches innovantes.