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2. Analyse des choix muséographiques

2.1. L’organisation du Droguier du Roi

2.1.1. La création du Droguier du Roi

L’organisation du Droguier du Roi remonte à la création même du Jardin royal des plantes médicinales, cette mission étant en effet énoncée dès l’édit de 1635 qui institue l’établissement. Le Jardin est alors placé sous la direction d’un Surintendant et, de façon à en gérer plus efficacement l’organisation quotidienne, un Intendant est également choisi. Le premier est le médecin Guy de la Brosse, présent depuis les premiers édits de 1626 par lesquels Louis XIII annonçait cette création du Jardin. L’action de Guy de la Brosse et son travail au Jardin ont été décisifs dans le déploiement de l’institution. Celle-ci connaît en effet son premier âge d’or en ce milieu du XVIIe

siècle272. Cette situation est toutefois brève, puisque les successeurs de Guy de la Brosse ne mènent ni son action en faveur de l’accroissement des collections, ni en vue de l’augmentation du Jardin. Antoine-Laurent de Jussieu parle même de « calamité pour le nouvel établissement »273.

Concernant la situation du Droguier même, nous n’avons malheureusement que des informations parcellaires. En effet, Guy de la Brosse comme ses successeurs laissèrent peu d’écrits décrivant ce droguier. Il semblerait malgré tout que même si l’édit de 1635 prévoyait que l’Intendant ait à sa charge la régie de ce cabinet des drogues274, ce dernier ne semble pas constituer l’intérêt principal des administrateurs du Jardin jusqu’à la fin du siècle.

La situation évolue finalement à partir du début du XVIIIe siècle, où un poste nouveau est créé, celui de « garde du cabinet des drogues du roi »275. C’est Vaillant276 qui en prend la charge, sous l’impulsion de Fagon277

alors à la tête de l’établissement. Les raisons qui ont amené à porter plus de considération à l’égard de ce Droguier sont à rechercher dans la personnalité des membres du Jardin royal des plantes médicinales, dans cette charnière du XVIIe siècle et du XVIIIe siècle. Revenons tout d’abord sur leurs fonctions respectives.

272

Antoine-Laurent de Jussieu, « Notice historique sur le Muséum d’histoire naturelle §. I. Depuis sa fondation jusqu’en 1643 », dans Annales du Muséum national d’histoire naturelle, Tome premier, 1802, p. 14.

273 Antoine-Laurent de Jussieu, « Seconde notice historique sur le Muséum d’histoire naturelle §. II. Depuis 1643

jusqu’en 1683 », dans Annales du Muséum national d’histoire naturelle, Tome second, 1803, p. 1.

274 Principales dispositions de l’édit royal du 15 mai 1635 instituant définitivement le Jardin royal des plantes

médicinales, reproduit dans Philippe Jaussaud, Édouard-Raoul Brygoo, Du jardin au Muséum en 516 biographies, 2004, p. 545.

275

Manuscrits et archives scientifiques du MNHN, Ms 1934 [XIV] : Organisation du jardin des plantes en 1772 et 1792, Notes diverses pour servir à l’hist. du jardin du roi : « Lorsque M. Fagon eut obtenu de la libéralité du roi de faire construire

un cabinet de drogues, il chargea M. Vaillant de faire venir des pays étrangers toutes les drogues nécessaires pour orner ce cabinet. Dès que M. Vaillant eut achevé cet ouvrage, il fut fais [sic] garde du cabinet des drogues du roi ».

276

Sébastien Vaillant (1669-1722), botaniste français, sous-démonstrateur de botanique et en charge du Droguier du Roi.

277

Guy-Crescent Fagon (1638-1718), neveu de Guy de la Brosse, Premier médecin du roi de 1693 à 1715 et botaniste. Il

occupe les postes de sous-démonstrateur en botanique et démonstrateur et opérateur pharmaceutique, il devient le 2 novembre 1693 Intendant du Jardin. Le 7 janvier 1699 il récupère le poste de Surintendant dont la charge avait été

Fagon est l’initiateur de cette décision et marque le renouveau du Jardin. Il est le neveu de Guy de la Brosse et a passé toute sa vie au Jardin. Il est dans un premier temps sous- démonstrateur des plantes avec en parallèle la charge de démonstrateur et opérateur pharmaceutique278. Sa nomination en tant que Premier médecin du roi Louis XIV le fait accéder au poste d’Intendant du Jardin en 1693279

. En 1699, il récupère le rôle de Surintendant du Jardin, rétabli à son profit après la décision de 1671 de Colbert de le supprimer280. L’administration du Jardin connaît alors une nouvelle époque de succès. Fagon sait en effet s’entourer des personnages les plus à même d’accélérer le développement de l’institution et accroître sa réputation. C’est le cas notamment avec Vaillant mais aussi avec le botaniste Tournefort281 qui remplace Fagon dans ses anciens postes après que ce dernier soit devenu Intendant. L’action de Fagon témoigne par ailleurs du fait qu’il a à cœur de renforcer l’importance de ce Droguier oublié depuis sa création par Guy de la Brosse, en participant notamment à l’enrichissement du cœur des collections282

.

La nomination de Vaillant à la tête du Droguier constitue l’élément initiateur de ce regain d’intérêt dont bénéficie la collection283

. Les évènements qui suivent ne font en effet que confirmer ce déploiement. Le décès en 1708 de Tournefort qui laisse un très riche cabinet d’histoire naturelle constitué tout au long de sa vie et pour lequel il s’est rendu célèbre, en est la manifestation première. Avant de mourir, Tournefort souhaite léguer ses collections au roi et en faire profiter ainsi l’État français284

. Le roi Louis XIV aurait alors décidé sous l’impulsion de Fagon, son Premier médecin et en même tant Surintendant du Jardin royal des plantes médicinales, de les faire venir au Jardin, accroissant d’autant le fonds des collections que le prestige de l’établissement :

« Il [Louis XIV] ordonna de faire transporter au Jardin les fossiles, les concrétions, les squelettes de monstres, les habits de plumes et armes à l’usage des Sauvages et des Amériquains, et le célèbre herbier ou jardin sec de 6000 plantes »285.

278 Yves Laissus, « Le Jardin du Roi », dans René Taton, Enseignement et diffusion des sciences en France au XVIIIe

siècle, 1964, p. 323.

279

Antoine-Laurent de Jussieu, « Troisième notice historique sur le Muséum d’histoire naturelle §. III. Depuis 1682

jusqu’en 1718 », dans Annales du Muséum national d’histoire naturelle, Tome troisième, 1804, p. 2.

280 Yves Laissus, op. cit., p. 321. 281

Joseph Pitton de Tournefort (1656-1708), botaniste et en charge de la chaire de botanique que lui transmet Fagon à son arrivée au Jardin royal des plantes médicinales en 1683.

282

Yves Laissus, op. cit., p. 5.

283

Antoine-Laurent de Jussieu, op. cit., p. 7 : « Il [Vaillant] fut aussi chargé, par le surintendant, d’acquérir beaucoup

d’objets nouveaux pour le Droguier qui fut confié à sa garde et disposé pour l’instruction des élèves ».

284

Franck Bourdier, op. cit., p. 38.

285