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3. La collection minéralogique : Le Cabinet d’Histoire naturelle et

3.1. Une recontextualisation dans la pratique expographique des choix adoptés

3.1.1. La pratique de l’exposition minéralogique

Les premières pratiques se rattachant à des collections minéralogiques remontent à la Préhistoire. On trouve en effet des vestiges témoignant de la réunion par l’homme de spécimens minéralogiques non pour leurs qualités fonctionnelles, mais plutôt esthétiques426. Ce qui permet de l’affirmer tient au fait que des outils ont été par exemple produits à partir de matériaux bruts extrêmement fragiles et que ces matériaux témoignent de qualités esthétiques. Cette pratique s’est développée avec l’Antiquité où s’est ouvert le champ de la recherche en science minéralogique.

Ce n’est toutefois qu’à partir des XVe

et XVIe siècle que l’on trouve les premières grandes collections d’histoire naturelle parmi lesquelles figurent les pièces minéralogiques. On parle ainsi de Wunderkammer, réunissant à la fois les mirabilia, les scientifica, les artefacta ainsi que les naturalia où l’on classe les minéraux427. Samuel Quiccheberg (1529-1569), médecin d’origine anversoise, théorise en 1565 pour la première fois dans les Inscriptiones vel Tituli

Theatri428 ce qui devrait consister en l’organisation idéale d’un tout, et dressant par la même

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On peut citer les outils en cristal de roche provenant du site de Sergeac (Dordogne), datés du Paléolithique moyen, entre 120 000 et 40 000 ans avant notre ère, et conservés au musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye.

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Marie Jullion, Jean-Claude Boulliard, « De collections de minéraux pour quoi faire ? », dans La Lettre de l’OCIM, n° 114, 2007, p. 15.

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Le titre complet peut être traduit par Inscriptions ou titre du théâtre immense comportant toutes les matières de

l’univers et des images extraordinaires si bien qu’il peut à juste titre être appelé aussi réserve des objets fabriqués avec art et merveilleux ainsi que de tout trésor rare, qu’on a décidé de réunir tous ensemble dans ce théâtre afin qu’en les regardant

occasion un inventaire des collections qu’il est possible de rassembler429. Il y inclut les collections d’histoire naturelle dans la troisième classe, celle-ci comprenant également les minéraux. Quant à la destination de ces cabinets, ils étaient clairement tournés vers la curiosité, celle dans laquelle le plaisir visuel, l’exaltation du mystère, du beau mais aussi du monstrueux font recette.

Certaines collections entendent également se spécialiser dans la collection minéralogique, offrant la possibilité de faire une comparaison intéressante avec le devenir du Droguier, du Cabinet et enfin de la Galerie de Minéralogie. L’exemple le plus parlant lorsqu’il s’agit d’évoquer les collections minéralogiques est celui de la Metallotheca, établie au Vatican par Michele Mercati (1541-1593) qui avait la charge du jardin botanique du pape, dont a été conservé le catalogue publié a posteriori, en 1717430. Ce dernier est fort utile pour les nombreuses et riches illustrations qu’il propose, nous donnant à voir la succession des meubles dans lesquels étaient rangés les collections, se

rattachant de façon générale au règne minéral, dans son acceptation la plus large pouvons-nous dire, avec celle consacrée aux Gemma, celle pour les Sal et Nitrum, incluant également d’autres types de collections comme des

Marina431. Une vision générale de l’espace où étaient

conservées les collections, ainsi qu’un passage détaillé sur chaque armoire permettent de rendre compte de l’organisation très hiérarchisée des objets. Ceux-ci sont tous rangés dans des armoires identiques, à l’aspect extérieur évoquant une architecture, et ce quelque soit la catégorie d’objets. Les armoires peuvent être identifiées par une mention écrite sur un bandeau placé au niveau de l’entablement.

et les manipulant fréquemment on puisse acquérir rapidement, facilement et sûrement une connaissance singulière des choses et une sagesse admirable, cité dans Nicolette Brout, « Le traité muséologique de Quiccheberg », dans François

Mairesse et al., L’extraordinaire jardin de la mémoire, 2004, p. 69-135 ; cité dans François Mairesse, André Desvallées, « Brève histoire de la muséologie des Inscriptions au Musée virtuel », dans L’objet de la muséologie, 2005, p. 3.

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François Mairesse, André Desvallées, « Brève histoire de la muséologie des Inscriptions au Musée virtuel », dans

L’objet de la muséologie, 2005, p. 4.

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Michele Mercati, Michele Mercati Metallotheca, opus posthumum… opera… Joannis Mariae Lancisii,… illustratum, 1717, 378 p.

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Arthur Grant MacGregor, Curiosity and Enlightenment : collectors and collections from the sixteenth to the nineteenth

century, 2007, p. 149.

MERCATI Michele. Armoire sal & nitrum, Metallotheca, 1719, p. 24-25.

La comparaison avec le Jardin du Roi, dont la première collection est postérieure d’une vingtaine d’années à la publication du catalogue de la Metallotheca, est intéressante en ce sens qu’elle replace la première réunion d’objets au Jardin dans sa fonction propre et unique, celle d’un conservatoire de produits et substances à usage médicinaux issus du jardin botanique et du laboratoire de chimie. La mention de « cabinet de curiosités » pour désigner cette première collection constitue ainsi une approximation malvenue. En effet, même si certains objets purement décoratifs font partie de la collection du Droguier dès ses premières années d’existence, celle-ci reste avant tout dans le champ médical, jusqu’en 1729 au moins, où le Droguier prend son appellation de Cabinet d’Histoire naturelle. Ceci étant, même si l’aménagement concret de ces premières collections du Jardin reste relativement méconnu par le peu d’informations précises et détaillées existantes, on peut effectuer un rapprochement et noter des similitudes entre l’armoire de la Metallotheca et la représentation par exemple proposée par Sébastien Leclerc (cf. Annexe P1 ; VI ; 6), dans laquelle on observe un droguier en arrière-plan droit, organisé selon un ordonnancement très strict et structuré de ses collections. On peut également noter que cette rigueur se retrouve plus tardivement encore, lorsque dans la représentation de la Galerie du Cabinet du Roi par De Sève en 1749, les collections semblent comme démultipliées à l’identique et rangées dans des bocaux et des flacons (cf. Annexe P1 ; VI ; 1). La vision de l’armoire de la Metallotheca promeut cependant une particularité à remarquer : plus encore que des objets et collections enfermés dans des bocaux, ici plus aucun spécimen n’est visible directement, tous étant enfermés dans les compartiments fermés et numérotés, cachés ou protégés de surcroît par une tablette de travail rabattable, comme le montre chacune des illustrations détaillées des armoires et la vue générale plus encore.

3.1.2. Le Cabinet d’Histoire naturelle entre éloge et remise