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2. Analyse des choix muséographiques

2.1. L’organisation du Droguier du Roi

2.2.1. L’organisation du Château en Cabinet

Buffon entame sa longue administration du Jardin du Roi en 1739 et a à cœur de développer le Cabinet d’Histoire naturelle. Sa première décision consiste à déplacer ce dernier du local servant pour les leçons jusque dans le Château, de façon à lui redonner son emplacement d’origine organisé par Guy de la Brosse. L’enrichissement constant des collections implique toutefois un espace conséquent, aussi décide t-il de faire placer les collections non plus au rez-de-chaussée, mais au premier étage, où se trouvent les logements.

Déjà en 1636 Guy de la Brosse donnait la description de cet étage resté inchangé depuis. On accède à l’étage par un grand escalier en pierre vouté de brique et de pierre de taille. Après avoir traversé une première pièce de six toises de long sur quatre de large, soit 11,67 m. sur 7,78 m., on pénètre dans la « Galerie ». C’est ainsi que Guy de la Brosse dénomme cette longue pièce de douze toises de long et trois de large, soit 23,33 m. sur 5,83 m., décorée au temps de la Brosse de scènes peintes sur la vie de Moïse. En réponse à cette Galerie, en se

310

« Du cabinet de Droguier de Louis XIII au Muséum de 1793 », site internet The EUROMIN Project : « Après sa mort

[à Louis XIV] en 1715, il y a donc eu une période intermédiaire pendant laquelle l’ancien droguier a continué d’accueillir tout ce que l’on ne voulait plus à Versailles, ce qui a nécessité un premier rangement méthodique de cette accumulation de collections diverses (1722-1725) », http://euromin.w3sites.net/Nouveau_site/musees/mnhn/MUSMHNf.htm [29 mai 2014]

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Henri-Jean Schubnel, Pierre-Jacques Chiappero, op. cit., p. 40 : Du reste, les collections encore à Versailles avaient semblait-il pour usage également de servir à l’instruction des Enfants de France et aux jeunes princes.

312

Franck Bourdier, op. cit., p. 38.

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Henry Jouin, Henri Stein, op. cit., p. 5 : « Si Guy de Labrosse [sic] fut le fondateur du Jardin, Buffon en a été le

dirigeant vers le nord, se trouvent les appartements de Buffon. Enfin, un grenier très haut de plafond et éclairé par des fenêtres en mansardes surmonte le premier étage314.

En rapatriant les collections au premier étage du Château, Buffon choisit de les installer dans deux pièces. La première, attenante à son antichambre où se trouve l’escalier, se nomme la salle des herbiers. Il conserve tout de même pour son usage personnel une partie de cette salle. La seconde consiste en la Galerie qui se retrouve complètement aménagée pour recevoir les collections315, qui y restèrent jusqu’à la démolition du bâtiment en 1935.

L’état du Cabinet lors de cette première phase nous est donné par la description faite en 1742 par le naturaliste Joseph Dezallier d’Argenville dans son ouvrage consacré à conchyliologie316. Grâce à cette description, nous sommes en mesure de déterminer les meubles d’exposition ainsi que l’organisation générale des collections. Dezallier d’Argenville ne retient du Cabinet d’Histoire naturelle que la Galerie, anciennement décorée du cycle de Moïse, complètement bouleversée par Buffon où les objets s’organisent du sol au plafond. Il mentionne simplement la présence des herbiers dans la salle qui leur est consacrée.

Cette première phase ne dure cependant pas longtemps, car après 1742, la collection se trouve à l’étroit dans ces deux pièces uniques avec l’arrivée constante de nouvelles collections317. Aussi Buffon prend la décision de concéder à partir de 1744 une partie de son logement aux objets318. Il libère ses appartements situés les plus au Sud du Château, permettant à la salle des herbiers d’occuper l’ensemble de la pièce où elle était jusqu’alors. On nomme désormais cet espace la salle de l’Électricité ou salle des Machines319. En libérant ses appartements, Buffon se sépare également d’un cabinet disposé perpendiculairement à la Galerie. Il est lui aussi investi par les objets, devenant le petit cabinet des bocaux. De cet état peuvent témoigner deux illustrations particulièrement précieuses, les plus anciennes qu’on ait de l’intérieur du Cabinet d’Histoire naturelle, réalisées de surcroit sous l’autorité de Buffon, car faisant partie de son ouvrage capital de l’Histoire naturelle, générale et particulière.

314 Guy de la Brosse, op. cit., p. 21. 315

Antoine-Laurent de Jussieu, « Notice historique sur le Muséum d’histoire naturelle §. V. Depuis 1739 jusqu’en 1760 », dans Annales du Muséum national d’histoire naturelle, Tome sixième, 1805, p. 3.

316

Antoine-Joseph Dezallier d’Argenville, L’Histoire naturelle éclaircie dans deux de ses parties principales, la

lithologie et la conchyliologie, 1742, 492 p.

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Nous avions déjà signaler la correspondance qu’entretenait Buffon avec Artur, médecin du Roi à Cayenne. Dans une de ces lettres, Buffon remercie le médecin pour son envoi de curiosités, le 4 janvier 1742 (Georges-Louis Leclerc de Buffon, Henri Nadault de Buffon, « Lettre de Buffon à Jacques-François Artur, le 4 janvier 1742 », dans Œuvres complètes de

Buffon, Tome 13, 1884-1886, p. 47).

318

Franck Bourdier, op. cit., p. 41.

319

Ibidem. : Cette salle est nommée ainsi peut-être en raison des machines électriques que Buffon, ou même du Fay avant lui y avaient entreposées.

C’est à cette époque qu’arrive Daubenton qui va remplacer Bernard de Jussieu dans son poste à la tête du Cabinet d’Histoire naturelle. En effet, au début de l’administration de Buffon, Bernard de Jussieu s’en trouve trop occupé par ses activités de démonstrateur et par le Jardin pour gérer pleinement le Cabinet. Du reste, il loge loin du Cabinet, ce qui s’avère problématique compte tenu du soin constant que nécessitent les collections, comme l’explique Daubenton par la suite320. Buffon choisit donc ce remplaçant en la personne de Daubenton, un de ses amis d’enfance de Montbard. Daubenton est appelé à Paris par Buffon et dès 1745, il reçoit « la place de garde et démonstrateur du Cabinet d’Histoire naturelle, avec un logement

dans le jardin et un appointement qui de 500 liv. fut bientôt porté à 4000 liv. »321. Signaler le rôle de Buffon dans l’aménagement du Cabinet tout au long du XVIIIe

siècle implique nécessairement d’évoquer immédiatement celui de Daubenton, ce dernier ayant eu la charge de faire exécuter les volontés de Buffon dans les évolutions successives du Cabinet. En outre, ses propres réflexions sont importantes à prendre en compte, puisqu’il est la personne gérant les collections jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, en participant activement aux réaménagements322. C’est particulièrement vrai concernant ce troisième aménagement des collections, après 1742, où la seule description détaillée qu’on ait du Cabinet lui revienne, dans l’article qu’il rédige pour le troisième Tome de l’Histoire naturelle, générale et

particulière de Buffon en 1749.

La situation du Cabinet est ensuite demeurée ainsi jusqu’au courant de l’année 1766, où devant la saturation des espaces une solution devait être trouvée323. Nous nous sommes déjà étendus sur les multiples projets formulés au milieu du siècle par divers architectes mais en définitive, le choix se porta sur une solution beaucoup plus modeste : achever l’occupation totale des collections au premier étage du Château, Buffon laissant ainsi son logement pour partir s’installer à l’extérieur du Jardin324

. Les travaux commencèrent ainsi et à partir de 1767 et les objets sont répartis dans le nouvel aménagement intérieur. Des trois salles antérieurement, ce sont maintenant quatre salles qui sont exclusivement dédiées aux collections. Le grand escalier en pierre qui desservait auparavant le premier étage pour aboutir

320 Georges-Louis Leclerc Buffon, Louis-Jean-Marie Daubenton, Histoire naturelle, générale et particulière : avec la

description du Cabinet du Roy, Tome 3, 1749, p. 7.

321

Antoine-Laurent de Jussieu, op. cit., p. 20.

322

Ibidem.

323

Georges-Louis Leclerc de Buffon, Henri Nadault de Buffon, « Lettre de Buffon à Charles de Brosses, le 1er septembre 1766 », dans Œuvres complètes de Buffon, Tome 14, 1884-1886, p. 153.

324

Antoine-Laurent de Jussieu, « Sixième notice historique sur le Muséum d’histoire naturelle §. VI. Depuis 1760

dans l’antichambre de l’appartement de Buffon a été supprimé. Il a été aménagé dans la partie Nord du Château, entre l’édifice et la chapelle dont une partie a d’ailleurs été soustraite pour l’aménagement du dit escalier. L’entrée se fait désormais dans cette section du Cabinet, passant de salle en salle, en direction du Sud. La première et la deuxième salle, constituant lors de la phase précédente du Cabinet l’appartement de Buffon, sont désormais respectivement la salle du règne végétal et celle du règne minéral. La troisième salle est consacrée aux oiseaux et aux coquilles. Elle occupe l’emplacement de l’ancienne salle de l’Électricité et l’antichambre de Buffon, où débouchait le grand escalier de pierre. Le petit cabinet des bocaux a été supprimé, pour laisser place à un second escalier destiné à desservir le grenier du Château où était logé notamment Daubenton. Enfin la Galerie est toujours présente, elle conserve les collections de quadrupèdes, poissons et reptiles325. Nous pouvons également faire mention, en dehors des espaces consacrés à l’exposition, de la salle attenante à la Galerie en se dirigeant vers le Sud, qui est une salle de réserves. Cette dernière a pu être aménagée car elle est laissée libre suite au décès de la veuve de Vaillant qui l’occupait jusqu’alors. Ces réserves servent en particulier à préserver des pièces d’anatomie volumineuses. L’ensemble de ces travaux sont à imputer à l’architecte officiant alors au Jardin du Roi : Pierre Coupard de la Touche (?-1780)326, même si c’est véritablement Buffon qui règne et distribue les tâches, comme c’est d’ailleurs de nouveau le cas lors de la phase suivante, jusqu’à son décès.

Cet état du Cabinet d’Histoire naturelle peut de nouveau être suivi grâce à l’ouvrage consacré à la conchyliologie de Dezallier d’Argenville, où la description du Cabinet est mise à jour face à ces changements conséquents327. D’autres descriptions peuvent être également signalées, comme celle de Thiéry, destinée aux amateurs et aux étrangers, intéressante sur plus d’un point. En effet elle nous renseigne sur l’agencement des pièces, la disposition des collections et la localisation des logements des membres principaux du Jardin. Elle nous signale également que le Cabinet est alors, en 1787, en pleine phase de travaux, puisqu’est entamé une autre grande phase d’agrandissement du Château dans sa partie Sud, en direction de l’Intendance où loge Buffon328

. Ce projet visant à doubler la Galerie en largeur et à

325

Édouard Lamy, op. cit., p. 45.

326

Franck Bourdier, op. cit., p. 43.

327

Antoine-Joseph Dezallier d’Argenville, La Conchyliologie ou histoire naturelle des coquilles de mer, d'eau douce,

terrestres et fossiles, avec un traité de la zoomorphose..., 1780, p. 199.

328

prolonger l’édifice dans sa partie Sud, a pour vocation une meilleure gestion des collections et en particulier celles d’anatomie329.

L’architecte Pierre Coupard de la Touche est en premier lieu aux commandes des opérations, mais c’est surtout Verniquet qui en a la charge, remplaçant son prédécesseur décédé en 1780330. Les travaux ne sont pas menés sans difficulté puisque des carrières furent découvertes à l’emplacement projeté de l’agrandissement. La construction en est alors bien ralentie, le temps de mener les réparations dans ces carrières331. Finalement en 1788, peu avant le décès de Buffon, l’agrandissement projeté est achevé pour accueillir les collections.

« Il est composé d’un rez de chaussée, de deux étages assez élevés au dessus desquels est un vaste grenier couvert en ardoise. Le rez de chaussée qui est vouté servira à placer les grands animaux, tels que l’éléphant, le squelette du cachalau, et autres cétacés, en même tems que de dépôt pour toutes les pièces de minéralogie qui par leur volume et leur pesanteur ne peuvent trouver place dans les Cabinets. Le 1er étage servira à l’extention du Cabinet et il sera particulièrement affecté aux quadrupèdes, dans le second on se propose d’y placer toute la partie anatomique et principalement les squelettes d’animaux »332

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2.2.2. L’aménagement des collections de minéralogie sous