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1. Contexte de constitution des collections de minéralogie au Jardin

1.3. La science minéralogique au regard des collections du Muséum national

1.3.1. De l’usage des minéraux à la naissance de la minéralogie

Les minéraux font partie des premières collections du Droguier du Roi institué à la création du Jardin. Ce droguier avait pour objectif la conservation et la mise à disposition de diverses drogues, plantes et donc aussi minéraux, dans un but médical. Il était alors étroitement lié au Jardin qui lui en fournissait ses produits. La présence des minéraux dans ce droguier se comprend donc dans l’utilisation en tant que remèdes des différents spécimens, selon la

240

Idem., p. 103.

BUC’HOZ Pierre-Joseph. Les dons merveilleux et diversement coloriés de la nature dans le Règne Minéral, ou collection de minéraux précieusement coloriés, pour servir à l’intelligence de l’histoire générale et œconomique des trois Règnes, 1782. Figure 3, planche

XXII.

pensée en cours au XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle. On attribue en effet des vertus curatives à certaines pierres précieuses, comme l’explique Antoine Schnapper :

« On collectionnera les pierres qui auraient la vertu de dissoudre les calculs dans le corps humain241 […]. Elles continuent à soutenir le cœur en cas de peste ou d’empoisonnement, même si leur dureté joue contre elles en un temps où la médecine interne, sous forme de poudre ou de teinture, supplante les amulettes portées sur le corps : il faut les broyer, ce qui n’est point aisé »242.

Nicolas Lemery publie par exemple en 1698 son Dictionnaire Universel des Drogues

simples, qui répertorie une multitude de préparations, plantes et minéraux, en formulant à

chaque notice la description de la substance, son utilisation en tant que remède et en indiquant même la posologie à suivre243. Il décrit par exemple les propriétés du saphir, efficace selon lui contre les hémorragies, entre autres vertus244.

L’institution du Droguier du Roi en Cabinet d’Histoire naturelle transforma l’usage qui était fait des collections et les minéraux prirent leur place dans les rangs de la recherche scientifique avec la minéralogie. Toutefois, il ne faut pas entendre la minéralogie du XVIIIe siècle au sens actuel. En effet, à l’époque du Cabinet d’Histoire naturelle, devant le peu de distinctions faites, est compris sous l’appellation de « minéralogie » pratiquement l’ensemble des connaissances se rattachant au règne minéral245. Ce n’est qu’au cours du

XIXe siècle et au début du XXe siècle que le développement des Sciences de la Terre s’opère et que les disciplines de la minéralogie246, de la géologie247 et de la pétrographie248 vont se différencier.

L’enseignement de la minéralogie ne se faisait d’ailleurs pas encore sous l’administration de Buffon, ou tout du moins pas de manière instituée comme celui de la botanique par exemple, pour laquelle existait un Professeur qui dispensait ses leçons dans l’amphithéâtre. Seul le démonstrateur, en l’occurrence Daubenton pendant de très longues années, pouvait aborder les collections minéralogiques réunies dans le Cabinet, en les commentant aux visiteurs.

241

Antoine Schnapper, Le géant, la licorne et la tulipe, les cabinets de curiosités en France au XVIIe siècle, 2012, p. 32.

242 Idem., p. 50. 243

Nicolas Lemery, Dictionnaire universel des drogues simples, 1759, 1015 p.

244

Idem., p. 780 : notice sur le saphir (cf. Annexe P1 ; VII ; 2).

245

Jean Orcel, « Les sciences minéralogiques », dans Histoire générale des sciences, René Taton (dir.), Tome 3 La science contemporaine, le XIXe siècle, volume 1, p. 1961.

246

Idem., p. 344 : « La Minéralogie et la Cristallographie approfondissent les recherche sur les minéraux constituant les

roches, et, par l’étude du milieu cristallin, pénètrent jusque dans la structure atomique de l’état solide ».

247

Idem., p. 343 : « La Géologie décrit l’aspect et la structure des grands ensembles de roches constituant l’écorce

terrestre et dresse le tableau de leurs changements dans le cadre de l’espace-temps ».

248

Ibidem. : « Au niveau d’observation des agrégats de minéraux qui forment les roches, correspond la Pétrographie,

étude de la composition minéralogique, de la structure, de la genèse et de l’évolution de ces assemblages, par modification chimique, cristallisation ou déformation mécanique ».

Il faut souligner de plus que les connaissances manquaient alors sur cette discipline et qu’on ne savait pas encore définir les caractères permettant l’identification exacte des spécimens. Des pensées comme celles de Buffon qui estimait que « la forme cristalline n’est

qu’un accident »249

sont en parfaite contradiction avec les avancées développées au cours du siècle suivant, notamment par Haüy. On retrouvait ainsi d’autres théories et conceptions, comme celle, pour n’en citer qu’une, de Valmont de Bomare250

. Ce naturaliste célèbre pour ses publications, développe un système de classement251 inspiré de celui de Wallerius252 ainsi qu’une organisation idéale d’un cabinet d’histoire naturelle, qu’il met en application en particulier au Cabinet d’histoire naturelle du prince de Condé à Chantilly dont il a la charge253.

Les collections du Cabinet d’Histoire naturelle sont alors en cohérence avec ces connaissances. On trouve en effet au Jardin un certain nombre de pièces historiques mais également des spécimens minéralogiques collectés par les voyageurs-naturalistes ou acquis auprès de collectionneurs. On peut se faire une idée de ces collections à l’aide d’une liste d’achats demandée par le comte d’Angiviller qui remplace Buffon un temps dans ses fonctions d’Intendant, à partir de 1771. La liste décrit 226 minéraux achetés entre 1776 et 1779 pour la somme totale de 15 000 livres. Les échantillons sont listés achat par achat, précisant à chaque fois la nature du minéral acquis et son prix254. Henri-Jean Schubnel commente cette liste, soulignant la récurrence des espèces choisies avec par exemple sur les 226 minéraux achetés, 204 qui sont des minerais et 19 seulement d’autres minéraux. Il conclut ainsi en faisant le constat que la minéralogie n’est alors « encore qu’une science des minéraux

utiles »255.

1.3.2. La minéralogie comme discipline parmi les Sciences