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2. Analyse des choix muséographiques

2.1. L’organisation du Droguier du Roi

2.1.3. La finalité du Droguier

Les motivations sous-tendues à la réunion de tels objets sont multiples comme le signale le site Internet du MNHN308. L’usage fait des collections est quant à lui pluriel. En premier lieu, l’usage médical apparaît comme la destination principale de ces collections. Parmi ces dernières on cite en effet régulièrement des bocaux en verre soufflé contenant les drogues diverses en usage. Leur utilisation nous est donnée par les descriptions vues précédemment où il est fait mention que les produits et les résultats des études chimiques menées au Laboratoire royal seraient ensuite distribués aux hôpitaux. Cette spécialisation du Droguier vers le domaine médical explique pour partie le faible intérêt que semble lui porter Germain Brice dans ses descriptions, à la différence du cabinet de Tournefort auquel la moitié de l’article du Jardin royal est consacré. Nous pouvons tenter d’expliquer cela par la richesse et surtout la diversité des spécimens réunis par Tournefort, cette surabondance d’objets éclipsant de ce fait les collections plus spécifiques du Droguier.

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D’après le site internet du Muséum national d’Histoire naturelle consacrée à l’histoire de ses collections : « Lorsque

s’ouvre le droguier, au XVIIe

siècle, on collecte pour 3 raisons : pour diffuser au plus grand nombre un savoir botanique médical et pharmaceutique, en réaction à l’élitisme de l’enseignement en latin de la Sorbonne pour guérir et apprendre à guérir en accumulant un maximum de matériaux aux propriétés pourtant incertaines alors enfin, pour s’y retrouver dans le foisonnement que l’exploration des contrées lointaines fait découvrir aux Européens »

http://www.mnhn.fr/fr/explorez/pourquoi-collections/collections-quand [29 mai 2014].

Reconstitution du Droguier du Roi dans la salle du Trésor de la Galerie de Minéralogie, MNHN, 2008.

L’acquisition des collections de Tournefort en 1708 permet au Droguier d’opérer ce basculement. Ajouté à cela le regain d’intérêt de la part des membres du Jardin, avec la nomination directe de Vaillant à la régie de ces collections, le Droguier bénéficie ainsi d’une diffusion plus importante, fondée malgré tout sur les anciennes collections de Tournefort. La diversification des collections du Droguier est alors en marche, opérant peu à peu l’éloignement avec le domaine médical, qui se manifeste en premier lieu par le changement d’appellation, en 1729, en Cabinet d’Histoire naturelle.

Le Cabinet poursuit sa transformation, notamment sous l’administration de du Fay, et de plus en plus d’objets sans propriétés médicinales intègrent sa collection. C’est notamment ce que tente de présenter la reconstitution de la salle du Trésor de la Galerie de Minéralogie, dans laquelle cohabitent les bocaux contenant les drogues à usage médical, avec les vases en serpentine verte, mais aussi d’autres pièces à vocation artistique, comme le coffret en ambre dit de Marie-Thérèse d’Autriche (cf. Annexe P1 ; VII ; 4) visible au centre du meuble309. Ces premières considérations esthétiques sont à prendre en compte, car elles permettent de mieux saisir les organisations successives du Cabinet sous l’administration de Buffon.

Pour finir, afin d’expliquer ce basculement opéré dans la vocation initialement médicale du Droguier, vers une mission davantage tournée vers la curiosité, il est nécessaire d’évoquer un fait non négligeable s’agissant des collections d’histoire naturelle à la fin du XVIIe

siècle et du début du XVIIIe siècle, à savoir Versailles. La résidence royale contenait en effet une collection d’objet d’histoire naturelle réservée au roi et à son entourage. Le Droguier du Jardin royal des plantes médicinales ne constitue de fait pas encore un exemple unique, tel qu’il l’est sous l’administration de Buffon pendant la seconde moitié du XVIIIe

siècle et plus encore au cours du XIXe siècle, en tant qu’institution nationale à part entière. En outre, l’existence d’une multitude de cabinets de curiosités appartenant à des particuliers au XVIIIe siècle, tels que ceux détenus par Tournefort ou Cisternay du Fay avant qu’ils ne les lèguent à leur mort à l’institution où ils officiaient, permettent une mise en perspective de l’aura détenue par le Jardin royal et ses collections, somme toute à relativiser pour le XVIIe siècle.

De plus, le rapprochement avec les collections détenues à Versailles fait sens, puisque c’est en composant avec cet autre cabinet que celui du Jardin royal s’est constitué et qu’il a pu

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Henri-Jean Schubnel, « Les types d’espèces minérales des premiers cristallographes », Revue de Gemmologie, n° hors-série, décembre 1992, p. 1.

prendre son essor, une fois celui de Versailles dispersé après le décès de Louis XIV310. Nous pouvons notamment nous en rendre compte par la décision de Louis XIV de faire venir à Versailles les collections de coquillage de Tournefort, plutôt que de les laisser au Droguier du Jardin en 1708. Le roi prenait apparemment plaisir à contempler ces spécimens311 et il les souhaitait près de lui312. Les coquillages de Tournefort constituaient la partie la plus reconnue du cabinet de Tournefort, aussi en « priver » le Droguier atteste du caractère encore restreint du Jardin, jusqu’à l’arrivée de Buffon qui joua un rôle si important qu’on peut le qualifier de

créateur du Jardin du Roi, pour reprendre l’expression employée en 1887313.

2.2. La présentation des collections de minéralogie dans le

Cabinet d’Histoire naturelle sous Buffon