• Aucun résultat trouvé

3. La collection minéralogique : Le Cabinet d’Histoire naturelle et

3.3. L’École des Mines et le Muséum national d’Histoire naturelle

En premier lieu, la première institution avec laquelle il convient de mettre en comparaison le Muséum et sa Galerie de Minéralogie est l’École des Mines, disposant elle aussi de son musée de minéralogie. Ce rapprochement est indispensable compte tenu de la proximité des collections et de la parenté dans le cheminement de la construction de la pensée institutionnelle qui s’est faite entre les deux établissements, notamment par le rôle qu’ont pu

466

Franck Bourdier, « Le cabinet d’histoire naturelle du Muséum », dans Sciences et l’enseignement des sciences, 1962, p. 41.

jouer les Professeurs du Muséum, bien souvent en poste à l’École des Mines avant de rejoindre le MNHN.

L’École des Mines est fondée le 19 mars 1783 par un arrêt du Conseil d’État du Roi autorisant une École des Mines à l’Hôtel de la Monnaie467

. Cette fondation s’inscrit dans un contexte où la France ne parvient pas à répondre de manière suffisante au fort engouement pour l’histoire naturelle qui s’est développé et où plus particulièrement concernant la minéralogie, le public se tourne vers l’Allemagne, où la production littéraire et les enseignements dans ce domaine sont plus nombreux468. Parallèlement, Balthazar Sage avait obtenu la création d’un cours de minéralogie docimastique à l’Hôtel de la Monnaie à Paris où il fit déposer ses collections qui allait bientôt former le premier socle de cette future École des Mines. La réunion des deux, le projet de l’École des Mines en réflexion par les autorités françaises et la chaire de minéralogie instituée par Sage se rencontrèrent par une habile diplomatie de la part de Sage et le 22 juin 1783, la collection de l’École des Mines est formée sur cette collection initiale de Sage contre laquelle il reçoit une rente viagère. La collection ne cesse par la suite de s’étoffer, par l’arrivée de donations, d’achats de spécimens, et de récupérations de saisies révolutionnaires, en miroir des procédés mis en œuvre au Muséum.

Le destin de l’École des Mines ne s’est pas, à la différence de celui du Muséum cette fois-ci, établit dans un seul et unique lieu. La Révolution amena en effet l’École à se restructurer et à se définir selon des missions précises et sous de nouvelles appellations, tantôt « Agences Mines » ou « Maison d’Instruction ».

« L’objectif premier du nouvel établissement était la conservation d’un cabinet de minéralogie contenant toutes les productions du globe et toutes les productions de la République rangées suivant les localités »469.

L’École passa ainsi de l’Hôtel de la Monnaie à l’Hôtel de Mouchy jusqu’en 1814470

, puis dans l’Hôtel du Petit Luxembourg pour très peu de temps, avant d’être assignée en août 1815 dans son emplacement actuel de l’Hôtel de Vendôme.

S’agissant des rapports et liens entretenus avec le Muséum, nous pouvons établir qu’ils sont complexes et fondés pour une part sur des similitudes et pour une autre part sur des différences, en particulier pour les choix muséographiques faits dans les deux institutions.

467

Lydie Touret, « Les collections de l’École des Mines de Paris », dans Henri-Jean Schubnel, « Cristaux précieux »,

Revue de Gemmologie, n° hors-série, 1990, p. 11.

468

Ibidem.

469

Idem., p. 12.

470

Nous avons déjà établi la parenté liant les deux établissements par certains Professeurs, Haüy et Dufrénoy, qui avant d’arriver à la tête de la chaire de minéralogie du Muséum, firent leurs premiers pas à l’École des Mines. Le rapprochement des collections détenues par les deux musées est également majeur. On y retrouve en effet une parenté pour ce qui est des grands fonds, comme celui de Haüy, de Romé de l’Isle ; mais l’histoire s’entrecroise aussi lorsque des opportunités d’acquisitions de collections interviennent et que les deux musées se positionnent. C’est particulièrement le cas avec la collection Weiss très convoitée, qui intègre celle du Muséum et ce malgré les véhémences du Professeur Sage ; et plus encore avec, en 1824, le décès de Balthazar Sage débloquant les collections restées, depuis qu’elles y ont été déposées, à l’Hôtel de la Monnaie. Là encore, les deux établissements souhaitent pouvoir profiter de ces objets et finalement l’École parvient à récupérer 3000 échantillons, comme héritage du professeur Sage qui en a été le fondateur et en même temps grand rival du Muséum. Ce dernier parvient tout de même, signale Lydie Touret, à se réserver 466 spécimens choisis parmi les plus beaux471. Enfin, c’est dans la gestion de leur collection que les deux établissements convergent. On peut en effet retrouver des demandes équivalentes faites à l’administration de l’État par le Muséum comme par l’École des Mines, qui se confondent dans leur fonctionnement au quotidien. On peut signaler par exemple des demandes faites par Sage en 1797 pour l’envoi de rideaux afin de protéger les collections minéralogiques de l’action du Soleil472. Sage témoigne de plus par cette lettre du soin apporté aux collections, prenant en compte la qualité d’exposition, réflexion que l’on trouvait déjà dans la description faites par Daubenton du Cabinet d’Histoire naturelle en 1749.

Toutefois, ces similitudes entre les deux institutions ne doivent pas faire oublier que les deux établissements ne partageaient pas les mêmes objectifs et que leur essence était bien différente. La collection minéralogique du Muséum ne s’est en effet pas construite sur le même postulat que l’École des Mines, pour qui posséder une collection et l’exposer s’entendait dans sa mission confiée après sa réorganisation suite à la Révolution : dresser un inventaire aussi exhaustif que possible des productions françaises et étrangères selon leur origine géographique. Cela se manifeste ainsi dans la présentation des objets qui adopte un point de vue différent de celui du Muséum pour sa Galerie de Minéralogie au XIXe siècle. Au Muséum, la construction de la Galerie de Minéralogie se comprend par les besoins fonctionnels que nécessitent les collections de minéralogie et de géologie, avec une volonté

471

Idem., p. 14.

472

farouche des Professeurs de ne pas laisser à l’architecte la possibilité d’exécuter son programme décoratif destiné à former un cadre esthétique autour des collections, craignant que ces dernières ne passent au second plan, derrière l’édifice. En revanche, on retrouve l’École des Mines, avec une conception rappelant celle souhaitée par Rohault de Fleury au Jardin des Plantes, mais poussée davantage. En effet l’École des Mines prend le parti d’entourer ses collections d’un programme décoratif complet mêlant les compositions peintes, selon la même volonté exprimée par Rohault de Fleury, à savoir que les sujets soient en adéquation avec les collections, de telle sorte que les élèves, premier public de ce musée qui est attenant à un établissement d’enseignement, profitent d’un décor en adéquation avec leurs enseignements. La démarche est la même pour les décors de panneaux de marbre en trompe l’œil exécutés d’après les échantillons conservés dans la collection473

.