• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2. La formation des enseignants

3. L’Apprentissage Actif

3.2. Transférer l’AA à l’université

Après avoir décrit l’intégration des pédagogies actives dans l’enseignement scolaire, il nous a semblé nécessaire de nous attarder sur les raisons qui motiveraient leur passage à l’université, connue pour sa tradition transmissive. En effet, l’enseignant est un expert de sa discipline « qui fait des cours ou des conférences. C’est lui qui sait : les étudiants doivent l’écouter et mémoriser les savoirs qu’il transmet » (Verzat, 2010, p.29). Cependant, une certaine amorce de changement est observée depuis une vingtaine d’années.

Plusieurs raisons ont motivé cette évolution du paradigme, à savoir :

1- L’arrivée massive des étudiants depuis les années 1960 dont le nombre n’a cessé de croître.

2- La nécessité de répondre aux « critiques sur le manque d’efficacité de l’école et de l’université » (op.cit., p.31). En effet, Verzat indique que de forts taux d’échec à l’école et dans les premières années universitaires ont été relevés. Elle constate qu’une partie importante des étudiants ne s’intéresse plus aux

connaissances coupées de toute pratique que propose le modèle transmissif, ce qui rend tout transfert impossible.

3- L’augmentation de la demande de compétences complexes transversales ou génériques comme « interpréter correctement un problème, réagir de façon critique à une situation, travailler en équipe… » (ibid). Cela induit un changement de la fonction de l’université, qui ne doit plus se cantonner à diffuser des savoirs mais doit aussi former des citoyens autonomes et capables de s’adapter à différentes situations.

4- Le découragement des enseignants devant l’attitude des étudiants

qui « semblent manquer d’engagement dans leurs études, assistent passivement aux activités, sont souvent absents, recherchent les moyens permettant de réussir l’examen plutôt que de s’intéresser à la formation elle-même » (Raucent, Verzat, Villeneuve, 2010, p.16). Ce constat est assez alarmant, surtout qu’il est fait par trois enseignants universitaires dépendant de trois pays différents (Belgique, France, Canada). Nous chercherons pour notre part à voir si la participation au F1L augmente la motivation des étudiants (voir ch.5 et ch.9).

Confirmant ce constat de baisse de niveau et de motivation, Milgrom (2006) appelle au changement face au « sentiment général de fatalité quant à l’impossibilité d’agir sur la motivation, sur les comportements, sur les performances des étudiants » (p.27). Ce n’est pas les acteurs qu’il faudrait changer mais plutôt le « dispositif pédagogique, qui relie les enseignants aux étudiants et par lequel les premiers visent (ou devraient viser) à donner aux seconds l’occasion d’apprendre » (op.cit., p.28).

Une des solutions proposées par la communauté universitaire serait d’adopter un des outils de l’apprentissage actif, rendant l’étudiant responsable de son apprentissage grâce à l’accompagnement de l’enseignant (voir supra) comme le font les enseignants faisant appel au F1L (voir ch.5). Le nombre croissant d’ouvrages publiés confirme l’intérêt de la recherche pour cette méthode de formation. De plus, des expérimentations ont été mises en place progressivement dans les universités depuis le début des années 1990, comme nous pouvons le constater à la lecture des actes du quatrième colloque « Questions de pédagogies dans l’enseignement supérieur » à l’université de Louvain avec pour thème « Les pédagogies actives : enjeux et conditions » (Frenay, Raucent & Wouters, 2007). En effet, les diverses méthodes issues de l’apprentissage actif semblent

s’intégrer à la plupart des domaines de la formation universitaire (médecine, ingénierie, sciences humaines et sociales…), que ce soit en Europe ou en Amérique du Nord.

Considérant qu’il serait préjudiciable de ne pas prendre en compte les difficultés rencontrées par l’intégration de ces méthodes dans les écoles, Romainville (2007) propose une série de conseils:

 L’enseignant adoptant une méthode active doit veiller à conserver une certain équilibre entre la finalisation (montrer à l’apprenant que les savoirs sont utiles pour la vie) et la « didactisation » (rendre les apprentissages systématiquement ordonnés) : « La tradition pédagogique nous enseigne donc qu’il est impératif de tempérer les méthodes actives, notamment en leur adjoignant des dispositifs de structuration individuelle et systématique des connaissances » (op.cit., p.184).

 Il faut aussi éviter de favoriser « les favorisés », ceux qui ont déjà des compétences individuelles d’autonomie élevées et une capacité innée pour le travail en groupe. Il conseille alors « d’anticiper et de contrer cet effet peu souhaitable, notamment en offrant un accompagnement accru aux étudiants et en veillant à ne pas considérer comme prérequises des compétences de travail personnel inégalement réparties entre les étudiants (…) Il faut donc indiquer clairement ce que chacun est supposé faire et pourquoi il doit le faire, expliciter le fondement de la méthode, édicter un minimum de règles (par exemple, pour la gestion des groupes) sans trop s’en remettre à la capacité d’auto-gestion des personnes » (op.cit., pp.184-185). Cela confirme l’importance de la fonction d’accompagnateur de l’enseignant.

 Il est important de ne pas oublier les fondements idéologiques sous-jacents des méthodes actives et ne pas chercher à se focaliser sur leurs qualités « techniques ». Il propose de réaliser un débat entre enseignants et apprenants autour de l’usage des ces outils avant de commencer la phase d’intégration pour réussir cette dernière.

 Enfin, il faut accepter le fait que ces méthodes ne seront pas acceptées directement par l’ensemble des participants (enseignants et apprenants) et que leur diffusion nécessitera du temps. Il conseille d’introduire « des

éléments diversifiés de pédagogie active, certes ponctuels, mais de manière large, au sein d’un dispositif « classique » plutôt que de chercher, souvent en vain, à faire basculer l’ensemble d’un programme dans une forme particulière de méthodes actives » (op.cit., p.187).

Depuis quelques années, nous notons aussi la mise en place des Services Universitaires de Pédagogie (SUP) dans la majorité des universités françaises afin d’accompagner les enseignants dans le changement de pratique. Dans cet objectif, le SUP de l’université de Toulouse 3 affiche clairement sur son site75 que son objectif est d’aider et de valoriser « les projets portés par des équipes d'enseignants et favorisant de nouvelles situations pédagogiques ». De son côté, le SUP76 de l’université de Grenoble 1, en plus des formations, organise des rencontres trimestrielles intitulées F.O.I.R.E. (Forum Ouvert et Informel de Réflexion sur nos Enseignements)77 d’échanges « conviviaux » entre enseignants universitaires.