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Chapitre 3. L’intégration des TIC dans l’enseignement des langues

6. La formation des enseignants aux TICE

De nombreux chercheurs se sont intéressés à la question de la formation des enseignants aux TICE qui nécessitent, selon nous, deux types de questionnement : le premier concerne le « comment », autrement dit les moyens pour former les enseignants (comme l’objectif de cette thèse), alors que le second concerne le « pourquoi » ou les objectifs de la formation.

Pour répondre à la première question de nombreuses études ont été réalisées dans le cadre des universités intégrant les TICE, comme celles rassemblées dans l’ouvrage dirigé par Guir (2002), qui s’intéressent à la fois aux initiatives de formation des enseignants aux TICE ainsi qu’aux changements induits par elles. Étudiant les différents profils d’enseignants utilisant le dispositif Virtual Cabinet128

qu’il a conçu, Guichon (2006)

128 Virtual Cabinet est un site d'apprentissage de l'anglais pour les étudiants de Lyon 2. Visant la complémentarité entre compréhension de l'oral et production écrite, les étudiants sont amenés à écouter trois

explique que l’appropriation des TICE est un processus qui en plus de nécessiter du temps, doit passer par quatre « moments » : « adoption, découverte, apprentissage et banalisation » (p.132).

Mangenot et Louveau (2006, p.7) définissent huit stades de formation des enseignants aux TIC que nous synthétisons : (1) stade de découverte d’Internet (recherche et courrier électronique), (2) familiarisation avec Internet (sauvegarde de pages et d’images pour une utilisation comme documents pédagogiques), (3) utilisation avec la classe de scénarios réalisés par d’autres enseignants, (4) sélection de ressources (voir supra) intéressantes sur Internet, (5) modification d’un scénario déjà existant, (6) conception de nouveaux scénarios, (7) conception d’un dispositif utilisant Internet (voir supra), (8) conception à concevoir des exercices autocorrectifs et des plateformes de formation. Nous pensons que le dernier stade comporte deux niveaux car il n’est pas rare aujourd’hui que des enseignants sachent utiliser une plateforme sans avoir eu à réaliser des exercices autocorrectifs. Nous pourrions y rajouter des compétences plus poussées en informatique, comme la programmation de logiciels.

Cependant, cela amène le deuxième questionnement relatif au niveau de maîtrise technique que doivent atteindre les enseignants suite à une formation aux TICE : faut-il en faire des experts techniques ou leur donner un niveau basique leur permettant ensuite d’évoluer s’ils le désirent ?

À ce propos, Mangenot et Zourou (2005) comparent la première version129 du F1L avec une recherche américaine (Hegelheimer et al., 2004). De nombreux points sont partagés entre les deux équipes, que ce soit les publics (étudiants futurs enseignants130), l’approche de la formation, et le nombre d’heures d’enseignement équivalent. Mangenot et Zourou (op.cit.) expliquent que « la principale différence qui apparaît alors entre les deux formations est la place accordée à la dimension purement technologique: dans le projet américain, celle-ci est mise au premier plan et la réalisation multimédia, qui se fait au second semestre, semble ne constituer qu’une mise en pratique de ce qui a été appris, tandis que dans le projet français, la réalisation (et donc la pédagogie) est au premier plan, les technologies n’étant là que pour permettre la communication avec le

documents sur un événement de l'actualité britannique avant d'écrire une note de synthèse pour conseiller un ministre du gouvernement britannique sur un futur projet de loi. (pour en savoir plus, aller à http://sites.univ-lyon2.fr/vcab/demo/).

129 Comme nous l’indiquerons en détail dans le chapitre suivant (ch.5), le projet F1L a évolué fortement depuis sa première version qui avait été analysée par les chercheurs cités.

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public-cible » (p.67). En effet, Hegelheimer et al. défendent la nécessité que les enseignants de langue atteignent un niveau professionnel de maîtrise des technologies alors que Mangenot et Zourou visent un niveau moins élevé, souhaitant les aider à devenir « des enseignants de langue sachant intégrer le multimédia de façon pertinente » (ibid). Ce principe est resté le même durant toute l’évolution du F1L, comme nous le verrons par la suite (ch.5). Cependant, il est nécessaire de se poser cette question avant de se lancer dans un projet de formation aux TIC.

Suite à ces constats, il nous a semblé nécessaire de nous intéresser à l’intégration des formations TICE dans les cursus de Master Professionnel FLE131 (MPr) en France. Comme nous n’avons pas identifié de recherche globale sur cette question, nous avons réalisé une prospection exploratoire en nous appuyant encore une fois sur la base de données du CIEP (voir supra) et nous avons consulté l’ensemble des Masters ainsi que les programmes proposés sur leur site132. Nous avons relevé133 que sur les trente-trois Masters FLE, trente proposaient au moins une UE en rapport avec les TICE (91%) qui est majoritairement en ouverture. Cette UE est proposée dans la première année dans vingt Masters (67%) et dans vingt et un en deuxième (70%). Seulement onze Masters (37%) proposent plusieurs unités TICE dans les deux années, dont le Master de Grenoble 3. Ce relevé indique bien que la formation aux TICE est présente dans le domaine de la formation à la didactique du FLE même s’il n’existe pas de consensus sur les dénominations des UE.

Quels que soient les choix de départ, les chercheurs indiquent qu’une formation d’enseignants aux TICE ne doit pas avoir pour unique objectif les compétences techniques. En effet, il serait plus intéressant qu’elle leur donne aussi des pistes d’intégration de ces outils dans les pratiques pédagogiques, en accord avec les principes de l’andragogie (voir ch.2). Relatant les résultats d’une enquête qu’ils ont réalisée dans une université canadienne, Larose, Grenon et Lafrance (2002) indiquent que malgré l’atteinte d’un niveau minimal d’alphabétisation informatique, de nombreux enseignants conservent des usages « traditionnels » des TICE alors que le projet de l’université était de les amener à développer de nouvelles pratiques pédagogiques. Cet objectif a été atteint chez les « jeunes professeurs » qui adoptent dans les entretiens « un discours centré sur les

131 Nous avons choisi de nous restreindre au MPr en présentiel pour que cela corresponde au contexte observé (voir ch.5). Ceci dit, plusieurs Masters recherche contiennent aussi des UE en rapport avec les TICE mais plus en rapport avec la recherche.

132 Sur les 35 consultés, deux ne proposaient pas de programme détaillé et nous avons contacté les responsables par courrier électronique sans résultat, nous ne les avons pas inclus dans nos résultats finaux. 133

avantages que les technologies des réseaux présentent en tant que contexte d’apprentissage favorisant potentiellement le développement d’une certaine autonomie intellectuelle » (op.cit., p.43). De son côté, Lebrun (2003) relève que la participation au projet Learn-Nett134 (Learning Network for Teachers135) a permis aux enseignants, en plus de la maîtrise des TIC, de découvrir de nouvelles pratiques comme le travail en équipe, la communication et l’apprentissage collaboratif. Nous avons donc souhaité identifier en plus des compétences techniques, l’ensemble des compétences que la participation au projet F1L a permis aux étudiants de développer.