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Chapitre 5. Le projet le « français en (première) ligne »

1. Projet Français en (première) Ligne : retour aux sources

1.1. F1L : une recherche-action, trois objectifs

Comme cela est indiqué sur son site officiel178, les chercheurs associés au projet revendiquent une démarche de recherche-action (RA). Nous avons commencé par décrire les principes d’une RA, afin d’avoir les outils nécessaires pour la décrire. Cela nous amènera à la mise en place du projet F1L ainsi qu’aux objectifs principaux qui ont eu une influence sur la promotion analysée.

Gagné et al. (1989) distinguent la recherche-action des autres types de recherche par sa finalité en expliquant qu’elle « permet l'atteinte d'un autre objectif majeur, à savoir solutionner des problèmes concrets et transformer la réalité. Elle s'inscrit dans la dynamique du changement et met en oeuvre une démarche spécifique qui se caractérise essentiellement par l'intervention » (n.p.). Il s’agit d’une recherche transformative, comme le confirme Narcy -Combes (2005) qui donne de l’importance à l’identification d’un problème pour lancer ce type de recherche. Il précise que suite à cela « une réflexion débute : prise de recul, regard vers la (les) théorie(s) et/ou vers d’autres pratiques afin de trouver de nouvelles solutions. » (p.115). Il pointe aussi l’importance du travail en équipe qui permettra une négociation entre les différents partenaires et le dégagement d’une culture de groupe.

En ce qui concerne le F1L, l’élément déclencheur a bien été le souci de transformer une réalité observée, car, comme il est expliqué sur le site officiel du projet179:

L'idée initiale de Christine Develotte, "visiting lecturer" à l'université de Sydney de 2000 à 2002, consistait à utiliser le réseau Internet pour mettre ses étudiants australiens directement en contact avec la culture française actuelle par l'entremise d'étudiants français se destinant à l'enseignement.

178 Pour plus d’information, aller à l’adresse : http://w3.u-grenoble3.fr/fle-1-ligne/ 179

Effectivement, mis à part les expatriés français, les apprenants australiens, ayant très peu de contact avec des natifs, ne voyaient pas d’usage social évident à la langue française (Develotte, 2007). Ce « souci » de diffusion de la culture française a accompagné le projet tout au long de son évolution (voir supra). En effet, Christine Develotte espérait redonner une certaine vivacité aux cours de FLE et pour cela avait obtenu un premier financement de l’Ambassade de France en Australie pour lancer le projet. N’ayant pas d’étudiants de FLE, elle fit appel à une personne qui pouvait faire élaborer des activités pour ses apprenants. Nous revenons au site où il est indiqué :

De retour en France (à l'ENS Lettres et sciences humaines), celle-ci a contacté François Mangenot, qui assurait des cours sur les technologies et l'apprentissage des langues à l'université de Franche-Comté.

Une première collaboration fut mise en place. En effet, François Mangenot y a trouvé l’opportunité de passer à un mode de formation aux TICE plus située et plus active180

. Il a donc intégré le projet à son cours de maîtrise puis de Master FLE181. Les étudiants étaient amenés à concevoir des activités pédagogiques en ligne qu’ils proposaient à des apprenants distants issus des universités partenaires.

Ce groupe de chercheurs s’est donné différents objectifs que nous pouvons résumer ici en trois points : didactique du FLE, formation aux TICE et recherche. Nous exposons dans ce qui suit ces objectifs en précisant que si les premiers concernent à la fois les apprenants et les étudiants, les seconds, par contre, se concentrent sur la formation des étudiants alors que les derniers concernent principalement182 les chercheurs associés au projet. Ces objectifs sont restés les mêmes avec l’évolution du projet.

Didactique du FLE

Ce projet se donne une double visée : enseigner le FLE et former à la didactique du FLE. Le premier concerne évidemment les apprenants distants en complétant généralement leurs cours en face à face. La participation des étudiants permet à l’enseignant de les former en même temps en contexte réel d’échanges. Nous pouvons résumer ces objectifs en trois concepts : communication authentique, échange culturel et tâches183.

180

Voir ch.2.3.

181 L’enseignant a changé de poste et a intégré le Master FLE de l’Université Grenoble 3 à partir de 2004-2005 où il a été en charge du cours TICE de Master 2, après le changement vers le LMD (voir ch.2.1.2). 182 Il n’est pas impossible que certains étudiants veuillent participer à la recherche autour du projet. 183

En effet, le projet adopte une méthodologie proche de l’immersion langagière à travers le développement d’un environnement complet en langue cible. Principalement à travers des plateformes de formation ou des outils d’échanges, les apprenants communiquent avec des natifs vivant en France, ce qui donne un caractère authentique184 à cet échange. À travers cette communication, les participants entretiennent un échange interculturel que de nombreux chercheurs considèrent comme un gage de réussite des interactions. De ce fait, l’apport est réciproque puisque les apprenants découvrent la culture française et les Français découvrent celles des apprenants.

Convaincus par l’intérêt d’une approche par tâches, les concepteurs ont suivi le modèle anglo-saxon de la TBLT ainsi que les préconisations du CECR (Conseil de l’Europe, 2005) (voir ch.1.3.3).

Formation aux TICE

En parallèle des apports en didactique, le F1L se donne pour objectif de former les étudiants à l’usage des TIC et à leur intégration en classe de langue (en face à face ou à distance). Les responsables veillent à proposer un environnement technique qui se rapproche le plus possible des exigences réelles du marché de la formation en ligne.

De ce fait, les étudiants sont amenés à concevoir des activités pédagogiques en utilisant différents outils techniques de traitement (texte, image, son et vidéo) tout en faisant appel à des ressources web. Lors des phases d’échanges, ils sont familiarisés avec les outils de communication en ligne (voir ch.3.2.2).

En parallèle aux travaux pratiques, les étudiants sont aussi initiés aux savoirs théoriques nécessaires pour leur formation, que ce soit dans le domaine des dispositifs de formation, de la conception d’activités et du tutorat185.

Recherche

Dès le lancement du projet, les initiateurs ont souhaité l’inscrire dans une démarche scientifique afin qu’il permette de faire évoluer les pratiques. Comme il est indiqué sur le site officiel du projet, la réflexion a pris trois directions principales : la première concerne les formes de communication via les TICE, la deuxième s’intéresse aux interactions186

184 Voir ch.1.3.2.1, pour la distinction entre l’authenticité situationnelle et l’authenticité interactionnelle (Ellis, 2003).

185 Voir ch.3 (de 3.3 à 3.5) pour la description de ces différentes notions. 186

entre les différents acteurs du dispositif et la troisième, en accord avec les objectifs de formation de formateurs, se questionne sur le potentiel de professionnalisation de tels dispositifs de formation. L’évolution progressive du projet (voir supra) a permis à la fois le développement de la réflexion théorique et l’émergence de nouvelles thématiques comme l’impact des outils sur les apprentissages, la dimension culturelle des échanges, les dimensions située, autodirigée et collaborative des apprentissages. Cela a été aussi possible grâce à la collaboration de nombreux chercheurs187 dont certains sont devenus membres de l’équipe. Ils sont principalement issus de l’université Stendhal Grenoble 3 (dont François Mangenot, Charlotte Dejean-Thircuir, Thierry Soubrié, Louay Pierre Salam), de l’INRP et de l’université Lyon 2 (dont Christine Develotte, Nicolas Guichon, Viorica Nicolaev, Samira Drissi, Vassilis Valmas) et nouvellement de l’université du Luxembourg (Katerina Zourou). Nous décrirons par la suite certains des résultats de leurs recherches en rapport avec notre étude.

Si les objectifs du projet n’ont pas changé depuis son origine, ils ont été adaptés en fonction des contextes institutionnels, humains et matériels. Le projet s’inscrit donc bien dans le cadre d’une recherche-action car il ne vise pas uniquement à mettre en place une action de formation mais initie également une activité collective de recherche dont l’évolution spatio-temporelle et humaine mérite d’être précisée.