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Chapitre 2. La formation des enseignants

3. L’Apprentissage Actif

3.1. L’apprentissage actif dans la pédagogie

De nombreux chercheurs (Barbot, 2000, Romainville, 2007, Lebrun, 2007) expliquent que, bien qu’il ne s’agisse pas d’une démarche nouvelle puisque Platon, Comenius et Rousseau y faisaient allusion, elle s’est surtout développée au début du siècle dernier avec les travaux, entre autres, de Dewey, promoteur du « Learning by doing », suivis par ceux des pédagogues de l’éducation nouvelle, entre autres Decroly, Montessori, Claparède, Ferrière et Freinet. Ces différents chercheurs partagent plusieurs points communs, comme le fait de mettre l’enfant au centre du processus pédagogique et l’importance des échanges égalitaires avec l’adulte. Plusieurs ont développé leurs propres écoles en marge du système public même si certaines ont été intégrées par la suite à l’institution officielle72

de leurs

71 Cité par Raucent, Verzat et Villeneuve (2010, p.17). 72

pays. Cela a été encouragé par la montée des théories73 constructivistes et de la psychologie cognitive. Notre objet d’étude étant la formation des étudiants (et donc des adultes), nous avons fait le choix de ne pas décrire en détail chacun de ces mouvements. Nous nous focalisons sur les apports de trois pédagogues qui ont eu chacun son influence particulière sur le mouvement d’éducation nouvelle : Rousseau, Dewey et Freinet. Nous indiquons aussi leur influence sur les méthodes de l’apprentissage actif en général.

3.1.1. Rousseau et le « Laissez croître »

Selon Romaiville (2007), la découverte d’un enfant acteur de ses apprentissages est attribuée à Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) qui, dans l’Émile, évoquerait l’emploi de méthodes actives et vivantes. Bien qu’il n’ait pas mis d’école74

en place, ses idées pédagogiques ont eu une influence sur la majorité des chercheurs de l’éducation nouvelle. Son principe fondamental est la conservation de la liberté individuelle de l’enfant qui devrait apprendre par lui-même (Resweber, 2007). Il a appelé à une pédagogie non directive (négative) affirmant que l’enfant n’est pas une page blanche mais qu’il est bon par nature. Comme l’explique La Borderie (2005) « l’enfant n’est pas un adulte en devenir, il a sa spécificité ; la pédagogie doit se fonder (…) sur le sentiment et non sur la raison, sur la prise en compte de la nature et non sur les livres. Ce n’est qu’après une première phase d’éducation négative - préserver l’enfant du vice et de l’erreur - que doit se dérouler une deuxième phase d’éducation positive : acquisition de savoir » (p.34). Dans cette première phase, l’auteur incite l’éducateur à rapprocher l’enfant de la nature qui va lui permettre de s’éveiller et de confronter ses représentations du monde. La pédagogie de Rousseau n’est pas laxiste car il considère que le bonheur ne va pas sans contraintes. En effet, il refuse de donner la solution à l’enfant avant qu’il n’ait atteint toutes ses limites. L’éducateur est là pour analyser les actions de l’enfant et le guider dans ses expériences sans intervenir directement.

De Rousseau, l’apprentissage actif a pris l’importance de respecter la liberté du formé mais aussi la nécessité de l’observer pour mieux le comprendre.

73 Pour une description détaillée de ces théories voir (Legros & Crinon, 2002), (Zourou, 2006) et (Lebrun, 2008).

74

3.1.2. Dewey et le « learning by doing »

John Dewey (1859-1952) a fondé l’Ecole expérimentale du département de pédagogie de l’Université de Chicago en 1896. Il est connu pour avoir été l’initiateur des méthodes actives en pédagogie et notamment de l’approche par projet (voir infra). « Pour Dewey, l’individu cherche spontanément à se développer et à atteindre un haut niveau de réalisation personnelle. Dans cette perspective, l’école doit lui fournir les occasions de se réaliser » (Huber, 1999, p.23).

Il considère que les enfants comme les adultes sont des êtres actifs qui apprennent en affrontant les problèmes qu’ils rencontrent. Pour les uns comme pour les autres, la pensée est un instrument qui leur sert à résoudre les problèmes de leur expérience vécue.

Remettant en cause l’enseignement de son époque, Dewey souhaite donner un sens au travail des enfants (Nissen, 2003). Les élèves doivent travailler, et non pas écouter, car l’apprentissage ne peut se faire que par l’action : l’enfant doit agir, construire des projets, les mener à leur terme, faire des expériences, apprendre à les interpréter. Il insiste sur le fait que l’homme est un être social et qu’il est indispensable que l’école favorise cette socialisation en mettant en place une continuité entre les activités dans et en dehors de l’école. Il accorde une grande importance à la motivation des élèves à travers le travail dans la joie.

Il est important de réaliser que dans le « Learning by doing » de Dewey, c’est à la fois l’activité physique et mentale de l’apprenant qui est mise en évidence et à l’épreuve (Lebrun, 2008). En plus, il a apporté à l’apprentissage actif l’importance de donner un sens pratique à l’apprentissage ainsi que l’importance du plaisir. Cependant, La Borderie (2005) indique qu’on lui a reproché : « de ne pas donner d’importance aux objectifs éducatifs extérieurs à l’école et d’avoir réduit l’école à un « processus de vie », négligeant ainsi tout ce qui relève de l’insertion sociale » (p.47).

3.1.3. Freinet et le « tâtonnement expérimental »

Célestin Freinet (1896-1966) commença sa carrière éducative en tant qu’instituteur après la première guerre mondiale. Dès ses premiers mois de cours, l’enseignement transmissif ne lui convient pas comme l’explique Huber (1999) : « Persuadé de la faiblesse d’un enseignement essentiellement basé sur le verbe, et de l’importance de l’activité librement consentie de l’élève (…), il (Freinet) cherche par tous les moyens à rendre l’élève actif » (p.24). Il ne développa pas une pédagogie complète, mais plutôt un ensemble de

techniques (journal interscolaire, texte libre, imprimerie à l’école, bandes enseignantes…) ; c’est que le principe de base que constitue chez lui le « tâtonnement expérimental » exclut a priori toute idée, tout corps de doctrine préalable (La Borderie, 2005). Freinet se considère comme un observateur et un inventeur. Ses techniques permettront aux enfants, par un travail « imité » du travail social, de se préparer à leur vie d’adulte responsable. Il accorde aussi beaucoup d’intérêt à sortir de la classe (travail dans le jardin, promenades observatoires, enquêtes, visites…). Pour lui, il faut que l’enfant voie l’utilité de travailler. Freinet a mis en place, parallèlement à ces techniques très « actives » d’imprimerie et de correspondances scolaires, un système de « brevets » permettant de s’assurer que tous les élèves atteignent bien les objectifs fondamentaux poursuivis au travers des tâches communes (Romainville, 2007).

Freinet a permis, par le biais précisément des techniques, de faire avancer la pratique des pédagogies actives. En effet, il a valorisé le côté « expérimental » de la formation tout en signalant l’importance de ne pas rester dans la classe. Son exigence de validation est aussi à retenir pour la mise en place de formations actives.