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Chapitre 3. L’intégration des TIC dans l’enseignement des langues

2. Les champs de recherche invoqués en TIC et langues

2.2.1. Les outils de la CMO

Nous nous focaliserons sur trois outils principaux identifiés par les chercheurs en CMO et qui correspondent aux outils utilisés dans le projet que nous avons analysé, il s’agit, des chats, des forums et des plateformes de formation. Nous indiquerons les caractéristiques majeures de chacun de ces outils.

Les chats

Nous précisons qu’il existe une certaine dichotomie sur le nom de cet outil. En effet, les textes officiels francophones refusent l’usage du terme « chat », trop anglophone selon eux, et ils proposent « causette », terme officiel recommandé par le JO de la République française du 16 mars 1999, ou clavardage (bavardage par l’intermédiaire d’un clavier), le terme retenu par les Québécois et préconisé par certains chercheurs comme Mangenot (2006). Nous avons fait le choix de conserver le terme « chat » car c’est celui qui est adopté par la plateforme dans laquelle ont eu lieu l’ensemble des échanges et aussi parce que c’est celui que les sujets observés ont utilisé dans les entretiens. Le changer aurait nécessité de transformer l’ensemble de nos données.

Il s’agit d’un outil permettant les échanges synchrones à base textuelle, orale ou vidéo. Les échanges peuvent se faire en groupe (des salles de conversation ouvertes en continu ou à

l’initiative de certains utilisateurs) et à deux. Il faut aussi distinguer les chats en ligne et ceux qui nécessitent le téléchargement95 d’un logiciel spécifique. Actuellement, de nombreux logiciels personnalisés de chat existent dont la grande majorité en version gratuite comme Windows Messenger, Yahoo Messenger, Gtalk et Skype. Majoritairement prévus pour les loisirs, ces outils sont utilisés de plus en plus par les enseignants quand ils ne disposent pas de plateformes de formation (voir infra). Quel que soit l’outil utilisé, la principale caractéristique du chat est qu’il permet à des personnes éloignées de communiquer en temps réel. Pourtant, bien qu'à l'instar des forums de discussion les participants soient dégagés de la contrainte spatiale pour participer à une session de chat, ils doivent tout de même se plier à un horaire convenu pour se rencontrer en ligne.

En ce qui concerne l’usage de cet outil en didactique du FLE, Kern (2006) indique que les échanges par chat offrent des avantages importants pour l’acquisition d’une langue étrangère : ils peuvent stimuler : l’expression libre des idées, la motivation des apprenants, l’initiative dans la communication, l’énonciation des différences d’opinion, la multiplication des perspectives sur les sujets discutés et la réduction des différences de statut et de pouvoir parmi les participants. En effet, la CMO synchrone est « interactive et spontanée mais en même temps sa permanence (généralement) écrite permet l’analyse des interactions pour promouvoir la compétence métalinguistique, pour développer des stratégies de communication et pour réfléchir sur la genèse des malentendus culturels » (p.26).

Cependant l’inconvénient majeur est qu’elle ne favorise pas le renforcement des normes ni le perfectionnement grammatical et stylistique et le discours véhiculé manque de cohérence globale ou de consensus. De plus, la rapidité des échanges par chat, surtout dans les grands groupes, serait une grande difficulté pour les apprenants qui n’ont pas le temps de bien comprendre le contenu des messages. En effet, le défilement rapide des messages poserait des problèmes aux moins forts en langue.

De nombreuses recherches (Kern, op.cit., mais aussi l’équipe lyonnaise du projet F1L voir ch.5) ont été menées sur l’usage des chats dans la didactique des langues. Nous pouvons citer dernièrement la thèse de Yun (2009) sur l’étude des interactions synchrones dans un projet de formation en FOU96. S’intéressant à l’effet des activités de chat sur

95 La majorité des fournisseurs de ces logiciels proposent désormais une version « allégée » en ligne et couplée aux adresses électroniques des usagers.

96

l’appropriation de la langue française, Yun constate un certain enrichissement du répertoire langagier des apprenants suite aux séances de chat. Elle indique aussi que l’utilisation du chat pédagogique le rapproche du forum de discussion (augmentation du temps de rédaction, de lecture, messages longs, plus structurés…).

Les forums

Mangenot (2006) rappelle qu’il s’agit d’un des rares termes à avoir été proposés en France (en 1999) pour être ensuite assez largement adopté dans le monde anglo-saxon. Le forum est défini par le Vocabulaire de l’informatique et de l’Internet, publié au Journal Officiel de la République Française du 16 mars 1999, ainsi : « Service permettant l’échange et la discussion sur un thème donné : chaque utilisateur peut lire à tout moment les interventions de tous les autres et apporter sa propre contribution sous forme d’articles. »

Les principales caractéristiques de la communication par forum sont précisées par Mangenot (2004) :

La communication par forums interposés fait partie du domaine de recherche de la communication médiatisée par ordinateur (CMO – en anglais CMC) (…) Les trois propriétés essentielles relevées par les chercheurs sont les dimensions écrite, asynchrone et publique (pour le groupe ayant accès au forum) des échanges ; on proposera ici une quatrième spécificité, le caractère structuré des échanges (p.41).

Marccocia (2004) rappelle aussi que l’espace forum est doté de mémoire, ce qui permet d’archiver les échanges pendant une durée quasi illimitée, contrairement à certains outils de chat ou de courrier électronique. La permanence des messages permet aux utilisateurs de le consulter quand ils veulent. De plus, les contributions des utilisateurs sont chaînées entre elles, constituant ainsi une représentation arborescente de la discussion, ce qui donne aux forums un caractère polylogal. À la suite de Marcoccia (2004), de nombreux auteurs considèrent que les échanges par forum « correspondent plus ou moins à l’équivalent numérique des séquences dans l’organisation structurale d’une conversation en face-à-face » (p.24). Cette remarque empirique amène les chercheurs en CMO à faire appel aux outils développés par l’analyse du discours en interaction (voir ch1) tout en les adaptant à la spécificité de l’Internet. L’usage pédagogique des forums permet la mise en place de processus réflexifs (Mangenot et Zourou, 2007, Jézégou, 2010) à travers la confrontation aux autres (apprenants et tuteurs). De plus, son caractère public permet à

tous les apprenants de profiter des échanges, même les « muets » (Celik & Mangenot, 2004). Le fait que ce soit une communication écrite, comme le souligne Bullen (1997)97, focalise les apprenants sur le contenu cognitif du message plus que sur celui qui s’exprime, tout détail physique ou social étant absent.

Nous considérons le forum à la suite de Combe Celik (2010) comme une conférence thématique dont les contributions sont directement postées à partir du site après un enregistrement préalable et dont le participant prend connaissance en visitant le site et en suivant les différents fils de discussion. Selon plusieurs chercheurs en CMO (Crystal, 2001, Mangenot & Salam, 2010), le discours véhiculé par les forums se caractérise souvent par des spécificités propres à l’oral, à savoir les réductions et les simplifications, les phénomènes de discontinuité grammatico-syntaxique et les inachèvements et de l’autre côté il se rapproche de l’écrit par sa forte densité lexicale.

De nombreuses thèses ont eu pour objet d’analyse des échanges via les forums et nous pouvons citer par exemple la thèse de Combe Celik (2010). Henri, Peraya et Charlier (2007) distinguent quatre grands points de vue dans la recherche sur les forums en ligne selon la définition donnée à l’objet d’étude central : celui de la communication médiatisée (le forum comme dispositif médiatique), celui de l’approche interactionnelle (le forum comme lieu d’interactions), celui des perspectives pédagogiques (le forum comme lieu d’apprentissage) et enfin celui de l’approche instrumentale (le forum comme instrument). Il n’est pas rare que certains points de vue se croisent comme nous essaierons de le montrer dans nos analyses des forums.

Les plateformes de formation

Aujourd’hui, ce terme, repris du domaine technologique et même du bâtiment, est devenu très fréquent dans le jargon didactique et pédagogique. Ce terme est presque tout à fait établi dans la communication francophone (même si nous relevons deux termes « plateforme » et « plate-forme » qui renvoient cependant aux mêmes définitions). Il s’agit d’un environnement numérique en ligne (Deschryver, 2008) qui assure à la fois des fonctions d’information, de mutualisation, de communication et de socialisation. En effet, les différents participants ont accès aux informations et selon le profil98 que

97 Cité par Combe Celik (2010, p.73).

98 Il existe dans chaque plateforme de formation, différents « profils d’utilisateurs ». En général, il en existe quatre principaux : administrateur (qui gère techniquement la plateforme et pour cela dispose de tous les droits), concepteur de cours (qui peut rajouter des contenus et créer des cours mais ne peut pas avoir d’effet

l’administrateur leur a attribué, peuvent en rajouter de nouvelles. De plus, il permet la communication et l’interaction à travers les outils de communication qu’il contient. Une plateforme d’apprentissage intègre un serveur Web, des pages dynamiques, un système de gestion de bases de données et une multitude d’outils comme les forums et les chats. Comme son nom l’indique, une plateforme de formation a été conçue dans un objectif pédagogique en utilisant les réseaux informatiques et elle peut être utilisée en local (intranet) ou à distance (Internet). Elle est surtout un espace de socialisation des participants qui instaure, à la fois, un nouveau lieu social d’enseignement-apprentissage et de nouvelles pratiques discursives (Develotte, 2008). La socialisation des apprenants s’effectue donc à partir, et en fonction, de la plateforme de formation, et des discours qui y sont tenus par les enseignants et administrateurs, en amont de la venue des apprenants. Plusieurs plateformes sont apparues99 et ont évolué, parmi lesquelles nous citerons : Webct, Webboard, Acolad, Esprit, Dokeos et Moodle. Chacune suit une philosophie pédagogique différente et certaines sont plus à l’écoute des besoins du marché alors que d’autres sont gratuites et ouvertes à tous les organismes.

Develotte (2006) propose, par ailleurs, une série d’outils adaptés à l’étude des espaces de communication en ligne, dispositifs techno-sémio-pragmatiques (DTSP) (Peraya, 2000), jugeant que les outils traditionnels de l’analyse de discours textuels s’avèrent insuffisants dans la mesure où une plateforme de formation en ligne détient potentiellement les mêmes spécificités que les supports multimédias numérisés classiques, en particulier la multicanalité et l’hypertextualité (pp.95-98) :

- La mise en écran : le nombre d’écrans et leur structure en pages déroulables ou non.

- La mise en média : les différents canaux utilisés (texte, image, son, vidéo).

- La mise en rubriques : l’existence de rubriques dans lesquels il est possible de s'exprimer.

- La mise en discours : les caractéristiques énonciatives et pragmatiques des contributions publiées par les participants.

sur la programmation de la plateforme), tuteur (qui peut participer aux échanges et parfois rajouter des éléments) et apprenant (qui peut uniquement participer aux cours). Selon les plateformes et les institutions qui les gèrent, les droits de chaque fonction changent.

99 Le site Thot/cursus en compte plus de 216 plateformes en 2010 tout en précisant que ce chiffre est en baisse constante depuis 2004 (300 plateformes) (pour plus d’information voir http://www.cursus.edu/).

Ce sont ces différents outils que nous avons utilisés pour décrire notre objet d’analyse (voir ch.5).

2.3. L’ACAO

L’Apprentissage Collectif Assisté par Ordinateur (ACAO) est une traduction de l’expression Computer Supported Collaborative Learning (CSCL), apparue dans le monde anglo-saxon au début des années 90 et dont la première conférence s’est tenue en 1995 à Bloomington (Indiana) (Dejean-Thircuir, 2004). Les deux sources d'inspiration de l'ACAO seraient l'apprentissage coopératif, très présent dans les pédagogies progressistes depuis le début du XXème siècle (notamment grâce à Dewey aux USA ou Freinet en France, voir ch.2), et le travail coopératif assisté par ordinateur (Computer-Supported Cooperative Work), qui traite de la nature coopérative du travail dans les contextes professionnels informatisés et intéresse notamment les ergonomes et informaticiens. Nous avons suivi la proposition de Mangenot et Zourou (2005) en traduisant le terme « collaborative » par « collectif » afin d’y inclure les deux modes collaboration et coopération (voir infra).

Dans la perspective de l’ACAO, les TICE sont envisagées comme des moyens de favoriser les échanges et l’apprentissage dans l’interaction. Il s’agit d’un domaine pluridisciplinaire où se côtoient, entre autres, des chercheurs en sciences de l’éducation, en psychologie cognitive, en informatique et en didactique qui se penchent sur l’apprentissage dans le contexte des activités collaboratives à travers les TICE (Degache & Mangenot, 2007). Cependant, il est nécessaire de différencier deux modalités de travail en commun utilisant l’ordinateur (Dejean-Thircuir, 2004) :

- Des apprenants en face à face interagissent autour d’un même ordinateur. Dans ce cas, la communication se déroule à l’oral et les indices prosodiques et gestuels doivent être pris en compte dans l’analyse des modalités de collaboration.

- Des apprenants interagissent par le biais d’un ordinateur ; les interactions entre les personnes sont médiatisées par l’outil informatique en passant par des réseaux locaux ou par Internet.

Le processus d’apprentissage ne peut donc être réalisé sans le rôle médiateur des outils. Cette médiation technologique est très importante. Si les premiers chercheurs se revendiquant de ce champ s’étaient intéressés principalement à la conception et la gestion des environnements informatiques favorisant l’apprentissage collectif (Degache &

Mangenot, 2007), Zourou (2009) indique que lors du colloque CSCL de 2009, les recherches qualitatives et empiriques ont été mises en valeur car elles permettent la compréhension des processus d’apprentissage collectif. Dans ce qui suit, nous nous intéresserons tout d’abord à la distinction entre les notions de coopération et de collaboration, qui nous permettra d’analyser les relations entre les étudiants en présentiel. Par la suite, nous définirons la notion de communauté virtuelle d’apprentissage, qui nous permettra de modéliser la relation entre les étudiants français et l’enseignante japonaise.