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Chapitre 3. L’intégration des TIC dans l’enseignement des langues

1. Les TICE

Depuis plusieurs années, l’usage des TIC dans l’enseignement est de plus en plus préconisé, surtout par les organisations nationales et internationales. Nous estimons que le chercheur doit prendre une certaine distance face à ces discours médiatique et publicitaire, « avec ses commentaires fascinés sur la richesse des données présentes sur la Toile et sur les nouvelles possibilités de communication apportées par Internet : ce discours ne nous dit rien de l'intégration de ces nouveaux supports dans les situations d'apprentissage » (Mangenot, 1998, p.133).

En effet, il est important que la communauté scientifique et éducative réfléchisse à d’autres modes de travail tenant compte des avancées technologiques, mais non dirigés par elles. Cela nous amènera à définir la notion d’intégration des TICE ainsi que ses apports à l’enseignement. Par la suite, nous nous intéresserons aux recherches sur la formation initiale ou continue des enseignants en nous arrêtant sur la notion de degré de formation. Nous indiquerons certains obstacles suscités par l’arrivée des TICE en précisant leur évolution actuelle. Il nous a semblé nécessaire de commencer par préciser ce que nous entendons par TICE en les distinguant des outils technologiques en général.

Des remarques préliminaires

La présence de nombreux sigles dans la recherche pour définir notre domaine reflète à la fois la rapide évolution des outils et du champ. Deux sigles paraissent avoir dominé les écrits théoriques : les TIC et les TICE.

Les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) engloberaient une multitude d’outils. Ce terme a désormais surpassé le NTIC (Nouvelles) très usité à la fin des années 90. En effet, la nouveauté de ces outils n’est plus d’actualité en 2010 surtout avec l’arrivée des digitals natives81 sur les bancs des universités. Nous précisons que certains chercheurs continuent à faire une distinction entre les « vieilles » et « nouvelles » ou « dernières » technologies, reprenant la distinction entre l’analogique (radio, télévision, vidéo…) et le numérique (le Web, Internet, le cyberespace et les hypermédias) (Charlier & Peraya, 2007). Cependant, cette distinction n’existe plus vraiment puisque les produits dits analogiques sont en phase de disparaître pour devenir aussi numériques. Nous ne retrouvons désormais plus que l’acronyme TIC dans la majorité des articles, recherches, colloques et thèses. Mais que représente-il vraiment ?

Le Forum Français sur la Formation Ouverte et à Distance82 (FFFOD), dont nous retrouvons les définitions sur la majorité des sites, inclut sous l’acronyme TIC deux genres distincts : les outils informatiques et ceux de la télécommunication à base numérique. Dans le premier nous retrouvons des champs d’application reconnus, comme l’intelligence artificielle, la numérisation de l’information, le multimédia, les plateformes et la réalité virtuelle. En ce qui concerne les seconds, nous retrouvons les domaines de la téléphonie, de la télématique, des autoroutes de l’information, de la communication interactive par fibre optique, par la câblodistribution ou par transmission par satellite. Nous pouvons considérer que TIC est un acronyme qui représente tout outil permettant de réaliser un accès illimité à des informations ainsi qu’une communication entre plusieurs personnes se trouvant à des endroits différents.

Afin de spécifier leur usage dans les champs de la didactique et de la pédagogie, la communauté scientifique y a associé le terme « pour l’Éducation », les transformant en TICE (Mangenot, 2000, Mühlstein-Joliette, 2006). Ce sigle est désormais très présent surpassant les NTE (Nouvelles Technologies Éducatives) (Le Bray, 2000).

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Notion attribuée à Prensky, concepteur de jeux américain, qui indiquerait les générations ayant grandi dans un univers numérique. Comme Internet s’est diffusé au début des années 90, nous pouvons considérer que tous les élèves ayant passé leur baccalauréat l’année dernière (2009-2010) sont des natifs numériques. Tout en refusant la généralisation, nos observations empiriques nous indiquent les mêmes constatations de Moeglin (2010) qui indique que les digital natives seraient « familiers de l’utilisation de différents outils et médias à la fois mais (…) les juxtaposent plus qu’ils ne les combinent dans la continuité de stratégies finalisées » (p.119).

82 FFFOD, association de professionnel du domaine de la FOAD ayant pour objectif de réaliser une réflexion sur le domaine et rassemblant une grande partie des institutions françaises intéressées par le domaine. Leurs travaux sont accessibles à l’adresse : http://www.fffod.org/

Si, dans ce travail, nous avons fait le choix d’utiliser les deux acronymes, les TIC renverront à une acception large des technologies, alors que TICE indique clairement leur intégration dans le champ de l’éducation comme nous allons la définir dans ce qui suit.

1.1. L’intégration des TICE

De nombreux chercheurs (Mangenot, 1998, Bélisle, 2003, Barbot, 2004…) ont dénoncé les discours « technocentristes » qui ont suivi les premières années de l’apparition des ordinateurs, vantant leur caractère ludique et créant une illusion technologique autour de l’apprentissage linguistique facilité par le multimédia (Guichon, 2006). Certes, il n’est plus possible de « faire comme si les technologies n’existaient pas, mais ces dernières doivent être au service de la didactique et de la pédagogie : c’est le projet qui doit induire l’utilisation des techniques et non l’inverse » (Pothier, 2003, p.121). Toute intégration doit permettre une synergie entre les différents acteurs de la relation pédagogique (voir ch.1). Cependant, il ne faut pas oublier aussi les spécificités des outils en constante évolution et Lamy (2010) propose d’orienter la recherche vers « une indispensable réflexion sur l’outil, en évitant les pièges d’un technocentrisme « commercial » primaire, sans pour autant faire l’économie d’une interrogation critique sur les rapports entre le technocentrisme « culturel » et les effets qu’il induit dans les diverses cultures d’apprentissage » (P.145). La question de l’intégration des TICE est donc double car elle concerne la manière (le comment) ainsi que les objectifs (le pourquoi). Elle doit donc mettre en cohérence des outils informatiques d’une part et un projet de formation d’autre part pour satisfaire des finalités éducatives comme l’indique Mangenot (2000) :

L’intégration des TICE, c’est quand l’outil informatique est mis avec efficacité au service des apprentissages. (…) L’efficacité présuppose en fait qu’il y ait un gain à un niveau ou à un autre (p.40).

La nécessité de réaliser un gain grâce à l’intégration des TICE nous a poussé à nous interroger sur les raisons ayant motivé cette intégration qui continue pourtant à rencontrer certaines difficultés que tout chercheur doit prendre en compte. Afin d’éviter les pièges du technocentrisme, nous nous sommes interrogé dans cette recherche sur les apports réels (et non pas uniquement ceux déclarés par les concepteurs) en terme de compétences professionnelles du projet F1L à la formation des futurs enseignants de FLE (voir conclusion).

1.2. Les apports des TICE

Chaptal (2003) évoque plusieurs raisons qui sont toujours avancées pour justifier l’intégration des technologies modernes dans le monde de l’éducation. La première concerne l’évolution de la société civile où ces technologies continuent à se développer et cela dans tous les domaines de la vie. C’est donc un objectif d’alphabétisation technologique et de responsabilité citoyenne que l’éducation ne pouvait laisser de côté. Les enseignants auraient un rôle important dans le développement de la société et les TIC permettraient de renouveler le système à condition de considérer tout changement comme un progrès. Cette intégration aurait pour finalité le rapprochement de l’éducation et de la société.

Cette motivation s’est matérialisée à travers les milliers d’initiatives de diffusion de l’usage de l’informatique et plus tard d’Internet dans les systèmes scolaires et universitaires à travers le monde. En France, le projet le plus marquant fut peut être le « Plan informatique pour tous » qui vit le jour en 1985 (Pelpel, 2002). Il avait pour objectif de former les élèves et les enseignants des écoles à l’usage des ordinateurs à travers des logiciels éducatifs. Bien que de lourdes sommes aient été engagées pour cela, le bilan final a été assez morose : « Peu à peu, l’opération s’essouffle, et beaucoup d’ordinateurs finissent leur carrière au fond des placards… » (op.cit., p.273). Cela aurait été dû au manque d’information et de formation des enseignants, au peu de convivialité des matériels ainsi qu’au manque de logiciels éducatifs. Cela ne remit pas pour autant en question la nécessité de l’intégration des TICE qui sont présentes à tous les niveaux de l’enseignement scolaire et universitaire. Depuis la rentrée 2000-2001, le Brevet Informatique et Internet (B2I) a été créé et son obtention est devenue depuis quelques années obligatoire pour valider le parcours de fin d’études secondaires. Il comporte trois niveaux (école, collège, lycée). Pour l’université, un autre certificat « conseillé » fut mis en place en 2002, il s’agit du C2I83

qui est dispensé en licence. Il est en passe de devenir obligatoire.

Une autre raison évoquée vient d’un constat, celui du gain de productivité que les technologies ont permis de réaliser dans les domaines de l’industrie, du commerce et des services. Suite à cela, il paraît évident que l’éducation et l’enseignement profiteraient aussi de ces gains en canalisant les TIC selon les besoins des élèves et étudiants. La troisième

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vient de la nécessité de rapprocher le système éducatif traditionnel de la société et de ses besoins.

Afin d’éviter les erreurs du passé (voir supra), il nous semble nécessaire de prendre en compte les demandes de l’institution, des enseignants et des apprenants. Mangenot et Louveau (2006) considèrent que pour réussir l’intégration, les TICE doivent permettre de réaliser un gain à un niveau ou à un autre : augmentation du temps d’apprentissage (les apprenants réalisent ou continuent à réaliser des activités en dehors de la classe), possibilité de diviser le groupe (quand la moitié des apprenants travaille sur les ordinateurs, l’enseignant continue à donner son cours avec l’autre moitié), réduction des heures du présentiel (voir infra), diversification des moyens d’interactions (voir infra).

Narcy-Combes (2005) propose une liste des atouts des TIC :

 le travail sur support TIC favorise la gestion plus individualisée du temps,  l’apprenant est plus actif physiquement devant un ordinateur qu’assis en classe,  elles favorisent une interactivité permanente,

 elles permettent l’individualisation, mais sans l’isolement,

 elles permettent la multicanalité(son, image, texte) qui est assez intéressante en didactique des langues,

 elles sont sources de multiréférentialité84, ce qui permet des croisements et une attitude de relativisation face à l’information,

 elles apportent souplesse et créativité au niveau des tâches (voir infra).

Kern (2006) ajoute aussi que les TIC en apprentissage des langues offrent un « accès à la communication interpersonnelle avec des autochtones ou avec d’autres apprenants » (p.17).

1.3. Les obstacles à l’intégration des TICE

En premier lieu, nous ne pouvons pas omettre la présence toujours d’actualité des contraintes matérielles ou techniques. En effet, l’accès aux TIC nécessite l’acquisition de ces outils, ce qui occasionne des frais et la « fracture numérique existe bien, et semble

84 Lancien (1998) explique que cette fonction rend possible la « diversification et la multiplication des sources d’informations à partir d’un thème donné » (p.27). Cet auteur précise que cette notion prend beaucoup plus d’importance avec la diffusion d’Internet car elle n’est plus limitée par le support.

malheureusement se renforcer avec la fracture sociale, tant au niveau national qu’au niveau international » (Mühlstein-Joliette, 2006). Pour répondre à cela, beaucoup d’institutions d’enseignement du FLE se sont munies progressivement de laboratoires de langue et de salles informatiques, pourtant cela est loin d’être satisfaisant. En effet, le nombre de postes disponibles ne suffit pas toujours pour tous les apprenants et la connexion n’est pas toujours en haut débit. Nous retrouvons encore des salles de professeurs pas ou peu équipées. Progressivement, nous observons que la solution vient désormais des acteurs (enseignants et apprenants) eux-mêmes plutôt que des institutions. En effet, la diffusion du Wifi et celle des ordinateurs portables de type Netbook85 ont permis de répondre partiellement à ce manque d’infrastructures.

La seconde difficulté vient du fait de la profusion des ressources pédagogiques (voir infra) sur Internet. Les sites similaires ou proches augmentent et avec eux les difficultés de tri pour les acteurs (enseignants et apprenants), sans oublier que la pertinence des contenus n’est pas toujours assurée (Mangenot & Louveau, 2006). De plus, ces ressources ne sont pas toujours stables car certains sites changent leurs contenus dans un souci de mise à jour et de renouvellement, s’ils ne disparaissent pas ou tombent en panne tout simplement. Nous rajoutons à cela un manque de formation technique et techno-pédagogique aux TIC (Mühlstein-Joliette, op.cit.) car si l’institution investit dans l’équipement, nous avons relevé qu’il est rare qu’elle propose des cours techniques de prise en main adaptés au niveau des enseignants. Nous retrouvons alors des salles neuves mais qui ne sont que peu visitées par l’équipe enseignante.

De plus, une solide résistance de la part des enseignants a toujours été relevée par les chercheurs et cela depuis l’arrivée de l’Enseignement Assisté par Ordinateur dans les années soixante (Pelpel, 2002). Le principal obstacle évoqué était les problèmes techniques auxquels ils ne pouvaient pas faire face comme les pannes et les pages introuvables. Ils craignaient aussi de manquer de compétences techniques surtout en comparaison des apprenants et jugeaient ces outils trop pointus, opaques et peu souples pour leur permettre de créer des ressources qui, même s’ils se décidaient à en réaliser, resteraient mal reconnues et mal rémunérées par leurs institutions (Mangenot, 2000).

Cependant, ce constat pessimiste évolue progressivement selon Moeglin (2010), qui note que les enseignants, à l’image de la société dans laquelle ils vivent, sont désormais très

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intéressés par les TIC, mais que leur intérêt est plutôt dicté par le critère de l’efficacité personnelle. Leur usage de ces outils se limite principalement à leur activité professionnelle à domicile (préparation de cours ou d’examen) plus qu’à celle en présence des apprenants (op.cit.). Les raisons sont toujours les mêmes : manque de formation, refus de l’institution de reconnaître le surcroît de travail qu’occasionne leur usage, rigidité des programmes, insuffisance des structures de soutien. En classe, ils utilisent de préférence les outils faisant gagner du temps et certains outils comme le Tableau Blanc Interactif (TBI) deviennent de simples tableaux blancs. Par ailleurs, certains enseignants hésiteraient à utiliser les Intranet, les plates-formes et les cahiers de texte électroniques car les traces favoriseraient la surveillance des collègues, de l’administration et des apprenants (op.cit.).

Bien que ces obstacles ne soient pas directement liés à notre objet de recherche, il nous a semblé nécessaire d’y faire allusion afin de mieux comprendre le contexte de l’intégration des TICE. Nous précisons que nous nous sommes intéressé aux représentations des TICE que se font les étudiants qui ont suivi le projet F1L, même si cela ne fait pas partie de nos objectifs principaux de recherche.

2. Les champs de recherche invoqués en TIC et