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PARTIE 3 : METHODOLOGIE, ANALYSE ET CONCEPTION

38.   Traitement des données vidéo

Passons maintenant en revue les outils et moyens de traiter les données enregistrées en vidéo, aussi bien pour le recensement des descripteurs et leur analyse que pour l’analyse des occurrences. En effet, la langue des signes n’ayant pas d’écriture, elle nécessite une traduction en français écrit, ce qui constitue un représentant déformé de la verbalisation du vécu dans la langue source, ne correspondant pas totalement au représentant n°3 décrit par P. Vermersch qui relève, elle, de la transcription. Cela nous oblige à faire un retour régulier au média dans la langue d’origine (cf. supra Étape 2). Aussi, l’analyse des verbes ne peut se faire que d’après vidéo, modifiant par nécessité l’examen des données classiquement préconisé.

38.1. Annotation des vidéos en LS ELAN

Dans le domaine de la linguistique et particulièrement pour les langues signées, il est courant d’utiliser des logiciels d’annotation qui intègrent la vidéo, tels que ELAN ou Anvil (Boutet et Braffort 2011). Dans notre cas, nous avons pris ELAN (acronyme de « EUDICO Linguistic Anotator »). Ce logiciel est développé par le Max Plank Institute for Psycholinguistics de Nijmegen aux Pays-Bas. Il se présente en mode « partition », comme une partition de musique avec différentes lignes (Illustration 38). Ces lignes d’annotation (tiers) synchronisées avec la vidéo sont créées puis découpées en segments temporels par l’utilisateur. Elles comporteront par exemple la traduction de chaque interlocuteur, chacun sur sa propre ligne. Il a autant de lignes que de type d’observations à renseigner depuis la source. Une fois ces lignes segmentées annotées, il est possible de faire des requêtes à travers un ou plusieurs documents afin de comparer les données. Pour faciliter l’annotation, qu’elle soit plus systématique et requêtable, il est également possible d’annoter avec du vocabulaire contrôlé préalablement établi par l’utilisateur.

Illustration 38. ELAN : Structure du logiciel avec les lignes d’annotation des trois étapes d’analyse : traduction, interprétation approfondie par deux annotateurs et analyse selon des critères prédéfinis.

Modèle d’annotation

Pour réaliser une annotation homogène sur les différents entretiens et faciliter l’analyse interpersonnelle, il est nécessaire de constituer un modèle (template) comprenant les différentes lignes et le vocabulaire contrôlé. Ce modèle réunit les lignes des trois étapes d’analyse.

Voici les lignes attribuées à chaque étape : Étape préliminaire à l’analyse

— Traduction du sujet (A) — Traduction du chercheur (B)

Étape 1

Étape 2

— Interprétation approfondie des qualificatifs et de chaque occurrence de [ALLER] et [ARRIVER], annotateur 1

— Interprétation approfondie des qualificatifs et de chaque occurrence de [ALLER] et [ARRIVER], annotateur 2

— Annotation des occurrences de [ALLER] et [ARRIVER] selon les qualificatifs synthétisés (vocabulaire contrôlé)

Étape 3

— Annotation des occurrences de [ALLER] et [ARRIVER] selon les critères de la littérature (vocabulaire contrôlé)

38.2. Segmentation

Chaque ligne d’annotation est découpée par l’annotateur en segments. C’est donc à lui de déterminer le début et la fin des segments. Concernant les lignes de traduction, la segmentation est laissée au soin de l’interprète. Il procède généralement suivant le modèle de Johnston, par unité cohérente de sens ou selon le débit (Johnston 2014, 11). Quant aux signes [ALLER] et [ARRIVER], cela correspond à la découpe d’unités lexicales élémentaires (tokénisation). Il est plus délicat de déterminer le début et la fin d’un signe inscrit dans un

continuum de mouvements. En phonologie, Johnson et Liddell (2011) considèrent que les

bornes du signe se trouvent au moment de convergence d’un certain nombre de paramètres physique qui s’alignent, en état de « geste postural ». Le geste postural se produit après un changement de ces paramètres, lorsqu’ils se stabilisent. Sur l’exemple (Illustration 39) du signe [ALLER] du locuteur 3, on peut observer dynamiquement une décélération du mouvement de la main et visuellement une image vidéo plus nette, respectivement à l’image 1, puis aux images 6, p, q, r et s. Ces deux groupes correspondent aux gestes posturaux, lorsque les actions de la configuration de la main (CM), de son emplacement (EM), de l’expression du visage (EV) et les gestes non manuels (NM) se stabilisent (Johnson et Liddell 2011). Pour la segmentation, on détermine le début et la fin du signe dès la première image d’alignement (Illustration 40) qui correspond aux images 1 et 6. Ainsi on considère le signe [ALLER] de l’image 1 à 6.

Illustration 39. Séquence de 25 images du signe [ALLER]. Extrait vidéo du locuteur 3 a b c d e f g h 1 2 3 4 5 6 p q r s t u v w x y z

Illustration 40. Les deux alignements des quatre caractéristiques physiques qui définissent le début et la fin de la segmentation du signe [ALLER]. Caractéristique de la configuration de la main (CM), son

emplacement (EM), l’expression du visage (EV) et les gestes non manuels (NM)

Chapitre 2 : Résultats et analyses

Afin de repérer le ou les invariants signifiants nous permettant d’entreprendre la conception de l’instrument, nous passerons par trois étapes successives de recueil et d’analyse des données. La première consiste au recensement strict des qualificatifs/descripteurs émis lors des entretiens. La deuxième étape vient faire l’analyse en 2e personne afin d’objectiver une vision commune. La troisième étape s’appuie sur les critères recueillis de la littérature pour réaliser une analyse systématique sur l’ensemble des occurrences du verbe [ALLER].

Protocole d’expérience

Avant de rentrer dans le processus d’extraction des qualificatifs du verbe [ALLER] à partir des descriptions des locuteurs, nous allons faire un point sur le déroulement des deux séances d’entretiens et du vécu général de chaque participant. Nous faisons le point sur le rapport qu’ils ont eu avec la singularité de l’entretien d’explicitation, et plus particulièrement avec l’évocation, puis dégager les extraits d’entretien à analyser.