PARTIE 3 : METHODOLOGIE, ANALYSE ET CONCEPTION
46. Analyse du verbe [ALLER] sur l’ensemble des extraits avec le nouveau vocabulaire
Pour répondre à un travail rigoureux, nous avons suivi le modèle d’annotation (chap. 2, 38.1 Annotation des vidéos en LS) avec une segmentation des occurrences du verbe [ALLER] et une annotation de ces occurrences à l’aide d’un vocabulaire contrôlé préalablement défini (ci-dessous). Pour chaque occurrence du verbe [ALLER] des extraits sélectionnés pour l’analyse, on note s’il y a ou non la Dynamique de début du signe. Elle est devenue facilement identifiable après les observations corporelles du signeur lors de l’analyse approfondie par les deux annotateurs. Les indices à repérer sont : un engagement du corps (buste et/ou tête), une tension musculaire ou un mouvement de recul, suivi d’un geste de type balistique.
Vocabulaire contrôlé — Non
Il n’est pas apparu d’indice visible de tension dans le signe. — Oui
Les indices d’engagement du corps (buste et/ou tête), une tension musculaire ou un mouvement de recul (tête et/ou buste et/ou épaules et/ou doigts), suivi d’un geste de type balistique, forte accélération.
Après de longs visionnages151, de comparaisons entre les signeurs et d’interrogations, il est apparu que l’engagement corporel préparatoire qui se joue comme l’amorçage au mouvement de type balistique était effectué la plupart du temps, au début du signe (selon le découpage d’unité lexicale élémentaire, 38.2 Segmentation) (Illustration 44), mais possiblement avant le signe (Illustration 45). L’empan de la segmentation du signe serait potentiellement plus grand que ce que l’on peut observer dans l’unité lexicale élémentaire. L’amorçage faisant pleinement partie de la Dynamique du début, nous l’avons considéré et intégré dans la segmentation du signe.
151 Le visionnage sous le logiciel ELAN nous a permis de multiplier la lecture de chaque signe en opérant des variations telles que la lecture en boucle, le ralentissement, l’image par image, lecture simultanée de plusieurs signes.
Illustration 44. Séquence de 12 images du signe [ALLER]. Extrait vidéo du locuteur 4. Amorçage au début du signe. Indication des phases de la Dynamique du début du signe. On remarque une avancée de l’épaule
gauche et un recul des poignets (phase d’amorçage) puis une avancée des bras et la montée des doigts (phase d’accélération).
Illustration 45. Séquence de 12 images du signe [ALLER]. Extrait vidéo du locuteur 4. Amorçage avant le signe. Indication des phases de la Dynamique du début du signe. On remarque un engagement de la tête
avec un pincement des lèvres et un abaissement des doigts (phase d’amorçage) suivi d’une rotation du buste avec une avancée de l’épaule gauche, des bras et des doigts (phase d’accélération).
Forts de cet ajustement, nous avons clairement pu distinguer trois variations de Dynamique de début du signe qui concerne plus précisément la phase d’amorçage (Illustration 46, Illustration 47, Illustration 49 et Illustration 48). Nous pouvons dire que le mouvement d’amorce du signe qui pourrait être pris comme un mouvement de transition entre deux signes ou un mouvement préparatoire au signe fait en réalité partie intégrante du signe. Si l’on regarde la forme réalisée avec la rotation des poignets pour former une sorte de boucle avant d’« aller », elle se retrouve systématiquement dans la segmentation d’unité lexicale effectuée pour l’analyse. Cette forme est également standardisée et illustrée dans le dictionnaire de l’IVT (Illustration 30). En la comparant aux deux autres formes, elle se distingue par son exagération. Comme si la forme elle-même du signe imposait de prendre un engagement, de réaliser cette amorce. En observant le déroulé de ce mouvement d’un point de vue articulatoire152, nous commençons par une flexion assez grande de l’avant-bras, une
152Ici l’incidence de l’angle de la caméra sur le mouvement pris lors des enregistrements vidéo ne nous permet pas d’apprécier le mouvement ni selon la loi de la puissance 2/3 (Viviani et Flash 1995) qui pourrait nous renseigner sur l’appréciation de la vitesse et de l’accélération lors de changement de rayon de courbure, ni selon la loi de Fitts (1954) qui stipule que la vitesse moyenne d’un geste fait entre deux points augmente avec la distance entre ces
contrainte de l’abduction et de la flexion de la main qui provoquent un mouvement conjoint de supination (rotation), obtenant ainsi les trois degrés de liberté de la main au maximum, pour finalement ne libérer qu’un seul degré de liberté, celui de l’extension de l’avant-bras et de la main. C’est comme un ressort qui se comprime pour ensuite se libérer, se déployer. Somme toute, même si l’engagement corporel du corps est perdu, la forme du signe reprend les propriétés d’engagement. Nous avons donc considéré l’amorce comme partie intégrante du signe [ALLER] et l’avons pris en compte pour réaliser la segmentation destinée à l’analyse.
Mouvement des poignets en rotation arrière puis mouvement balistique des poignets vers l’avant
Mouvement des poignets et/ou doigts en arrière puis mouvement balistique des doigts et des poignets vers l’avant Mouvement du corps en avant puis mouvement balistique des poignets vers l’avant
Amorce ; Accélération
Illustration 46. Variations de Dynamique de début du signe [ALLER]
Illustration 47. Séquence de 13 images du signe [ALLER]. Extrait vidéo du locuteur 2. Mouvement des poignets en rotation arrière (amorce) puis mouvement balistique des poignets vers l’avant
points. En effet, le geste est à la fois un peu caché par les poignets lors de la rotation et il est dans l’axe de la caméra, ce qui ne nous permet pas de l’observer avec la précision requise.
Illustration 48. Séquence de 16 images du signe [ALLER]. Extrait vidéo du locuteur 8. Mouvement des poignets en arrière (amorce) puis mouvement balistique des poignets vers l’avant
Illustration 49. Séquence de 10 images du signe [ALLER]. Extrait vidéo du locuteur 6. Mouvement du corps en avant (amorce) puis mouvement balistique des poignets vers l’avant