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Le stockage des informations issues des sources précédemment citées s’est

effectué, au fur et à mesure de l’avancée des recherches, sur différents supports. Ces derniers varient selon qu’il s’agit de sources :

- éphémères (discussions et réflexions) : dans ces situations, j’ai privilégié les prises de notes à la volée (mots clefs, concepts, etc.), en veillant à ne pas perdre le fil de la réflexion en cours. Puis, après un délai allant de quelques heures à quelques jours, je me suis attaché à les mettre au propre et à en extraire ce qui semblait pertinent du point de vue de ma recherche. Cependant, il n’est pas toujours possible de prendre des notes, notamment lors de rencontres informelles. Dans ce cas, j’ai opté pour un effort de concentration et de mémorisation (analogies, métaphores, contextualisation, etc.) sur les propos tenus et sur ce qu’ils m’évoquaient. Puis, dès que l’occasion se présentait, je rédigeais une note sur le contenu de la conversation. J’ai aussi procédé à l’enregistrement audio ou vidéo de quelques rencontres, ce qui m’a permis, lors de leur transcription, de me rendre compte du décalage existant entre les données objectives contenues dans un support de ce type et celles, subjectives, issues de mes souvenirs de ce qui s’était dit. Néanmoins, si les informations recueillies après une telle transcription sont fiables, elles ne sont pas pour autant pertinentes et exigent un investissement en temps considérable. Quant à mes expirations256, qui peuvent survenir à tout moment, il n’est pas toujours possible d’en extraire l’essence. Ainsi, il m’est arrivé à plusieurs reprises de me lever en pleine nuit, ou même de couper une conversation, pour noter quelques mots, ou un schéma, en relation avec ma recherche. L’ensemble de ces données, stocké initialement sur papier, a fait ensuite l’objet d’une transcription sur support informatique.

- stables (lectures et écrits) : elles sont de deux ordres. Les premières correspondent aux ouvrages, revues, articles et documentaires figurant, ou non, dans la bibliographie de cette thèse et dont j’ai pris connaissance durant mes recherches. Je n’ai que rarement pu me résoudre à ne lire que la partie de ces documents se rapportant à mes travaux, car j’ai pris l’habitude d’en parcourir l’intégralité, ceci afin de m’imprégner, autant que possible, de l’état d’esprit de l’auteur. Conscient que toute lecture est influencée par la subjectivité du lecteur, je me suis borné à noter sur une feuille intercalaire, les passages en lien avec mes préoccupations du moment, accompagnés parfois de commentaires succincts. Ainsi, mes fiches de lecture ressemblent plus à un agrégat de citations qu’à un résumé synthétique du contenu des documents compulsés. Ce n’est que lorsque j’ai entrepris de les mettre au propre sur support informatique que j’ai pu commencer à en faire usage. Les secondes sources d’informations stables consistent en l’ensemble des écrits issus de cette recherche. Elles comprennent mes productions personnelles et les contributions collectives des groupes-chercheurs. Ces dernières consistent en des réponses à des questionnaires, des initiatives personnelles (fiches de personnage, schémas résumant l’intrigue du scénario, notes sur certains passages, etc.) et des commentaires sur les relations pouvant être faites entre le JdRF et l’itinérance de chacun. Ces écrits me sont parvenus sous la forme de document rédigés à la main ou de fichier texte. Mon travail a consisté à en faciliter l’accès, en les fixant harmonieusement sur un support informatique. Quant à mes propres créations, elles ont pris différentes formes : du simple aparté, présentant un aspect de ma recherche et comprenant quelques termes clefs ou tableaux synthétiques, à la communication à destination de la communauté scientifique, en passant par certains passages de mon journal d’itinérance. Avec le temps et l’avancée de ma réflexion, j’ai abandonné peu à peu le support papier (sauf pour mettre au clair, sous formes de schémas, certains points restés obscures à mes yeux ou lors de la relecture finale) pour investir le support informatique.

Le classement des informations ainsi recueillies a nécessité la mise en place d’un

système évolutif et adapté à la complexité de cette approche. Au début, j’ai entrepris de classer mes papiers selon quatre thématiques qui m’étaient chères : chronologie contextuelle, recherche sur le JdRF, écriture collective d’un scénario et alternatives sociales (j’y retrouve désormais, avec le recul, une première évocation de ce qui deviendra plus tard l’approche EBPS). Ainsi, chaque source d’inspiration était à même de compléter

un de ces corpus en phase d’élaboration. La partie consacrée au JdRF, qui a donné naissance à cette thèse, comprenait quatre dossiers nommés :

- Biopsychosocial : des schémas et tableaux évoquant succinctement divers aspects de ma recherche (réflexions, références, citations, concepts, etc.)

- Rencontres : des notes tirés d’entretiens avec des universitaires et professionnels de la formation, mes communications, un agenda et un répertoire

- Administratif : les documents liés à mon statut social et à la présentation de ma thèse - Expérimentations : les écrits des groupes-chercheurs et le détail des scénarios joués

Même si elles ne conviennent pas toujours, notamment en raison d’un problème de cloisonnement des données, les solutions apportées par l’outil informatique, une fois adaptées aux contraintes de l’utilisateur, ont leur utilité. Du moins, elles évitent de se retrouver avec des centaines de pages de notes éparses, parfois illisibles, et dont il est difficile de faire le tri. Cependant, du fait du caractère immatériel de ce support, elles nécessitent une vigilance particulière (risque d’écrasement de fichiers, de bugs ou de virus), qui prend la forme de sauvegardes régulières et d’une multiplication des moyens de stockage (internes et externes). Ayant échoué dans la mise en place d’une base de données performante, aussi bien dans le cadre de notre écriture collective que dans celui de ma chronologie contextuelle, j’abandonnais cette idée pour ma thèse. Dès lors, j’ai progressivement entrepris de transcrire tous mes écrits en version informatique. J’ai ensuite classé l’ensemble de ces données en quatre dossiers comprenant :

- l’intégralité des courriels liés au JdRF (GC, rôlistes, universitaires), - les données administratives (guide du doctorant, activité professionnelle),

- l’écriture de la thèse (plans, bibliographie, lexique, journal d’itinérance, idées diverses, approche EBPS, etc.),

- les sources d’informations (rencontres, expériences, fiches de lecture et recherches sur internet)

Chaque dossier et chaque fichier a son propre mode de classement. Ainsi, le journal d’itinérance, comme les expérimentations ou l’agenda des rencontres, est organisé de façon chronologique. L’approche EBPS se compose d’une succession de tableaux synthétiques classés par thématiques257 (niveaux de réalité, mémoire, ontogenèse, etc.) alors que les

idées diverses s’amoncellent sans aucune distinction. Le lexique est alphabétique, tandis que la bibliographie cumule une organisation thématique, alphabétique, et parfois chronologique. Les choses à faire dans la semaine (sur papier) et les courriels sont présentés selon leur caractère d’urgence. Le plan de la thèse, quant à lui, est le reflet d’une organisation respectant, autant que faire se peut, les spécificités de l’approche EBPS.

Iom débrancha son transcripteur et s’allongea dans son ergo-sofa. Les incontournables problèmes posés par la linéarité de l’écriture - la redondance de certains thèmes, ou même de certains mots - lui donnait la nausée. Quelle tristesse de ne pouvoir utiliser les méta-liens de dernière génération, permettant de s’affranchir de ces limites. Les informations contenues dans ce document gagneraient pourtant à être plus mobiles. Ce serait probablement envisageable plus tard. Il regretta brièvement de ne pas avoir investi dans un des derniers modules 3-D. Cela lui aurait permis d’avancer plus vite dans sa réflexion, et surtout dans son écriture. Mais cela lui avait été formellement déconseillé, lors de son admission, par son mentor onirique :

- « L’exploitation de données anciennes nécessite l’utilisation d’appareils moins performants. Ceci afin d’aborder votre recherche dans un état d’esprit aussi proche que possible de celui des personnes vivant à l’époque étudiée. Pensez plutôt à utiliser tous les moyens à votre disposition : musiques, films, gastronomies, senteurs, art, drogues, sans oublier les formidables ressources de l’Universithèque, à laquelle nous sommes affiliée… pour vous plonger dans cette atmosphère si particulière du début du XXIe siècle terrestre. Laissez alors l’inspiration venir à vous… »

Ces derniers mots résonnaient encore dans son esprit, lorsqu’il trouva enfin le sommeil. A son réveil, il prit le temps, tout en buvant son café matinal, de relire les notes de la veille. Depuis qu’il avait aliéné volontairement son corps à ce transcripteur, il avait régulièrement mal au dos. Mais pas ce matin. Il sourit. Le long processus d’habituation suivait son cours. Avant cette expérience, il n’avait pas idée à quel point une position de travail pouvait influer sur la santé globale d’une personne. A mesure qu’il avançait dans son expérimentation, il avait pu observer d’autres résultats étonnants, révélés par son biomètre, tels que la transformation physique de sa main ou l’usure de sa vision. Iom rebrancha son transcripteur et se prépara à taper sur son clavier, bienheureux de ne pas avoir entrepris une recherche plus ancienne et de ne pas être ainsi obligé d’apprendre à écrire avec une plume.

Le résultat de son labeur était décevant. Son écrit se déployait pauvrement en deux dimensions, sur des feuilles accrochées les unes à la suite des autres. Encore heureux qu’il n’ai pas eu à réapprendre à

écrire à la main, comme certains de ses compagnons d’étude. Il n’aurait pas pu. Même s’il avait cru remarquer que ces derniers, grâce à ce constant effort de relecture, rendu nécessaire par l’impossibilité de revenir en arrière, en cas d’erreur, sans avoir à tout réécrire, avaient aiguisé leur sens de l’attention au-delà de toute prévision. C’était déjà assez difficile de se servir d’un de ces archaïques claviers alphabétiques.

Le traitement des données a été un travail laborieux. Car, malgré cet effort de

classement, le nombre élevé d’informations à disposition menaçait le fragile équilibre de la construction théorique en cours. J’ai consacré un long moment à extraire de mes divers écrits les quelques passages méritant de figurer dans cette thèse. Conscient des contraintes liées à l’utilisation d’un micro-ordinateur (fatigue des yeux et du dos, moins d’une page visible à l’écran, temps consacré à la maîtrise de l’outil, etc.), j’ai continué d’employer feuilles et crayons pour certains aspects de ma recherche. Pour le reste, j’ai opté pour un aller-retour permanent entre les différents corpus, m’appuyant tant sur les nombreux fichiers ouverts simultanément sur mon micro-ordinateur, que sur quelques paperasses contenant diverses réflexions et ma bibliothèque de références. L’épreuve du tri a constitué ma première étape vers l’écriture. Il m’est alors devenu indispensable d’élaborer un plan détaillé de mon travail à venir. Ce qui me prit plusieurs mois, sans compter que ce même plan ne cessa d’évoluer par la suite. Du moins, j’ai pu enfin procéder au remplissage partiel et provisoire des différentes sous-parties, à partir de mon corpus d’informations à disposition. Ainsi, lorsque j’ai entamé l’écriture de ma thèse, je disposais de près d’une centaine de pages de brouillons, sur lesquelles je pouvais m’appuyer pour construire mon propos.

2. Exploitation des données

Les débriefings258 ont fourni une grande quantité de données, très hétéroclites et plus ou moins pertinentes. Les premières proviennent des groupes de sensibilisation et consistent en un reflet des interrogations propres à des néophytes et à leur manière d’appréhender cette activité ludique formative. Les secondes, qui découlent des expérimentations menées avec le GC1, prolongent les interrogations précédentes et dévoilent quelques caractéristiques des JdRF. Après avoir longuement hésité entre un traitement chronologique ou thématique de ces données, j’ai opté pour un mélange des deux. Les interventions des différents participants apparaissent en italiques. Les noms employés sont ceux de leur PJ. Voici, tout d’abord, la présentation proposée par le GC1 de ce temps d’échange : Le débriefing se déroule comme le JdR ; Le MJ laisse émerger ce qui doit émerger ; Il y a une totale liberté d’expression à partir de grands axes ; Le débriefing est d’autant plus riche que la liberté accordée aux participants est grande ; Les réponses des participants s’enchaînent à partir des expressions des uns et des autres.