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Le traitement non contentieux des difficultés de l’entreprise : la conciliation et le règlement amiable

50- Si les difficultés que rencontre l’entreprise sont détectées, encore faut-il

qu’elles soient traitées, en ce sens que des remèdes soient apportés afin de prévenir l’ouverture d’une véritable procédure collective. Le législateur a prévu trois modes de traitement non contentieux des difficultés de l’entreprise. Deux d’entre eux ne méritent pas de longs développements : il s’agit du mandat ad hoc et de l’intervention des pouvoirs publics ; nous les évoquerons dans l’introduction de ce chapitre puis nous nous consacrerons au mode de traitement qui semble recueillir les faveurs du législateur : la conciliation et le règlement amiable.

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1 - Le mandat ad hoc

51- Ce mandat ad hoc est prévu à l’article L. 611-3 du C. com. aux termes duquel « le président du tribunal peut, à la demande d’un débiteur, désigner un

mandataire ad hoc dont il détermine la mission ». Le texte prévoit que le débiteur

peut proposer le nom d’un mandataire ad hoc et le texte précise le tribunal compétent dont le président désigne le mandataire : le tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale et le tribunal de grande instance dans les autres cas. L’article L. 611-15 du Code de commerce soumet le mandataire ad hoc à l’obligation de confidentialité35.

La réglementation proprement dite du mandat ad hoc se trouve dans les articles R. 611-18 à R. 611-21 du Code de commerce. Ces textes expliquent que la demande de désignation d’un mandataire ad hoc est présentée par écrit ; elle est adressée au président du tribunal par le représentant légal de la personne morale ou par le débiteur personne physique. Le président du tribunal fait convoquer le débiteur en difficulté pour recueillir ses observations. Il doit rendre une décision motivée sur la désignation du mandataire ad hoc et s’il en désigne un, il définira sa mission et fixera les conditions de sa rémunération. La décision qui statue sur la décision du mandataire ad hoc est notifiée au demandeur et à la personne désignée comme mandataire.

Ce mandataire assistera le débiteur dans la gestion de l’entreprise. En particulier, il l’aidera à obtenir des créanciers certaines facilités, comme des délais pour le paiement de la créance. Si, alors qu’un mandataire ad hoc a été désigné, la situation du débiteur s’aggrave et qu’il se trouve en cessation des paiements, il devra faire une déclaration en ce sens : la désignation d’un mandataire ad hoc ne le dispense pas de cette obligation36.

35 V. Paris, 2 avr. 1999, Bull. Joly 1999.1084, note Couret, RTDCom. 2000.714, obs. Macorig-Venier, qui

décide que la confidentialité peut être levée à la demande de l’entreprise bénéficiaire lorsqu’il s’agit d’obtenir la communication d’un document adressé par un garant de la société au président du tribunal de commerce.

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L’ordonnance du 12 mars 2014 n’a pas modifié les conditions d’accès au mandat ad hoc. Cependant, voulant favoriser ce mode de traitement des difficultés de l’entreprise, le législateur est allé jusqu’à décharger le débiteur du paiement des honoraires des conseils auxquels il est fait appel dans le cadre de cette procédure. L’article L. 611-16 prévoit désormais dans son 2ème alinéa qu’est réputée non écrite toute clause mettant à la charge du débiteur, du seul fait de la désignation d’un mandataire ad hoc en application de l’article L. 611-3, les honoraires du conseil auquel le créancier a fait appel dans le cadre de cette procédure.

2 - L’intervention des pouvoirs publics

52- L’intervention des pouvoirs publics, l’Etat et les collectivités locales, s’explique par la volonté de rechercher le maintien de l’activité de l’entreprise et de l’emploi. L’intervention de ces pouvoirs soulève des difficultés très importantes. Si elle s’accompagne d’aides qui sont attribuées aux entreprises, la question se posera de savoir si une aide publique ainsi apportée à une entreprise privée ne constitue pas une méconnaissance du principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques. De même, cette intervention peut constituer une atteinte au libre jeu de la concurrence. Il n’en reste pas moins que le droit européen autorise que des aides soient apportées aux entreprises en difficulté, même si cette autorisation reste très limitée tant les autorités européennes tiennent au principe d’interdiction des aides publiques aux entreprises. C’est la raison pour laquelle le législateur décide, dans l’article L. 626-6 du Code de commerce, que les créanciers publics, comme les administrations financières, les organismes de sécurité sociale, les institutions gérant le régime d’assurance chômage … peuvent consentir des remises de dettes à une entreprise privée et le texte prend soin de préciser que ces remises de dettes peuvent être accordées « dans des conditions

similaires à celles que lui octroierait dans des conditions normales de marché un opérateur économique privé placé dans la même situation ».

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En ce qui concerne toujours les difficultés auxquelles ces aides donnent lieu, on peut craindre les conséquences dans l’octroi des aides, notamment tant à la création d’une situation artificielle de solvabilité de l’entreprise, alors qu’en réalité celle-ci est dans une situation désespérée. Si des tiers traitent avec l’entreprise en se fiant à cette apparence de solvabilité, ils pourront par la suite mettre en cause la responsabilité de l’Etat et des collectivités locales pour soutien abusif à l’entreprise.

Le mandat ad hoc et l’intervention des pouvoirs publics sont des modes de traitement non contentieux des difficultés de l’entreprise. Le mode le plus important reste la conciliation et le règlement amiable.

53- Avant la loi du 26 juillet 2005, le traitement non contentieux des difficultés passait par une procédure que l’on appelait le règlement amiable. La loi du 26 juillet 2005 a préféré remplacer cette procédure par une autre qu’elle a appelée la procédure de conciliation. Mais, le règlement amiable existe toujours dans un domaine particulier, celui des entreprises, personnes physiques ou personnes morales, de droit privé qui exercent une activité agricole (article L. 351-1 du Code rural et de la pêche). Le droit français consacre donc une procédure générale qui est celle de la conciliation et, parallèlement, une procédure de règlement amiable qui concerne uniquement le monde agricole. Mais, les règles qui régissent ces procédures sont très proches. Pour cette raison, nous exposerons essentiellement les règles qui régissent la procédure de conciliation en mentionnant les caractéristiques de la procédure de règlement amiable là où celui-ci se distingue de la conciliation.

54- La procédure de conciliation, profondément reprise par l’ordonnance du 18 décembre 2008 et par le décret du 12 février 2009, se retrouve dans les articles L. 611-1 et suivants du C. com. qui sont eux-mêmes sous un chapitre intitulé « De la prévention des difficultés des entreprises, du mandat ad hoc et de la procédure de conciliation ». Ces textes ont connu de profondes modifications dans l’ordonnance du 12 mars 2014 dont le souci, ici encore, est d’encourager ce mode de traitement non contentieux des difficultés de l’entreprise. L’article L. 611-4 prévoit l’institution devant le tribunal de commerce d’une procédure de

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conciliation dont peuvent bénéficier les personnes qui exercent une activité commerciale ou artisanale et qui éprouvent une difficulté. L’article L. 611-5 prévoit que cette même procédure est applicable aux personnes morales de droit privé et aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire et dont le titre est protégé.

Le but de cette procédure est de parvenir à la conclusion d’un accord amiable entre le débiteur et ses principaux créanciers. La conclusion de cet accord se fait par l’intervention d’un conciliateur qui est nommé par le juge et l’objet de l’accord est de parvenir à mettre fin aux difficultés de l’entreprise. Nous examinerons successivement la mise en place de la conciliation et du règlement amiable (Section 1) et leurs effets (Section 2).

Section 1 -

La mise en place de la conciliation