• Aucun résultat trouvé

196- Nous avons vu que le droit français consacre la possibilité de l’extension de la procédure collective dans deux cas : la confusion des patrimoines et la fictivité de la personne morale.

Le droit saoudien ne consacre pas, en principe, l’extension de la procédure d’une personne à une autre. Il faut dire que, jusqu’à une date récente, ce droit ne connaissait pas la notion de groupe de sociétés qui fournit, même en droit français, les cas d’extension les plus fréquents.

Cette situation est en train de changer puisque la nouvelle loi saoudienne sur les sociétés commerciales consacre ses articles 192 et suivants à une forme de groupe de sociétés qui est celui de la société Holding que l’article 190 nouveau définit comme une société anonyme ou une société à responsabilité limitée dont l’objet essentiel est d’avoir des participations dans d’autres sociétés anonymes ou à responsabilité limitée, participation lui permettant de contrôler ses décisions et de lui apporter tout le soutien ou l’aide nécessaire à son fonctionnement. Cette définition rejoint celle que le Congrès islamique mondial avait retenue dans son quatorzième Congrès : la société Holding est celle qui détient des actions ou des parts dans une ou plusieurs autres sociétés indépendantes d’elle et qui lui permettent de les contrôler juridiquement et d’en fixer les objectifs158.

197- La société Holding, en tant que société anonyme ou société à responsabilité limitée, est soumise aux règles générales sur la faillite des sociétés. Cette faillite reste, en principe, sans incidence sur les actionnaires ou les associés puisque ces derniers n’acquièrent pas la qualité de commerçant et ne seront pas considérés en état de cessation des paiements si la société Holding se retrouve dans cet état. Mais, chaque actionnaire reste tenu des dettes sociales à concurrence de sa participation au capital.

160

Cependant, la faillite de la société Holding peut avoir des effets sur les sociétés qui en sont dépendantes, ne serait-ce qu’indirectement puisque dans le capital de la société Holding entrent ses participations dans les autres sociétés et ces participations constituent à leur tour le gage des créanciers de la société Holding. Il n’est donc pas exclu que la faillite de la société Holding rejaillisse sur les sociétés dépendantes qui, en perdant une partie de leur capital, peuvent se retrouver elles-mêmes en état de faillite.

En revanche, la faillite d’une société dépendante n’aura, en principe, aucune incidence sur la société Holding qui est protégée par sa personnalité morale distincte de celle de la société dépendante.

198- Cette manière de concevoir l’extension de la procédure se retrouve dans d’autres législations des pays arabes. Ainsi, en droit libanais, la faillite de la société en nom collectif emporte automatiquement la faillite de ses associés. C’est ainsi que l’article 53 du Code de commerce libanais énonce : « Chacun des

associés d’une société en nom collectif doit être considéré comme faisant lui- même le commerce sous une raison sociale ; chacun acquiert la qualité égale de commerçant et la faillite de la société entraîne les faillites individuelles de tous les associés ». Cependant, le droit positif libanais considère que chacune des

faillites ainsi ouverte est indépendante des autres et son règlement est autonome puisque l’on considère que la faillite de l’associé n’englobe que les biens de ce dernier alors que les créanciers de la société ont pour gage les biens de cette dernière. Seuls les créanciers de la société peuvent déclarer leurs créances dans la faillite de cette dernière et si ces créanciers souhaitent exercer leurs droits aussi sur les biens de chaque associé, ils seront dans l’obligation de déclarer leurs créances dans chacune de ces faillites159. Cette solution est expressément consacrée par l’article 665 du même Code. Ce texte prévoit que, dans les sociétés en nom collectif, et il en est de même des commandités dans les sociétés en commandite, doivent déclarer leur cessation des paiements dans les vingt jours de la cessation des paiements de la société et le texte ajoute : « Le tribunal déclarera

par un même jugement la faillite de la société et celle des associés solidaires et

161

nommera en principe un seul juge-commissaire et un même syndic, bien que ces diverses faillites restent distinctes et que la masse de chacune d’elles soit différemment constituée ».

199- En cas de faillite d’une société anonyme, cette faillite se limite normalement à la seule société, sous réserve de deux exceptions :

- même si le président du conseil d’administration de la société anonyme

n’est pas considéré comme un commerçant, l’article 155 du Code de commerce libanais prévoit que le tribunal de commerce doit lui appliquer les déchéances prévues par la loi à la faillite si la société est déclarée en faillite et que celle-ci est imputable au dol ou à des fautes graves dans la direction des affaires sociales,

- la seconde exception est prévue à l’article 167 du même Code. Ce texte prévoit qu’en cas de faillite de la société faisant apparaître une insuffisance d’actifs, le tribunal de commerce peut, soit à la demande du syndic ou du liquidateur judiciaire, soit à celle du ministère public, soit même d’office, décider que les dettes sociales seront supportées, jusqu’à concurrence du montant qu’il déterminera, par les administrateurs et toutes autres personnes investies d’un mandat de direction ou de contrôle, avec ou sans solidarité160.

160 Le Tribunal de première instance de Beyrouth a décidé, par jugement du 30 juillet 1964 (coll. Hatem, vol. 56,

p. 27, n° 6) que les membres du conseil d’administration et le directeur général de la société ont pour mission de fixer la marche de cette dernière et ses objectifs économiques et il est raisonnable, si la société est déclarée en faillite, de les considérer responsables de cette faillite pour faute de gestion ou de direction de la société. Mais, cette responsabilité ne peut pas être étendue à d’autres salariés de la société, quel que soit le rôle qu’ils jouent dans la direction de cette dernière. V. aussi, Cour d’appel de Beyrouth, 11 février 1965 (coll. Hatem, vol. 59, p. 33, n° 2.

162

Conclusion du Chapitre 2

200- Le droit français et le droit saoudien subordonnent l’ouverture de la procédure collective à la situation dans laquelle se trouve le débiteur. En droit français, la cessation des paiements dont le droit positif s’efforce de préciser les conditions, est le critère qui permet de choisir entre les trois procédures collectives mises en place : la procédure de sauvegarde ne peut pas être ouverte si le débiteur se trouve en état de cessation des paiements et si cet état est établi, le tribunal prononcera nécessairement soit la procédure de redressement judiciaire, soit celle de la liquidation judiciaire. Le choix entre l’une et l’autre se fera sur l’examen de la possibilité ou non de parvenir au redressement de l’entreprise. Le droit saoudien qui ne connaît qu’une seule procédure, à savoir la faillite, se distingue non seulement du droit français mais aussi des législations de la plupart des pays arabes, en subordonnant la mise en place de la procédure à la vérification que les dettes du débiteur excèdent ses biens. Le droit des sociétés prévoit l’ouverture de cette même procédure dans l’hypothèse où la société à responsabilité limitée ou la société anonyme perd la moitié de son capital. Cette position du droit saoudien ne correspond pas à ses objectifs de protection des droits des créanciers. Néanmoins, elle s’explique par l’idée que les règles sur la faillite sont d’une sévérité telle qu’elles ne doivent trouver application qu’à un débiteur qui se trouve dans une situation déterminée, celle de ses dettes qui dépassent ses biens.

L’ouverture de la procédure peut conduire le juge français à l’étendre à d’autres débiteurs en cas de confusion des patrimoines ou de fictivité de la personne morale. Cette extension n’est pas prévue en tant que telle en droit saoudien pas plus que dans les autres législations des pays arabes étudiés, même si l’ouverture de la faillite d’une société a pour effet la déclaration, parfois automatique, de certains de ses associés en faillite ou encore la possibilité pour le tribunal de condamner les dirigeants de la société au comblement de son passif.

163