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162- La cessation des paiements est présente dans tout le droit des entreprises en difficulté. Dans la procédure de conciliation, l’article L. 611-4 C. com. prévoit que cette procédure bénéficie aux personnes qui ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de 45 jours et nous avons vu aussi que ce délai était relativement court afin que le débiteur ne se trouve pas dans une situation irrémédiablement compromise et d’assurer à la procédure une chance d’aboutir à sauver l’entreprise. Dans les présents développements, nous envisagerons le rôle de la cessation des paiements dans les diverses procédures collectives mises en place. A propos de ces procédures, la notion de cessation des paiements est appelée à jouer deux rôles : dans la sauvegarde, la procédure est mise en place afin d’éviter que le débiteur se retrouve dans une situation de cessation des paiements ; dans le redressement et la liquidation, c’est la cessation des paiements avérée qui conditionne l’ouverture de la procédure.

118 V. Com. 22 juin 1999, Rev. proc. coll. 2000.45, obs. Deleneuville ; Com. 24 mai 2005, Gaz. Pal. 4-5 nov.

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1 - La sauvegarde, procédure destinée à éviter l’état de cessation des paiements

163- Dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005, l’article L. 620-1 C. com. prévoyait l’institution de la procédure de sauvegarde qui devait bénéficier à tout débiteur qui « justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter,

de nature à le conduire à la cessation des paiements ». Dans l’ordonnance du

18 décembre 2008, ce texte est devenu : « le débiteur qui, sans être en cessation

des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter ».

Dans les deux textes, le législateur exige l’existence de difficultés insurmontables pour le débiteur. Il ne faut certes pas prendre cette condition au pied de la lettre puisque, si les difficultés étaient vraiment insurmontables, la cessation des paiements serait inéluctable, voire déjà réalisée. Il faut donc supposer que le débiteur se trouve dans une situation tellement difficile qu’elle nécessite un certain répit et la prise de mesures appropriées, mais la situation n’est pas pour autant désespérée puisque l’on compte sur ce répit et sur ces mesures appropriées pour aider le débiteur à les surmonter. C’est ainsi que les premières décisions rendues sur la procédure de sauvegarde présentent celles-ci119. La Cour de cassation décide que si la procédure de sauvegarde est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin, notamment, de permettre la poursuite de l’activité économique, l’ouverture de la procédure n’est pas elle-même subordonnée à l’existence d’une difficulté affectant cette activité120.

Cependant, en même temps, les difficultés auxquelles le débiteur est confronté ne doivent pas être assimilées à une cessation des paiements. Autrement, la procédure de sauvegarde ne sera plus la procédure appropriée. En effet, sauf ce que nous avons vu à propos de la procédure de conciliation, dès qu’il y a une situation de cessation des paiements du débiteur, le juge procèdera à l’ouverture d’une autre procédure.

119 Com. 26 juin 2007 (2 arrêts), D. 2008.Pan. 570, obs. F.-X. Lucas ; JCP E 2007.2120, note Vallansan ;

Dr. sociétés 2007, n° 177, note Legros.

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Que signifie la différence de rédaction de l’article L. 620-1 introduite par l’ordonnance du 18 décembre 2008 ?

164- Dans la loi de 2005, les difficultés à prendre en considération étaient celles qui étaient « de nature à conduire le débiteur à la cessation des paiements ». Normalement, on peut penser que l’ouverture de la procédure de sauvegarde suppose d’après ce texte que la preuve soit apportée qu’il y a des difficultés et que ces difficultés pourraient aboutir à la cessation des paiements. Autrement dit, il serait nécessaire d’établir l’existence de ce lien entre les difficultés et l’état de cessation des paiements à venir. Dans le nouveau texte, ce lien n’existe plus : le débiteur qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés. Donc, toute la preuve qui est désormais exigée est celle des difficultés et il n’est pas question d’établir un lien qui pourrait exister entre ces difficultés et l’éventuelle cessation des paiements121.

2 - La cessation des paiements, condition d’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire

165- La cessation des paiements est le critère de l’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Mais, ce critère ne suffit pas pour choisir entre le redressement et la liquidation.

121 Sur l’affaire « Cœur Défense », v. Com. 8 mars 2011, 3 arrêts, JCP E 2011.1263, p. 15, obs. Ph. Pétel.

V. aussi, A. Couret et Dondero, « L’arrêt Cœur Défense ou la sauvegarde de la sauvegarde », BRDA 6/11, n° 23, p. 12 ; F. REILLE, « Conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde : la défense de la raison dans

une affaire de Cœur », Gaz. Pal. 2 avr. 2011, n° 91, p. 7 ; Ph. Roussel-Galle, « Conditions d’ouverture de la sauvegarde : les textes, rien que les textes », Bull. Dict. Perm. Difficultés des entreprises, mars 2011.

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a) La cessation des paiements : critère nécessaire pour l’ouverture de la procédure

166- Dans les deux articles L. 631-1 et L. 640-1, le législateur prévoit la nécessité de l’existence d’un état de cessation des paiements pour qu’une procédure de redressement ou une procédure de liquidation soit ouverte.

L’appréciation de la cessation des paiements est faite au jour où le juge statue et non pas seulement au jour où la demande d’ouverture de la procédure collective lui est présentée. Donc, si un laps de temps sépare le jour de la demande et le jour où le juge statue, c’est au moment du jugement que la cessation des paiements doit être vérifiée. La Cour de cassation décide que si un appel est formé sur l’ouverture de la procédure collective, la Cour d’appel apprécie au jour où elle-même statue l’existence ce jour-là d’une cessation des paiements122. Si l’entreprise est placée en procédure de sauvegarde et qu’elle soit en état de cessation des paiements, l’article L. 622-10 énonce que le juge qui constate cet état de cessation des paiements décidera de convertir la procédure de sauvegarde en un redressement judiciaire ou décide de prononcer la liquidation judiciaire.

167- L’appréciation de la cessation des paiements se fait donc au jour où le juge statue. Mais cette date d’appréciation doit être distinguée de la date de la cessation même des paiements. En effet, il arrive que le débiteur soit déjà en état de cessation des paiements et que, pour une raison ou une autre, aucune procédure n’ait encore été ouverte. La raison de ces retards sont multiples : il se peut que le débiteur ne veuille pas avouer sa situation ; il peut croire qu’il peut encore la redresser tout seul ou encore il se peut que la demande ait été faite devant le tribunal et que les délais de procédure retardent pour un temps le jugement. A quel moment la cessation des paiements est fixée ?

122 Com., 9 mai 1987, Rev. proc. coll. 1987, n° 4, p. 29, obs. Didier ; 6 oct. 1992, Dr. sociétés 1992, n° 249, obs.

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A cette question, l’article L. 631-8 donne des réponses : son alinéa 1er énonce qu’il appartient au tribunal de fixer la date de cessation des paiements et l’ordonnance du 12 mars 2014 précise que le tribunal se prononce « après avoir

sollicité les observations du débiteur »123. Si le juge ne se prononce pas expressément sur cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d’ouverture de la procédure. Donc, il faut que la cessation des paiements existe au jour du jugement, mais, rien n’empêche le juge d’estimer que la cessation se situe à une date antérieure au jour du jugement. Par exemple, un jugement qui est rendu ce jour peut décider que la cessation des paiements existe depuis une date antérieure. Le texte ajoute que cette date peut être reportée une ou plusieurs fois, mais, dans tous les cas, elle ne peut jamais être antérieure de plus de 18 mois à la date du jugement d’ouverture de la procédure. Cependant, dans tous les cas, la date de cessation des paiements ne peut pas être fixée à une date à laquelle le débiteur n’existait pas. Cette question se pose pour les personnes morales. Ainsi, une société n’acquiert la personnalité morale que le jour de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés ; alors, la date de cessation de ses paiements ne peut pas être fixée à une date antérieure à l’immatriculation124. Il convient d’ajouter que dans l’hypothèse où un accord amiable a été homologué, l’ouverture ultérieure d’une procédure collective ne peut pas avoir pour conséquence que la date de cessation des paiements soit fixée à une date antérieure à la décision d’homologation. Mais, l’article L. 631-8 apporte une dérogation à cette règle en cas de fraude : si une fraude est constatée, la date de cessation des paiements peut être reportée à une date antérieure à la décision d’homologation.

Nous voyons en quoi la cessation des paiements est une condition nécessaire à l’ouverture d’une procédure collective. Mais, à elle seule, elle ne permet pas de choisir la procédure la plus appropriée.

123 Sur ces divers points, Yahia, p. 77 ; Mansour, op. cit., Tome 1, p. 119.

124 Com., 1er févr. 2000, RJDA 2000, n° 553 ; JCP E 2000, n° 48, p. 1909, note Besnard-Goudet ; Dr. sociétés

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b) Le choix entre le redressement et la liquidation judiciaires

168- Pour l’ouverture de la procédure de redressement, la seule constatation de l’état de cessation des paiements est suffisante. Le texte n’ajoute pas d’autres conditions. Mais, on comprend à la lecture de l’ensemble de l’article L. 631-1 que la procédure de redressement est ouverte si elle permet la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.

La contre épreuve se retrouve dans l’article L. 640-1 qui prévoit l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire si le débiteur est en cessation des paiements et si son redressement est manifestement impossible. Voilà pourquoi l’impossibilité d’un redressement devient une condition supplémentaire qui doit être constatée par le tribunal pour qu’il ouvre directement la procédure de liquidation125.

La cessation des paiements est une situation dans laquelle se trouve le débiteur et qui permet de choisir la procédure dans laquelle l’entreprise peut être placée, même si, à elle seule, cette cessation des paiements n’est pas suffisante pour choisir la procédure adéquate. La situation du débiteur se manifeste aussi dans les cas d’extension de la procédure.

§ 2 : L’extension de la procédure

169- L’extension de la procédure se retrouve dans l’hypothèse où le débiteur à l’égard duquel une procédure collective est ouverte est en relation plus ou moins étroite avec d’autres entreprises et que les circonstances justifient que la procédure ouverte à son égard soit étendue à ces autres entreprises. La loi prévoit l’extension dans certains cas (A) ; l’extension doit obéir à une procédure spéciale (B) et produit des effets qui lui sont propres (C).

125 Com. 26 mai 1999, LPA, 4 janv. 2000, p. 20, note Courtier ; Rev. proc. coll. 2000.46, obs. Deleneuville ;

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