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156- La notion de cessation des paiements se retrouve dans tous les textes sur les procédures collectives. Ainsi, l’article L. 631-1 C. com. énonce : « Il est institué

une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur qui, dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en état de cessation des paiements ». De même, l’article L. 640-1 précise que la

procédure de liquidation judiciaire est ouverte à tout débiteur « en cessation des

paiements ». Même l’article L. 620-1 sur la procédure de sauvegarde précise que

celle-ci est « ouverte sur demande d’un débiteur … qui, sans être en cessation des

paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter ». De

nombreux textes se réfèrent donc à cette notion, même s’il revient à l’article L. 631-1 d’en préciser les conditions. Celles-ci ne sont pas la création de la loi de 2005. La notion de cessation des paiements existe depuis fort longtemps et avait été forgée au départ par la jurisprudence110.

110 La notion de cessation des paiements a donné lieu à une littérature particulièrement abondante. V. en

particulier, J.-P. Marty, « De la cessation des paiements aux difficultés prévisibles », in La loi du 25 janv. 1985 a vingt ans ! Entre bilan et réforme, Lamy Dr. aff., suppl. au n° 80, mars 2005, p. 21 ; G. Berthelot, « La cessation

des paiements : une notion déterminante et perfectible », JCP E 2008.I.2232 ; B. Grelon, « Prévention et cessation des paiements », in Mélanges Tricot, Dalloz-Litec 2011, p. 422.

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Il résulte des indications données par l’article L. 631-1 que trois conditions doivent être réunies pour que le débiteur soit considéré en état de cessation des paiements : une « impossibilité » de faire face au « passif exigible » et cela avec « l’actif disponible ».

1 - L’impossibilité

157- A priori, cette impossibilité se trouverait dans l’incapacité pour le débiteur de régler ses dettes et, normalement, on doit comparer si le passif exigible dépasse l’actif disponible. Mais, en réalité, il n’a jamais été aisé de comprendre avec précision quand une telle impossibilité existe. Par exemple, existe-t-elle dans l’hypothèse où le débiteur pourrait recourir à un procédé de financement, tel l’emprunt, pour payer ses dettes ?111 Le recours à un procédé de financement ne serait peut-être pas la solution s’il s’avère particulièrement onéreux et le débiteur sera considéré en état de cessation des paiements même s’il ne recourt pas à ce procédé alors qu’il aurait pu théoriquement le faire. De même, pour définir l’impossibilité, la jurisprudence la distingue de ce que l’on appelle le déficit et la Cour de cassation considère qu’il ne suffit pas de constater l’existence d’un résultat déficitaire pour induire que le débiteur se trouve en état de cessation des paiements. Le déficit est ce résultat qui fait apparaître à un certain moment que les charges sont supérieures aux produits de l’entreprise à un point tel que le débiteur est obligé de faire appel à ses fonds propres pour le combler. Cela ne suffit pas pour caractériser une cessation de paiements112.

111 V. Cass. com., 24 mars 2004, D. 2004. Act. jur. 1022 ; Cass. Com., 22 janv. 2002, RJDA 2002, n° 416.

112 Cass. com., 2 févr. 1999, RJDA 1999, n° 438 ; Act. proc. coll. 1999, n° 76. Com. 3 nov. 1992, Bull. civ. IV,

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158- De même, il faut distinguer l’état de cessation des paiements du défaut de paiement d’une dette exigible113. En effet, le non-paiement d’une dette échue n’est ni une condition nécessaire, ni une condition suffisante pour caractériser l’état de cessation des paiements puisqu’un débiteur peut refuser de payer une dette pour diverses raisons. Ce n’est pas pour autant qu’il doit être considéré en état de cessation des paiements. De même, il peut être en état de cessation des paiements avant l’échéance d’une dette déterminée. En outre, même si le débiteur paie des dettes qui sont échues, ce n’est pas pour autant qu’il se trouve dans une situation financière acceptable : il peut emprunter à l’un pour payer l’autre, ainsi, il n’apparaît pas aux yeux de ses créanciers comme étant déjà en état de cessation des paiements alors qu’en réalité il l’est.

La notion d’impossibilité doit donc être appréhendée avec beaucoup de réalisme et les tribunaux exigent de celui qui demande l’ouverture d’une procédure collective de prouver lui-même l’existence de cette impossibilité.

2 - Le passif exigible

159- Comme cette expression l’indique, il est nécessaire de vérifier les dettes qui sont échues au moment où l’ouverture de la procédure collective est demandée. Ici, on doit aborder cette notion avec réalisme. On exige que les dettes soient certaines et liquides114. Cependant, même ces critères sont source de difficulté. Par exemple, doit-on prendre en considération une dette qui est déjà échue mais dont le paiement immédiat n’est pas exigé par le créancier ? On observe que la loi exige que le passif soit exigible et non pas qu’il soit exigé. En d’autres termes, une telle créance qui est déjà exigible doit être comptabilisée pour vérifier s’il y a une cessation des paiements alors même que le créancier n’en demande pas le

113 V. Cass. com., 25 nov. 2008, Gaz. Pal. 26-28 avr. 2009, p. 15, obs. Lebel ; Com., 22 févr. 1994, Bull. civ. IV,

n° 75 ; JCP E 1994.I.394, n° 1, obs. Pétel.

114 Sur ce que l’existence d’un moratoire fait disparaître le caractère d’exigibilité, v. B. Grelon, « Prévention et

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paiement immédiat. L’ordonnance du 18 décembre 2008 a ajouté une précision à l’article L. 631-1 selon laquelle, le débiteur qui établit que « les moratoires dont il

bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face à son passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements ».

3 – L’actif disponible

160- L’actif disponible devrait englober tous les fonds dont le débiteur peut disposer dans l’immédiat, par exemple ses fonds propres, ceux qui figurent sur ses comptes bancaires et même ceux qu’il peut réaliser très rapidement. On peut aussi ajouter les réserves de crédit, c’est-à-dire les possibilités qu’il a de recourir à un crédit normal. La même ordonnance du 18 décembre 2008 a précisé aussi que le débiteur qui établit que ses « réserves de crédit » lui permettent de faire face à son passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements.

La jurisprudence nous donne des illustrations assez nombreuses de cette notion d’actif disponible. Par exemple, elle estime qu’un débiteur qui possède des immeubles qui ne sont pas encore vendus ne peut pas être considéré comme ayant un actif disponible115. De même, ne sera pas pris en considération dans le calcul de l’actif disponible le prix d’acquisition du fonds de commerce ou encore le montant des travaux réalisés dans les lieux, pas plus que la valeur du stock de marchandises ou encore les participations dans d’autres sociétés116. En revanche, on doit prendre en considération dans le calcul de l’actif disponible le produit de la vente d’un fonds de commerce même si le prix est consigné entre les mains d’un tiers afin de désintéresser des créanciers qui ont fait opposition à l’aliénation du fonds117.

115 Com. 27 févr. 2007, JCP E 2007.1833, note Roussel-Galle ; ibid. 2119, n° 1, obs. Pétel ; Gaz. Pal. 13-14 avr.

2007, p. 21, obs. Lebel.

116 Com. 17 mai 1989, Bull. civ. IV, n° 152 ; Com. 20 juin 1995, Dr. Sociétés 1995, n° 162, obs. Chaput ; Com.

25 nov. 1997, Bull. civ. IV, n° 303.

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161- Il résulte de ces développements que les éléments constitutifs de la notion de cessation des paiements ne sont pas toujours faciles à cerner même s’il demeure nécessaire d’en faire une approche réaliste. La Cour de cassation se montre particulièrement exigeante sur la nécessité de les caractériser. Elles sont sur les juges du fonds qui retiennent la cessation de paiements sans caractériser l’une de ses composantes et, comme nous l’avons vu, imposent à celui qui demande l’ouverture de la procédure collective d’apporter lui-même la preuve de la réunion des conditions de la cessation de paiements118. L’explication de cette sévérité dont fait preuve la Cour de cassation se trouve dans le rôle particulièrement énergique que joue la notion de cessation des paiements.