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38- Toute l’évolution législative en la matière montre la nécessité à la fois pour le droit français et pour le droit saoudien d’éviter qu’une entreprise soit liquidée.

En droit français, on pose comme point de départ du raisonnement que l’entreprise est créatrice d’emplois et sa liquidation signifie que ces emplois seront perdus ; elle est créatrice de richesses et sa liquidation signifie qu’elle va cesser toute création de richesses. Pour ces raisons, le législateur tente de prévenir la liquidation et même de prévenir l’ouverture d’une véritable procédure collective. Cette volonté de prévention est celle du législateur français et du législateur saoudien. Cependant, les préoccupations de ce dernier sont d’une autre nature : si l’on cherche à éviter au commerçant les conséquences difficiles pour sa personne ainsi qu’aux membres de sa famille et pour son patrimoine des conséquences de la faillite, on cherche surtout à éviter que ce commerçant, pressentant la situation difficile dans laquelle il se trouvera si sa faillite est déclarée, dissimule sa situation à ses créanciers avec tous les préjudices que ces derniers subiront.

Même sur cette question précise, le droit saoudien et le droit français paraissent trop éloignés. Il convient de les étudier distinctement et de laisser à la conclusion de cette première partie le soin de présenter une synthèse de leur comparaison.

Titre 1 - Le droit français. Titre 2 - Le droit saoudien.

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Titre 1 - Le droit français

39- Il est admis depuis longtemps que le débiteur puisse conclure des accords avec ses créanciers afin d’éviter qu’il soit placé dans une procédure collective. Déjà, le Code de commerce, modifié par la loi du 28 mai 1838, avait admis la conclusion d’une convention entre le débiteur et ses principaux créanciers24. C’était les débuts du « concordat » qui devait connaître une existence « saccadée » en droit français. Le concordat de l’époque n’exigeait pas que la convention soit conclue entre le débiteur et tous ses créanciers. La majorité d’entre eux était suffisante. Mais, la contrepartie en était l’obligation d’homologation de la convention afin que les tribunaux vérifient que le concordat ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers qui n’en étaient pas signataires. Cependant, la plupart du temps, cette précaution n’était pas suffisante. Des intérêts étaient lésés et, disait-on, les concordats servaient davantage les intérêts de certains créanciers et parfois ceux du débiteur que l’intérêt général25. Le décret du 20 mai 1955, reprenant le projet primitif de la loi du 4 mars 1889, n’autorisait le concordat que dans la seule hypothèse où le débiteur était soumis au règlement judiciaire. Le concordat n’était pas compatible avec la mise en place d’une faillite26. Cette solution devait être conservée par la loi du 13 juillet 1967 qui affirmait, elle aussi, que le concordat ne pouvait être consenti qu’en cas de règlement judiciaire et le tribunal ne devait prononcer cette mesure que si le débiteur proposait un « concordat sérieux » (art. 7, al. 2). Si le débiteur ne pouvait pas proposer un « concordat sérieux », le tribunal devait convertir le règlement judiciaire en liquidation des biens.

Dans la pratique, le concordat se révélait fort décevant. La plupart du temps, les concordats n’étaient pas exécutés, ce qui avait incité les tribunaux à examiner de plus près la possibilité de l’exécution du concordat avant d’en prononcer l’homologation. Ce concordat judiciaire coexistait avec le concordat amiable qui résultait de l’accord du débiteur avec ses créanciers unanimes sans l’intervention

24 Percerou et Desserteaux, op. cit., n° 1271 et s.

25 Percerou et Desserteaux, ibid.

26 A. Honorat, Les innovations du décret du 20 mai 1955 relatif aux faillites et règlements judiciaires, thèse,

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du pouvoir judiciaire27. Ce concordat amiable se distingue du concordat préventif que le droit français a consacré, mais de manière temporaire seulement28. Ce concordat préventif est conclu avec la majorité des créanciers avant la procédure de liquidation et il est soumis à l’homologation judiciaire. Le décret de 1955 ne l’a pas consacré29. L’ordonnance du 23 septembre 1967 a consacré la suspension provisoire des poursuites que l’on pensait être proche du concordat préventif. Mais, en réalité, il n’en est rien, puisque cette suspension provisoire des poursuites est nécessairement une mesure judiciaire, prise sans la participation ou l’acceptation des créanciers.

40- Depuis la loi du 1er mars 1984, le législateur a cherché à « formaliser » l’accord conclu entre le débiteur et ses créanciers, même si le « règlement amiable des difficultés des entreprises » n’occupait pas une place importante dans cette loi30. Celle du 26 juillet 2005 l’a amplifié tout en lui donnant le nouveau nom de « conciliation ». Celle-ci emprunte à ses précédents les caractéristiques essentielles : il s’agit d’un contrat, tout comme le concordat amiable et le règlement amiable ; mais il est subordonné à l’intervention du pouvoir judiciaire comme c’était le cas auparavant de la suspension provisoire des poursuites. C’est cette conciliation qui nous occupera (Chapitre 2), dans la mesure où elle constitue le modèle actuellement le plus achevé du traitement non contentieux des difficultés de l’entreprise. Le législateur de 1984 a voulu aussi améliorer le système d’information sur la situation du débiteur31. Cette information est l’œuvre des structures « internes » de l’entreprise et l’objectif qu’elle poursuit dans notre matière est d’alerter sur la situation de cette entreprise. Dans la loi du 1er mars 1984, cette procédure d’alerte n’était pas dotée d’un domaine vaste puisqu’elle ne concernait que les seules entreprises dotées d’un commissaire aux comptes ou d’un comité d’entreprise. Le domaine d’application de l’alerte a été élargi dans la loi du 10 juin 1994. Le système a été repris par la loi du 26 juillet 2005 dont

27 V. G. Toujas, « Du concordat amiable », J.C.P. 1942.I.255 ; R. Nowina, « Le pacte d’atermoiement », Rev.

Syndics et admin. jud. 1969.215.

28 C’est le cas du règlement transactionnel de la loi du 2 juill. 1919, du règlement amiable homologué du décret-

loi du 31 août 1937.

29 F. Derrida, « Concordat préventif et droit français », Mélanges Hamel, p. 489.

30 Chaput, « Le règlement amiable », JCP E1985.II.14455 ; Y. Guyon, « Le règlement amiable des difficultés des

entreprises », Dr. des soc., 1985.267.

31 V. P. Le Cannu, « L’amélioration de l’information au sein de l’entreprise », R.J. com., 1986, n° spéc. févr.

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l’apport essentiel a consisté à améliorer l’information du président du tribunal sur la situation de l’entreprise. Sans être un préalable nécessaire à la conciliation, l’alerte, par l’information des autorités judiciaires qu’elle assure, contribue à inciter le débiteur à admettre la nécessité de prendre les mesures nécessaires à la sauvegarde d’entreprise, voire de recourir à cette conciliation ou au règlement amiable.

Le système a été encore plus renforcé avec l’ordonnance du 12 mars 2014 et son décret d’application du 30 juin 2014. Ces nouveaux textes tendent, comme l’écrit le Rapport au Président de la République32 à faciliter l’anticipation de l’aggravation des difficultés.

Chapitre 1 - L’alerte

Chapitre 2 - Le traitement non contentieux des difficultés de l’entreprise : la conciliation et le règlement amiable.

Chapitre 1 - L’alerte

41- L’idée de mettre en place un système d’alerte est apparue surtout au début des années 1980. Au cours de la préparation de ce qui devait devenir la loi du 1er mars 1984, un rapport avait suggéré la nécessité de détecter le plus tôt possible les problèmes que l’entreprise rencontre et pour les détecter, le rapport suggérait de reconnaître aux diverses parties qui constituent une entreprise le droit de mettre en œuvre une procédure spéciale lorsqu’elles ont des éléments d’information concordants et sérieux qui laissent présager l’existence de difficultés pouvant être lourdes de conséquences.

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Dans cet ordre d’idées, la loi du 1er mars 1984 a mis en place plusieurs procédures qu’on a appelées justement les « procédures d’alertes », destinées à révéler l’existence de dangers qui menacent l’entreprise. La loi du 10 juin 1994 a cherché à améliorer l’efficacité de ces procédures d’alerte. Ainsi, alors que la loi du 1er mars 1984 écartait l’entreprise individuelle, commerciale ou artisanale, du domaine de la détection, la loi de 1994 a fait bénéficier ces entreprises du système ; cette loi a également simplifié les diverses alertes qui avaient été mises en place. La loi du 26 juillet 2005 a repris le système des lois de 1984 et de 199433.

Le système actuel de l’alerte est donc composé de textes qui sont issus à la fois de la loi du 1er mars 1984, de la loi du 10 juin 1994 et de la loi du 26 juillet 2005 auxquels il faut ajouter les dispositions de la loi du 17 mai 2011 et de l’ordonnance du 12 mars 2014 qui ont profondément réformé le système. Pour comprendre celui-ci, il faut commencer par déterminer le critère qui permet le déclenchement de l’alerte et vérifier ensuite les procédures d’alertes proprement dites.

Section 1 -