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110- Dans les deux systèmes, français et saoudien, le législateur met en place des procédures dont le but est d’éviter l’ouverture d’une procédure collective. En droit français, le système de l’alerte cherche à sensibiliser le débiteur sur sa situation et peut aboutir à des aides consenties par les autorités publiques ; quant à la procédure de conciliation, elle tend à parvenir à la conclusion d’un accord amiable entre le débiteur et ses créanciers. En droit saoudien, la conciliation amiable et le règlement préventif de la faillite ont aussi pour objectif d’éviter l’ouverture de la procédure collective.

Cette volonté d’éviter l’ouverture d’une telle procédure se justifie pleinement en droit saoudien dans lequel la procédure collective est une procédure de liquidation, autrement dit de disparition dans l’écrasante majorité des cas de l’entreprise alors qu’en droit français, deux des trois procédures collectives mises en place, la sauvegarde et le redressement judiciaire, cherchent elles aussi à sauver l’entreprise de la liquidation. Mais l’on trouve que, même en droit français, la prévention des difficultés est préférable à l’ouverture d’une procédure collective. Les explications sont multiples, même si elles tournent toutes autour de la même idée, celle d’éviter la disparition de l’entreprise et, avec elle, la richesse qu’elle peut créer et les licenciements que sa disparition provoquera. Est-ce à dire que la procédure collective ne puisse pas constituer une procédure appropriée pour sauver l’entreprise ? Nous aurons à répondre à cette interrogation dans les développements qui suivront. En attendant, nous pouvons penser que si l’on détecte tôt les difficultés de l’entreprise, on évitera qu’elle se retrouve en état de cessation des paiements, avec l’idée qu’un tel état rendra plus complexe et plus difficile la tentative de la sauver. Mais, si telle est la raison, comment expliquer qu’une procédure comme la conciliation en droit français puisse être mise en place alors que le débiteur peut déjà être en état de cassation des paiements ? Ou alors, il faudra admettre que la condition selon laquelle la cessation des paiements ne doit pas exister depuis plus de quarante-cinq jours permet d’espérer que la conciliation puisse atteindre ces objectifs alors qu’à défaut de cette procédure, le

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débiteur hésitera à déclarer sa cessation des paiements, ce qui ne manquera pas d’aggraver sa situation. Le droit saoudien, quant à lui, préfère consacrer une nette distinction entre sauver l’entreprise par le recours à la conciliation amiable ou au règlement préventif et liquider l’entreprise par l’ouverture d’une procédure collective.

111- Dans les deux droits, l’idée est la même et s’inspire de l’adage selon lequel

« mieux vaut soigner que guérir ». La prévention de la procédure collective est

celle qui permet de soigner l’entreprise et d’éviter d’avoir à la guérir, avec tous les aléas auxquels on se heurtera à cet effet. Il faut penser qu’en France, le système de l’alerte avec les procédures non contentieuses auxquelles il peut donner lieu (le mandat ad hoc et la conciliation) s’est révélé bénéfique et l’ordonnance du 12 mars 2014 en a tiré les conséquences puisque l’un de ses objectifs est précisément de faciliter l’anticipation de l’aggravation des difficultés.

Mais encore faut-il que le débiteur ait conscience de la situation dans laquelle il se trouve et de la nécessité que des mesures soient prises. C’est le but du système d’alerte en droit français, système qui oblige ou qui incite nombre de personnes à un véritable devoir d’information et de mise en garde au cas où le débiteur connaît de graves difficultés de nature à mettre en péril l’activité. Le commissaire aux comptes, l’expert-comptable, les membres du personnel et même le président du tribunal jouent ce rôle. Ils peuvent alerter les instances « internes » de l’entreprise en demandant au chef d’entreprise de prendre les mesures nécessaires, de faire délibérer les organes de décision avec, à la clé, la possibilité de saisir le tribunal qui peut aller jusqu’à la mise en place d’une procédure collective. Le tribunal ou son président intervient aussi dans la procédure de conciliation. Le droit saoudien ne consacre pas le système de l’alerte et laisse au seul débiteur le soin de recourir à une procédure préventive. Dans la pratique, il est certain qu’il pourra être alerté sur la situation de son entreprise par ceux qui ont pour mission de contrôler sa comptabilité, voire par les salariés ou leurs représentants. Mais, aucun de ces derniers ne pourra s’adresser au tribunal pour que celui-ci prenne les mesures nécessaires à inciter le débiteur à œuvrer en vue de parvenir à une solution qui évite la procédure collective. Il n’en reste pas moins que le débiteur sait qu’en cas de carence de sa part à demander la mise en place

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d’une conciliation amiable ou d’un règlement préventif, le risque de l’ouverture d’une procédure collective le guettera et une telle procédure ne lui permettra plus d’éviter la faillite et la liquidation avec toute la répression pénale qui l’accompagne. Mais, dans tous les cas, la confidentialité qui devrait entourer la situation du débiteur subit de graves atteintes, ce qui mettra inéluctablement le débiteur face à toutes les difficultés que la méfiance à l’égard de sa situation peut susciter auprès des tiers.

112- Malgré ce risque, mieux vaut pour le débiteur d’éviter l’ouverture d’une procédure collective, d’autant que, dans les deux systèmes juridiques, l’Etat met à la disposition du débiteur des organes destinés à l’assister et à l’aider à trouver une solution : en France, les autorités administratives et étatiques ou encore le tribunal ; en Arabie Saoudite, les comités constitués auprès des chambres de commerce et d’industrie et le tribunal des doléances. L’intervention de ces organes peut paraître déterminante pour convaincre les créanciers, notamment, en France, les créanciers publics, comme l’administration fiscale et les organismes sociaux, de consentir les sacrifices nécessaires à la sauvegarde de l’entreprise. Les remèdes ainsi mis en place peuvent sans doute être encore améliorés. Mais, la volonté de rechercher une solution amiable est bien affirmée dans les deux pays et, dans ces deux pays aussi, si l’ouverture d’une procédure collective paraît inéluctable, les autorités chargées de superviser la conclusion d’un accord sont suffisamment avisées pour s’en rendre compte et laisser s’ouvrir une telle procédure.

Pour autant, les différences entre les deux systèmes apparaissent clairement à travers l’organisation des procédures non contentieuses. Le droit français cherche sans doute à sauvegarder les intérêts des créanciers et oblige le débiteur à une collaboration étroite avec les autorités chargées de mettre en place et de diriger la procédure afin, notamment, que les intérêts des créanciers ne soient pas sacrifiés. Mais, en même temps, la réglementation cherche à protéger le débiteur contre ses créanciers. Il bénéficie d’aides de la part des autorités publiques sous peine que celles-ci soient accusées d’avoir créé une apparence de solvabilité de ce débiteur. Le législateur a poussé son souci d’aider ce dernier jusqu’à le décharge avec l’ordonnance du 12 mars 2014 de l’obligation de payer les frais des conseils

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auxquels il est fait appel dans la mise en place de la procédure appropriée. Le législateur saoudien n’a qu’un seul souci : assurer la protection des créanciers et le débiteur n’échappera à la faillite que si les accords qu’il a conclus avec les créanciers sont respectés.

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