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PARTIE B : RECHERCHE

Chapitre 7. Cadre théorique

10. Le comportement scénique. Nous avons demandé aux enseignants de travailler avec leurs élèves les aspects qu’ils estimaient important dans le comportement scénique

8.5 Traitement et analyse des données

8.5.1 Approche clinique

En continuité avec les travaux du groupe DAM, nous avons choisi une approche clinique (Leutenegger, 2000 et 2009). Leutenegger (2000) définit ainsi l’approche clinique en didactique :

Il ne s’agit pas d’étudier « cliniquement » des cas d’élèves ou éventuellement des cas d’enseignants, mais de créer une « clinique des systèmes ». […] Le propos est ici très différent : l’élève est l’une des instances d’un système comprenant une autre instance humaine, l’enseignant, et des savoirs respectivement à enseigner et à apprendre et c’est bien l’étude de ce système de relations ternaires en situation didactique – et non des sujets particuliers – qui est abordé de façon clinique. (p. 218)

En accord avec l’auteur,

nous affirmons avec force que la didactique est une science à part entière, qu’elle recouvre un champ de recherche qui lui est propre, en sciences de l’éducation, et qui a la particularité de comprendre plusieurs disciplines de référence […] [y compris] les disciplines « mères », […] selon la didactique engagée. […] Or, la visée de nos travaux, sous couvert d’une clinique, relève bien d’une démarche d’explication/compréhension. (Leutenegger, 2009, pp. 61-62)

Ainsi, à partir de l’observation clinique de l’agir enseignant, nous nous efforcerons de comprendre les logiques sous-jacentes à l’enseignement de l’interprétation et d’expliquer les formes de didactisation que les professeurs mettent en œuvre pour enseigner les savoirs interprétatifs. Toujours sur les ormes de Leutenegger, « au travers des études de cas, nous cherchons à mettre en évidence des faits permettant d’attester des phénomènes didactiques liés au contrat didactique et à son évolution au cours du temps » (Leutenegger, 2009, p. 67). Comme elle, nous sommes convaincue qu’« en partant de l’observation des acteurs (et leur interaction), relève cette manière de reconstruire les faits à partir d’indices pertinents » (Leutenegger, 2009, p. 69).

8.5.2 Elaboration de trois focales d’analyse

Après la mise en intrigue (cf. 9.1) nous analyserons les leçons suivant des focales thématiques. Nous avons choisi les trois focales suivantes :

1. La technique d’archet pour apprendre l’interprétation

2. Emotions et interprétation 3. Le filage en classe

Le choix de ces trois focales trouve son origine dans l’exploration de la littérature que nous avons opéré (cf. chapitres 2 et 5). En effet, il est clairement ressorti de l’étude des sources que nous avons sélectionné que :

- L’interprétation s’exprime au travers du jeu instrumental (Hellaby, 2009 ; Salvetti, 2005). De ce fait, la maîtrise technique devient un outil indispensable pour pouvoir rendre explicites au public ses propres choix interprétatifs ;

- Ces différentes sources, historiques et modernes, destinées au grand public comme aux spécialistes et aux chercheurs, ont mis en lumière l’importance de rendre le jeu expressif (Juslin, 2003 ; Romberg, 1840 ; Wilson, 2008). L’expression est réalisée de différentes manières : par les gestes expressifs et par des choix de modes de jeu qui utilisent des codes sonores en relation à des registres émotionnels ;

- Le travail interprétatif vise l’exécution en public des œuvres travaillées (Héroux et Fortier, 2014a et 2014b). De ce fait, la performance semble devenir la finalité du travail de l’interprète. Le filage, c’est-à-dire le jeu ininterrompu lors des sessions de travail, constitue l’entrainement à la performance. Pratiqué par tous les musiciens interprètes dans la musique savante occidentale, il constitue un passage obligé de la préparation instrumentale.

Chacune de ces focales constituera un chapitre de nos analyses et cherchera à répondre à des sous-questions spécialement formulées pour cette focale, mais en lien avec nos questions générales (cf. chapitre 6, Hypothèses et questions de recherche).

Dans l’introduction de chaque chapitre d’analyse, nous allons décrire plus minutieusement nos choix. Ici, nous esquissons la relation entre le choix de ces trois focales et nos questions générales.

Dans notre premier chapitre d’analyses, le chapitre 9, nous allons étudier la relation entre la technique d’archet et le travail interprétatif. Puisque la technique d’archet est en pleine construction chez l’enfant débutant, nous voulons vérifier si les professeurs utilisent la technique d’archet pour apprendre l’interprétation ou pas. Autrement dit, l’enseignement des rudiments de la technique d’archet sont-ils visibles lors des moments de cours

consacrés au travail d’œuvres musicales ? Cet enseignement est-il uniquement abordé du point de vue technique ou sert-il à apprendre l’interprétation ? Autrement dit, le professeur prévoit-il une approche initiale de l’instrument uniquement du point de vue mécanique, ou est-ce qu’il inscrit une approche initiale de l’instrument dans un contexte plus ample, incluant des paramètres esthétiques et interprétatifs, à leurs tours inscrits dans un contexte historique et culturel ?

Nous allons analyser les moments où le professeur, le cas échéant, utilise la technique d’archet pour travailler l’interprétation. Ce chapitre est en étroite relation avec notre première question générale de recherche et son hypothèse (cf. chapitre 6, Hypothèses et questions de recherche).

Dans le chapitre 10, nous allons vérifier si les codes sonores correspondant à des registres émotionnels sont enseignés aux enfants débutants. Ici, il est pour nous important de comprendre si les professeurs dictent leur interprétation et/ou agissent en sorte que l’élève réalise le texte sans compréhension ; si les professeurs accomplissent un travail qui vise la compréhension de ces codes ; s’ils accordent ou pas de l’importance aux registres

émotionnels que ces codes sonores sont censés représenter dans leur contexte historique et culturel. Ce chapitre aborde sous la facette de l’expression des émotions, l’ensemble de nos quatre hypothèses et questions de recherche (cf. chapitre 6, Hypothèses et questions de recherche).

Enfin, dans le chapitre 11, nous nous penchons du côté de la performance et nous

essayerons de comprendre si les professeurs abordent un certain type de travail qui vise la prestation en public de la part de l’élève. Ce chapitre est plus en lien avec notre quatrième hypothèse et question générale de recherche (cf. chapitre 6, Hypothèses et questions de recherche).

8.5.3 Sélection des moments remarquables

C’est dans les ormes de l’équipe DAM que

nous avons extrait des « moments remarquables » – remarquables pour le professeur qui les

thématise comme pour le chercheur qui les analyse. Ces moments possèdent un potentiel heuristique significatif, lié à la corporéité, à un recours au corps dans sa double dimension matérielle et

symbolique, comme « outil pour transmettre » et « objet de savoir ». (Mili & al., 2017, p. 55)

Nos moments remarquables sont extraits à partir des trois focales d’analyses que nous avons choisi. Autrement dit, nous avons repéré et sélectionné les moments où des indices pertinents à l’étude de l’enseignement de l’interprétation pour la focale choisie étaient massivement présents et contribuaient à l’avancement des savoirs interprétatifs. Ces moments sont parfois très courts et parfois deux ou trois focales se chevauchent. Nous avons tout de même analysé les moments très courts, lorsqu’ils montraient une avancée dans le traitement ou dans l’appropriation des savoirs interprétatifs. Lorsqu’un moment remarquable était dense au point de pouvoir être analysé sous deux ou même trois focales, nous avons opéré un des choix méthodologiques suivants :

- Lorsque la grande majorité d’indices pouvait être analysé sous une seule focale, nous avons fait un choix de focale et nous avons analysé ce moment uniquement sous la focale choisie ;

- Lorsque la densité du moment ne permettait pas d’opérer un choix, nous avons analysé ce moment deux, voire trois fois, à chaque fois sous la focale du chapitre en question.

Cette méthode d’observation nous a permis d’explorer l’enseignement de l’interprétation sous les trois focales choisies de manière systématique et exhaustive.

8.5.4 Procédure d’analyse et de synthèse

Dans un premier temps, nous avons analysé les cours. Pour chaque focale d’analyse, nous avons procédé à l’analyse de l’agir enseignant de chaque professeur à partir des moments remarquables sélectionnés. Ces moments remarquables ont été classés en ordre

chronologique et ont été analysé diachroniquement. Concrètement, pour chaque focale d’analyse nous avons :

- Créé une séquence de moments remarquables pour chaque professeur et pour chaque séquence didactique. Les séquences des moments remarquables ainsi obtenues sont le résultat de notre sélection de ces moments et de leur classement chronologique ;

- Analysé séparément chaque séquence des moments remarquables de chaque professeur. Ensuite, nous avons essayé de répondre aux sous-questions de recherche de cette focale pour chaque professeur ;

- Répondu aux sous-questions de recherche de chaque focale d’analyse en comparant les résultats obtenus pour chaque professeur. Cela nous a permis de comprendre les similitudes et les différences de l’action enseignante entre les quatre professeurs et d’établir un bilan concernant l’enseignement de l’interprétation pour chaque focale.

Ce bilan sert à tirer des premières conclusions sur la focale d’analyse choisie.

Dans un deuxième temps, nous avons répondu à nos questions générales de recherche (cf.

chapitre 6, Hypothèses et questions de recherche) à partir des résultats précédemment obtenus lors des analyses par focale.

Cela nous a permis d’avoir une vision plus large de l’enseignement de l’interprétation aux enfants débutants que nous avons observé.

Dans un troisième temps, nous avons essayé de synthétiser les résultats obtenus. Nous avons ainsi pu dégager des postures enseignantes et des profils d’interprète que les

professeurs ayant participé à notre recherche se sont efforcés de construire. En croisant les résultats des analyses des leçons, des discours des professeurs lors de l’entretien a priori, ainsi que des prestations ‘publiques’ des enfants à la fin de chaque séquence didactique, nous avons pu dégager un modèle qui synthétise tous ces éléments et qui pourra être appliqué dans l’enseignement instrumental, ainsi que dans la formation des professeurs d’instrument et de chant.

8.5.5 Présentation des résultats

Chaque chapitre consacré à l’analyse par focale thématique a été organisé selon le modèle montré dans le tableau 9.

Tableau 9. Organisation des chapitres d’analyse par focale thématique.

TITRE Introduction

Sous-questions de recherche

Analyse diachronique de l’agir enseignant de chaque professeur Conclusions sur chaque professeur

Conclusions croisées

Dans l’introduction, nous présentons la problématique de la focale en question. Cette problématisation nous conduit à distiller des sous-questions de recherche, auxquelles nous essayerons de répondre à travers nos analyses.

L’analyse des moments remarquables des séquences didactiques a été présentée dans son déroulement chronologique. Chaque analyse des moments remarquables d’une séquence est précédée par un graphique qui synthétise le temps consacré à chaque séquence ainsi que les moments analysés. Cette vue d’ensemble sert à comprendre la densité des moments remarquables pour chaque focale.

Suit l’analyse proprement dite. Chaque moment remarquable a été finement décrit et analysé. Il a aussi été synthétisé au moyen de grilles.

Chaque grille comporte le minutage de l’extrait vidéo, le verbatim et les éléments ayant permis l’analyse. Puisque les grilles ne portent pas à chaque fois sur les mêmes éléments,

nous avons pris le soin d’indiquer quels aspects sont mis en évidence dans chaque grille.

Il s’agit, par exemple, des gestes enseignants, des milieux, etc. (cf. chapitre 7, Cadre théorique).

Les verbatim qui se trouvent dans les grilles ont été retranscrits en utilisant la ponctuation propre à la langue écrite et nous avons allongé les voyelles là où un des protagonistes l’ont fait vocalement ; de la même manière nous avons retranscrit le plus fidèlement possible les onomatopées utilisées par les professeurs ou par les élèves.

En ce qui concerne les éléments visuels de la leçon, tels les gestes, les déplacements, les expressions du visage, etc. nous nous sommes inspirée des travaux de Coasne-Vitoux (2013) et de Batezat-Batelier (2017). Ces deux chercheuses adoptent, en ce qui concerne la présentation visuelle des séquences didactiques observées, une séquence de prises

photographiques tirées des vidéos des cours. Cette séquence d’images se présente comme une sorte de ‘bande dessinée’. Nous avons gardé le principe de présenter au lecteur les éléments visuels de nos analyses, mais nous avons abandonné la ‘bande dessinée’ et l’avons substituée avec des courts extraits vidéo. Pour chaque moment remarquable, un lien

conduit directement à l’extrait analysé, qui peut ainsi être visionnée immédiatement. Nous sommes convaincue que ce moyen rend plus intelligible les interactions du professeur et de l’élève dans leur matérialité corporelle, expressive et sonore209.

Dans le chapitre 12, afin d’avoir une vision d’ensemble de l’agir de chaque enseignant, nous avons présenté les moments remarquables des trois focales sur un même graphique, pour chaque leçon de chaque séquence didactique. Ces graphiques suivent les mêmes logiques de ceux présentés lors des analyses par focale. Ils nous permettent de comprendre la densité et la répartition des focales pour chaque leçon et dans la séquence didactique. Afin d’en faciliter la lecture, seules les leçons où nous avons repéré deux ou trois focales sont présentées dans le chapitre 12. La totalité des graphiques se trouve en annexe 12b, 12c, 12d et 12e.L’agir enseignant de chaque professeur est présenté séparément et mis en regard avec le résumé des entretiens a priori.

Finalement, les conclusions générales sont présentées de manière synthétique par un schéma qui montre le modèle que nous avons proposé.

209 Afin de garantir l’anonymat des participants, les vidéos sont classées en accès privé. Elles ne sont donc pas disponibles au public. Les analyses ont été complétées, le cas échéant, afin que le public puisse pleinement les comprendre sans avoir recours aux vidéos.