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Schéma national d’orientation pédagogique de la République française

PARTIE A : PROBLEMATIQUE

Chapitre 3. Les documents-cadres : Aspects concernant les débuts au violoncelle

3.3 Schéma national d’orientation pédagogique de la République française

Le Schéma national d’orientation pédagogique De l’enseignement initial de la musique est, comme l’indique son nom, un document qui donne une ligne directrice, sans se pencher sur des détails qui seraient relatifs aux contenus d’enseignement. La dernière version en date, toujours en vigueur dans les conservatoires français, est celle de 2008. Nous baserons donc nos réflexions sur cette version-là.

Ce document est subdivisé en deux grandes parties : « Les enjeux spécifiques du schéma national d’orientation pédagogique de musique” et “L’organisation pédagogique : cursus et évaluation”.

La première partie trace les grandes lignes de l’orientation au niveau national. Sept enjeux sont énoncés :

- Mettre l’accent sur les pratiques collectives et l’accompagnement

97 Pour s’en convaincre personnellement, il suffit d’écouter deux versions contrastées de la même pièce, comme celles, ici, du célèbre « Ah, vous dirai-je Maman » :

https://www.youtube.com/watch?v=xyhxeo6zLAM et https://www.youtube.com/watch?v=DDMvvelPXj0

- Globaliser la formation

- Former à la direction d’ensembles

- Renforcer la place de la culture musicale

- Favoriser les démarches d’invention

- Renforcer les liens avec les établissements scolaires

- Renforcer les liens avec les pratiques en amateur

Nous avons regardé quels sont les savoirs interprétatifs implicites que l’on peut trouver dans toute la première partie du document, consacrée à la déclinaison de ces sept enjeux, et nous avons pu détecter de tels savoirs pour trois d’entre eux. Nous allons maintenant analyser et discuter en détails l’ensemble ce matériau, c’est-à-dire toutes les phrases qui réfèrent implicitement à l’interprétation.

Dans l’enjeu « Mettre l’accent sur les pratiques collectives et l’accompagnement », deux phrases ont attiré notre attention.

Voici la première : « […] par les réalisations qu’elles génèrent, les pratiques collectives donnent tout son sens à l’apprentissage » (p. 7). Cette phrase souligne l’importance des réalisations musicales à plusieurs voix, donc la prise en considération de l’œuvre musicale comme « fait musical total » (Nattiez, 1987) ; d’autre part les « réalisations » peuvent aussi être comprises comme étant des prestations publiques, ce qui va impliquer la mise en place d’un jeu expressif en vue de plaire aux auditeurs. Et un tel jeu expressif découle

évidemment de choix interprétatifs.

La deuxième phrase stipule que : « [l]e concept d’accompagnement lui-même est […] une partie essentielle de toute formation et, partant, de l’évaluation » (p. 7). Il nous semble que des savoirs interprétatifs sont implicitement présents dans l’accompagnement. En effet, celui-ci implique l’adaptation au jeu d’autrui du point de vue de la sonorité, de l’intonation (aussi en tant que paramètre expressif, le cas échéant), mais aussi pour ce qui est des nuances, des modes de jeu, du tempo avec toutes ses variations, etc. Savoir accompagner signifie savoir adapter son jeu aux choix interprétatifs de l’autre et savoir proposer d’autres variantes tout en jouant.

Si l’on synthétise, l’enjeu « Mettre l’accent sur les pratiques collectives et

l’accompagnement » met en relief l’importance de deux paramètres interprétatifs : la performance musicale et la souplesse de jeu.

Dans l’enjeu « Former à la direction d’ensembles », les savoirs interprétatifs se situent du côté de l’évolution personnelle. Le texte apporte en effet les précisions suivantes :

Une approche précoce peut […] revêtir, au départ, la forme simple de « jeu de rôle » à l’intérieur d’un ensemble. Cette initiation contribue à la formation de l’oreille, permet d’enrichir la vision globale de la partition, de compléter le travail corporel et d’améliorer la relation de l’instrumentiste ou du chanteur au chef comme à ses partenaires. (p. 8)

Par rapport à l’œuvre à exécuter, le chef d’orchestre doit faire des choix dans les modes de jeu, les nuances, le tempo (avec toutes ses variations) et il doit être capable de transmettre ces choix par des gestes. Il s’agit donc d’une vraie interprétation. Mais l’instrumentiste d’orchestre est aussi un interprète, car il doit être capable de décoder et restituer sur son instrument les gestes du chef, donc de procéder lui aussi à une vraie interprétation. ‘Jouer au chef d’orchestre’ ou ‘Jouer au musicien d’orchestre’ signifie donc apprendre et pratiquer

des savoirs interprétatifs, évoluer dans l’acquisition de ces savoirs, et être capable d’assumer des rôles différents.

Pour l’enjeu « Renforcer la place de la culture générale », l’accent est mis sur « [l]es

domaines que recouvrent l’analyse, l’histoire et l’esthétique [et qui] peuvent faire l’objet de démarches adaptées dès le 1er cycle, se consolidant et se structurant à partir du 2e cycle » (p. 8). Par la mention même de l’histoire et de l’esthétique, la notion de style nous semble bien présente, quoiqu’implicitement, dans ce texte.

A notre avis, d’autres éléments relèvent du même souci d’appropriation du « discours musical » (Harnoncourt, 1985), mais avec une focalisation portant cette fois-ci sur la créativité. Il s’agit « [d]es démarches liées à l’invention (écriture, improvisation,

arrangement, composition) [qui] constituent un domaine important de la formation des instrumentistes et des chanteurs » (p. 7). Dans notre effort de repérer les savoirs

interprétatifs dans les formulations du Schéma national d’orientation pédagogique, nous tenons à souligner ici le caractère tout aussi ‘interprétatif’ de l’écriture musicale, qui, contrairement à la composition, constitue un ‘exercice de style’. Tout en conservant sa part de créativité, l’exercice d’écriture se rapproche d’une interprétation des contenus

compositionnels d’une époque donnée.98 L’arrangement, quant à lui, peut être considéré comme une interprétation et réadaptation des contenus pour la plupart mélodiques d’une œuvre existante.

A l’issue de ces réflexions portant sur la première partie du Schéma national d’orientation pédagogique, nous arrivons à la conclusion que voici : cette section contient bel et bien des savoirs interprétatifs implicites. Ces savoirs sont : la prise en compte du « fait musical total », la notion d’accompagnement, l’appropriation du rôle et de la posture d’interprète et enfin le style.

Passons maintenant à la deuxième partie de document, intitulée « L’organisation pédagogique : cursus et évaluation ».

Après avoir énoncé des principes généraux sur le cursus, cette partie détaille les orientations et modalités pour chaque cycle.

Nous reprenons, dans la figure 4, le tableau récapitulatif consacré à l’organisation des études initiales, c’est-à-dire pour toute la période allant du moment où les enfants débutent une sensibilisation à la musique jusqu’à la fin du 2e cycle à l’instrument.

98Dans les conservatoires français, écriture musicale et composition sont deux disciplines distinctes. Dans les cours d’écriture musicale l’élève apprend à composer selon différents styles : baroque, classique, etc. Dans les cours de composition, l’élève apprend à composer à partir de sa propre inspiration, en utilisant (presque) uniquement un langage dit ‘contemporain’.

Figure 4. Tableau récapitulatif de l’organisation des études instrumentales (Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, République française, 2008, p. 10).

Précisons tout d’abord que la phase – ou cycle – de sensibilisation à la musique est subdivisée en trois étapes non obligatoires, qui sont le « jardin musical » avant l’âge de 5 ans, puis l’« éveil » qui est conseillé à partir de 5 ans et qui « [privilégie] l’activité

sensorielle, corporelle et vocale » (p. 5) ainsi que les approches interdisciplinaires et, enfin,

« [v]ers sept ans, la phase dite d’initiation [qui] facilite notamment un choix de pratique instrumentale ou vocale » (p. 5).

Qu’en est-il de la présence, ou non, dans le tableau, de savoirs de type interprétatif ? Dans la partie relative au cycle de sensibilisation, nous trouvons mention d’un contenu d’enseignement intitulé « expression artistique », dont l’interprétation est certainement une forme.

En ce qui concerne le 1er cycle, qui correspond au public cible de notre étude, nous ne trouvons pas mention de savoirs interprétatifs, tout au moins de façon explicite.

Implicitement, la « mise en place de repères culturels » pourrait s’apparenter à un savoir interprétatif ; pourtant l’indice semble ici trop faible pour que nous puissions considérer cet objectif comme un véritable savoir interprétatif. En revanche, en ce qui concerne le 2e cycle, nous voyons que le premier objectif mentionné, « Contribuer au développement artistique et musical personnel », relève assez clairement de l’interprétation.

L’absence de mention, en 1er cycle uniquement, de tout paramètre interprétatif ou même, plus généralement, de tout paramètre d’ordre musical, nous interpelle. Pourquoi une telle lacune ? Nous pouvons émettre l’hypothèse que ce cycle est considéré comme une

première approche de la technique instrumentale et que les savoirs interprétatifs, ou plus généralement musicaux, y sont laissés à la discrétion de l’enseignant. Si notre hypothèse est correcte, cela signifie que l’apprentissage instrumental initial est considéré comme un apprentissage uniquement de nature technique, ce qui implique, du point de vue de la progression des apprentissages, une scission entre les savoirs techniques-corporels et les savoirs interprétatifs-musicaux.

Pour clore notre réflexion sur cette deuxième partie du Schéma national d’orientation pédagogique, nous ne pouvons que constater que les savoirs interprétatifs ne semblent pas faire l’objet de recommandations de la part de la Direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles en ce qui concerne les débuts à l’instrument.

Notre conclusion globale quant au Schéma national d’orientation pédagogique dans son ensemble est que ce document expose les lignes directrices de l’enseignement musical amateur au sein des conservatoires français et présente l’organisation générale des études.

Nous relevons toutefois que l’interprétation n’est pas abordée comme objectif d’apprentissage ni comme critère d’évaluation, en tout cas en ce qui concerne les

instrumentistes débutants. Toutefois, certains enjeux qui ont à faire à l’interprétation sont bien présents, même si l’implicite l’emporte ici largement sur l’explicite.

3.4 Plan d’Etudes du Violoncelle de la Fédération des Ecoles Genevoises de